Dans la foulée du succès de son duo Chloe x Halle au début des années 2010, Chloe Bailey a eu la chance de voir le monde depuis les plus hautes sphères de l’univers pop : tournée avec Beyoncé, plusieurs nominations aux GRAMMY® et performance au Super Bowl. Mais il y a d’autres rites de passage qu’elle n’a pas connus en raison de son statut de jeune vedette du R&B. « J’ai été scolarisée à la maison pendant mon secondaire. Alors toutes les expériences qu’on traverse à cet âge – tomber en amour, avoir une peine d’amour, se réconcilier –, c’est maintenant que je les vis », a expliqué Chlöe à son ancienne collaboratrice Latto sur Apple Music Radio. « Ç’a eu beaucoup d’influence sur les textes. Quand je suis fâchée, au lieu de pleurer ou de piquer une crise, je m’assois et j’écris. » Cette émotivité brute prend vie quand elle est portée par la voix puissante et polyvalente de Chlöe et devient la solide fondation de son premier album, In Pieces, où l’on trouve autant de styles différents que de collaborations. La curiosité musicale intarissable de l’autrice-compositrice-interprète y est évidente, que ce soit sur une « torch song » comme la pièce titre, sur « Pray It Away », une parabole gospel trap sur l’attitude la plus noble à avoir lors d’une séparation, ou sur « How Does It Feel », une chanson sur le thème du regret en duo avec Chris Brown, sur un beat qui échantillonne Dionne Warwick. Sa maîtrise innée des harmonies vocales incroyablement riches, qui était également la marque de commerce des projets avec sa sœur, donne aux musiques les plus simples de l’album une superbe profondeur sonore. Bien qu’In Pieces traite surtout des tribulations de relations amoureuses imparfaites, on y ressent aussi une libération et de la détermination, du fait que Chlöe est pleinement maître de ses choix quant à la manière de s’exprimer. Le rythme pétillant de « Body Do » est aux antipodes de son texte. La chanteuse commence en soupirant « I’m so tired » [« Je suis tellement fatiguée »], avant d’expliquer en détail son désenchantement. « Make It Look Easy » donne d’abord l’impression d’être une ballade tourbillonnante ponctuée de claquements de doigts, mais au fil du texte où Chlöe confie ses angoisses, la musique prend des allures de tempête avec ses cuivres synthétiques et ses percussions sautillantes. Sur « Told Ya », une collaboration avec nulle autre que Missy Elliott, Chlöe « flexe » son talent de MC, ce qui n’est pas peu dire quand on travaille aux côtés d’une invitée spéciale parmi les plus légendaires de la planète hip-hop. À la fin de la chanson, le beat minimaliste se métamorphose en synth soul sirupeux tandis que l’artiste déploie ses ailes avant de mettre en garde son malfrat d’interlocuteur qu’elle est « a soldier » [une « combattante »]. Parmi les autres joyaux de l’album, on trouve « Cheatback », un morceau articulé autour d’une guitare acoustique où Chlöe déclare la guerre à un amant infidèle, interprété ici par le MC d’Atlanta Future. Les excuses implorantes de ce dernier n’ont aucun effet sur les ultimatums de la chanteuse, dont la voix augmente en intensité au fur et à mesure que la pièce progresse afin d’exprimer à quel point elle est, à juste titre, furieuse que sa confiance ait été trahie. « Maybe then, baby, you’ll know how to act » [librement : « Peut-être que rendu là, bébé, tu vas savoir comment te comporter »], crache-t-elle dans le refrain, emballée à l’idée de combiner vengeance et leçon qu’il n’est pas près d’oublier. Chlöe a beau découvrir la vie sous le regard de son public, In Pieces nous prouve qu’elle a un talent inné.