La productrice/chanteuse développe son son : « c’est quelque chose de bizarre et de nouveau », explique Nia Archives à Apple Music à propos de son premier album Silence Is Loud. L’artiste, productrice et DJ primée, considérée comme le fer de lance du renouveau de la jungle, est la première à reconnaître que le paysage sonore de l’album s’écarte considérablement du son de ses débuts. Si certains éléments dans la production ne surprendront pas les fans de Nia — qui incluent le pionnier de la jungle Goldie et la star mondiale Beyoncé —, Silence Is Loud est teinté d’influences Britpop, Motown et rock alternatif. Il en résulte une expérience d’écoute inédite, qui dévoile le caractère anticonformiste de son art. Coproduit avec Ethan P. Flynn, un jeune talent qui compte parmi ses références FKA twigs et slowthai, l’album évoque la pop expérimentale du tournant du siècle — dont l’un des principaux représentants était William Orbit —, mais avec l’énergie survoltée de patterns de batterie encore solidement ancrés dans la jungle.
Si des titres comme « Cards on the Table », « Crowded Roomz » et « F.A.M.I.L.Y » permettent à Nia d’explorer les thèmes récurrents de la solitude, de l’acceptation de soi, de la rupture avec ses parents et de l’amour — inconditionnel ou non — avec la candeur qui caractérise ses textes, Silence Is Loud ne tente pas de se dissimuler derrière l’intensité des mots. Cette réalité est particulièrement évidente lors de la reprise du titre éponyme, qui voit la chanteuse dépouiller le morceau des virtuosités percussives auxquelles elle nous a habitués. « La jungle est un style tellement effréné et intense que personne ne fait vraiment attention aux paroles », explique Nia. « Les éléments percussifs prennent beaucoup de place dans la musique — ils en sont le cœur en quelque sorte, et quand on les enlève, c’est comme le cerveau. Ce qui est parfois un peu trop. »
Pour tous les risques que Nia a pris en publiant une œuvre qui refuse de suivre la tendance en faveur d’un reflet authentique de son propre parcours, Silence Is Loud réussit à fusionner ses éléments disparates en un véritable or audio. « L’autre jour, j’ai joué dans un pub à Londres et les gens chantaient si fort que je me suis dit que cet album n’était pas seulement viral sur TikTok. C’est un album que le public doit écouter, puis réécouter pour bien l’assimiler [parce que] c’est quelque chose d’étrange et de nouveau », dit-elle. « Mais je pense que j’ai de bons goûts musicaux, ce qui me donne un peu de confiance en moi ». Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur chaque titre, à travers les mots de Nia.
« Silence Is Loud »[/b]
« J’ai écrit ce morceau à propos de mon petit frère, qui est mon petit trésor. Il vieillit et notre relation a énormément changé. Il a tellement changé, j’ai tellement changé. Je voulais écrire sur la façon dont je l’aime quoi qu’il arrive, et c’est ce que représente pour moi l’amour inconditionnel. Il n’y a pas de si ou de mais, c’est juste de l’amour pur. Je l’ai écrit au lit et je l’ai apporté à Ethan. C’est le premier titre qu’on a fait ensemble. Un de mes albums préférés est Aha Shake Heartbreak de Kings of Leon, je suis très inspirée par le son lo-fi de leur musique. Je voulais vraiment une séquence à la Kings of Leon et à la Radiohead, parce que In Rainbows est aussi un de mes albums préférés. »
« Cards on the Table »[/b]
« Je voulais faire un morceau de jungle Britpop vraiment hardcore. C’est un titre assez dépouillé. J’ai été très inspirée par Blur, Pulp, Oasis, tout ce genre de vibes. J’adore Damon Albarn. S’il y a quelqu’un dont j’aimerais qu’il écoute l’album, c’est probablement lui. Encore une fois, j’ai écrit ce morceau au lit — j’ai eu une relation avec un Irlandais que j’ai rencontré après un concert à Dublin l’année dernière, donc c’est une histoire vraie et c’est la première fois que j’écris quelque chose de ce genre. Je n’écris pas vraiment de chansons d’amour, mais j’essayais d’avoir un moment à la Natasha Bedingfield. J’ai vraiment essayé de penser à tous les meilleurs auteurs-compositeurs britanniques et je me suis penchée sur l’étude de beaucoup de gens. C’était la première fois que j’écrivais un morceau et que j’avais l’impression que c’était un “vrai” morceau ». »
« Unfinished Business »[/b]
« C’est le seul morceau que je crains de devoir chanter en live, parce que je revenais d’un festival et que j’avais perdu ma voix, c’est pour ça qu’elle est aussi enrouée et rock ’n’ roll — je ne sais pas si je pourrai la rechanter comme ça. J’ai écrit ce titre en réalisant que tout le monde a sa propre vie avant même de te connaître. Avant même que tu ne dises bonjour, les gens ont déjà vécu un tas d’expériences qui les ont façonnés en tant que personnes. C’est en fait très positif. La production est assez binaire parce que j’ai fait beaucoup de musique “four to the floor” ces derniers temps. Et je voulais aussi vraiment faire un morceau de jungle inspiré des Foo Fighters parce que j’adorais les Foo Fighters quand j’avais 14 ans. »
« Crowded Roomz »[/b]
« On a fait ça en studio et c’était un peu étouffant. Je parlais de solitude, de solitude chronique. J’ai l’impression que beaucoup de gens de mon âge connaissent la solitude. Pour moi, avec ce que je fais — où c’est soit très haut soit très bas — c’est vraiment exacerbé et j’en fais un peu plus l’expérience. On s’est dit : “Oh mon Dieu, c’est un peu trop, je ne peux pas écouter ça”, parce qu’on écoutait toujours le même morceau en boucle pendant quatre heures — et c’est un titre intense à écouter en boucle. Le lendemain, on s’est dit : "Oh, c’est vraiment bien". J’ai joué ce morceau dans mes sets et tout le monde a scandé les paroles, donc j’espère que ce sera la même chose pour tout l’album. Mes sets sont de plus en plus passés de la jungle hardcore à un concert de pop, ce qui est cool. »
« Forbidden Feelingz »[/b]
« J’ai l’impression que beaucoup de gens vont me découvrir [grâce à ce nouveau son] et je veux vraiment qu’ils sachent d’où je viens et comment j’en suis arrivée là. C’est un bon moment pour changer, pour dire : “Je fais ça aussi et si vous voulez, vous pouvez revenir en arrière et découvrir tout ça”. Je ne pourrai jamais reproduire cette chanson, c’est l’une de mes préférées, donc je ne voulais pas qu’elle ne fasse pas partie d’un album qui, je l’espère, marquera les prochaines années de ma vie. »
« Blind Devotion »[/b]
« C’est le projet le plus long que j’ai réalisé dans ma vie. D’habitude, je ne dépasse pas les 20 minutes. Vers la fin, je me suis dit : “Oh mon Dieu, pour qu’un album en soit vraiment un, il doit durer 35 minutes, il me faut trois minutes [de plus] pour le terminer, je vais faire un morceau de plus”. C’est un des seuls nouveaux titres avec le son de mon “ancien moi”, avec une vibe vraiment club. On cherchait une ambiance à la Massive Attack. On l’a enregistré dans mon studio, et je n’ai pas énormément de matos. J’essaie de ne pas dépenser d’argent dans trop de trucs. J’ai 10 plug-ins, ce qui est vraiment bizarre pour une productrice, mais je préfère maîtriser ce que j’ai plutôt que d’avoir tout et de ne pas savoir utiliser les choses. En tant qu’artiste, on aime bien les défis, se dire : “Je n’ai que ça sous la main, comment est-ce que je peux en faire quelque chose d’intéressant ?”. »
« Tell Me What It’s Like? »[/b]
« J’ai dit à Ethan que je voulais faire un morceau un peu à la manière des Cranberries. La section centrale, qui est très joyeuse, provient d’un autre morceau, le seul qui n’a pas été retenu pour l’album. Le reste du titre est assez sombre et c’est Ethan qui a eu l’idée d’assembler les deux. Ça parle d’amour non réciproque, mais pas nécessairement dans le sens d’une relation, c’est plus lié à ma propre vie, mais je présume que les gens le prendront comme ils le voudront. Quand j’ai écrit ça, j’ai été inspirée par le style de Natalie Imbruglia. J’ai écouté un mémo vocal que Goldie m’a envoyé — parce qu’il m’en envoie chaque semaine. Il m’a beaucoup écoutée et m’a beaucoup soutenue. C’est quelqu’un qui m’inspire et que j’admire, non seulement en tant que musicien, mais aussi en tant que personne. Il était très excité quand je lui ai envoyé le morceau. »
« Nightmares »[/b]
« On m’a brisé le cœur à Tokyo, ce qui est à la fois hilarant et fortuit. On se croirait dans un film. Je suis revenue d’Asie et j’étais vraiment triste, et la seule façon pour moi d’évacuer mes émotions, c’est de faire de la musique. J’ai écrit ce morceau à la maison, puis le label d’Ethan nous a laissés utiliser leur studio d’appoint, et il a apporté sa guitare. J’avais écouté beaucoup de Fleetwood Mac pour me remettre de mes émotions et je voulais faire quelque chose dans le même esprit. J’ai trouvé que “Nightmares don’t just happen when you’re sleeping” [Les cauchemars n’arrivent pas seulement quand vous dormez] était un jeu de mots assez amusant, parce que ce qui se passait ressemblait à un vrai cauchemar, ce qui est super dramatique. C’est le seul morceau que je regrette un peu. Je n’ai jamais été aussi méchante dans une chanson de ma vie et la personne sur laquelle j’ai écrit ne l’a pas entendue. J’espère qu’elle ne me déteste pas parce qu’on est de nouveau amis. Mais c’est un bon morceau, donc qu’est-ce que je peux bien faire ? »
« F.A.M.I.L.Y »[/b]
« J’ai écrit ce morceau à propos de mon expérience personnelle et de ma relation avec ma famille. Ce titre représente la fin de cette époque, pour moi. J’ai 25 ans cette année, et j’ai l’impression qu’il n’y a qu’un certain nombre de fois où l’on peut être absorbé par des choses qui nous stressent ou nous contrarient, donc je voulais vraiment dire ce que j’avais à dire, et c’est tout. Il y a une part d’acceptation dans le morceau, le fait de comprendre que les choses sont comme ça et que c’est OK, je suppose. C’était assez cathartique. On l’a enregistré dans l’appartement d’Ethan, avec moi qui criais et Felix [Stephens], l’ami d’Ethan, qui jouait de l’alto. Ma principale source d’inspiration était “1980”, d’Estelle. Il y a vraiment un sentiment que j’éprouve quand j’écoute ce morceau. Je ne sais pas comment l’expliquer. Même le clip, où elle est assise dans les escaliers. C’est toute une ambiance que je voulais vraiment capturer avec ce titre. Il est assez théâtral et je pense que la production reflète ce côté théâtral. »
« Out of Options »[/b]
« Je venais de visiter le Musée de la Motown à Détroit pour la première fois et c’était incroyable. J’adore la Motown. Toutes les productions du label, avec les moyens qu’ils avaient à l’époque, c’est vraiment dingue. C’était une industrie noire en plein essor, ça m’a toujours inspirée. Et j’adore les Ronettes, un de mes girls bands préférés de tous les temps. J’écoutais donc beaucoup ce genre de musique et je voulais explorer ce son. C’est le seul morceau que j’ai écrit sur le champ et pour lequel je n’avais pas grand-chose à dire, mais c’était vraiment marrant d’enregistrer comme elles l’auraient fait — en me plaçant à différents endroits de la pièce pour créer ce gros son. »
« Silence Is Loud (Reprise) »[/b]
« Ethan a suggéré de faire une reprise et j’étais un peu là genre, “Hmm, je sais pas trop. C’est un peu bizarre”. Mais j’ai fait confiance à son instinct. C’est le seul morceau qu’on n’a pas enregistré au Royaume-Uni. J’étais en tournée à Los Angeles, et je déteste faire de la musique à Los Angeles, mais on était à Sound Factory et on avait accès à plein de matos, et il s’est vraiment amusé avec le sound design. Tout au long de l’album, je voulais qu’il y ait des tas de mémos vocaux et d’anecdotes de personnes qui comptent pour moi. La voix qui parle au début est celle de mon frère. Au milieu, il y a plein de voix différentes de mes amis, des parents de mes amis qui font aussi partie intégrante de ma vie, et de mon manager Tom, qui est mon meilleur ami. À la fin, il y a un extrait d’une vidéo de tous mes amis à mon dîner d’anniversaire. C’est assez émouvant en fait. »
« Killjoy »[/b]
« J’ai eu une interaction très désagréable avec quelqu’un qui m’était très proche et c’est ce que j’ai exprimé ici. C’était la première fois que j’essayais de réfléchir à la façon de rendre les mots intéressants et j’adore la façon dont j’ai écrit. J’ai fait ça à la maison et j’ai apporté le titre à Ethan, et ce qu’il y a ajouté était vraiment cool : des vibes à la Massives Attack avec un peu d’IDM old school et de la jungle. »
« So Tell Me »[/b]
« Un autre moment d’un projet précédent. Si je n’avais pas fait [EP de 2023] Sunrise Bang Ur Head Against Tha Wall, ce morceau aurait été sur l’album de toute façon — ça m’a semblé être une bonne fin. »