Les deux côtés de la médaille de l’expérience humaine : c’est ce qu’Émile Bilodeau tenait à montrer avec son cinquième album, Au bar des espoirs. « Le jeu de mots est peut-être simple mais j’aimais l’idée d’opposer “espoir” et “désespoir” », a expliqué l’auteur-compositeur-interprète à Apple Music. « De la guerre en Ukraine aux feux de forêt du Québec, en passant par la hausse du coût de la vie et les inondations, j’ai l’impression qu’on vit une époque un peu apocalyptique. Mais on peut s’en sortir! » Sur la photo de la pochette, Émile prend la pose dans un décor de bar de sous-sol très années 70. Il est entouré de deux personnes qui ont été au cœur de la création de ce nouveau projet : l’auteur-compositeur-interprète Simon Kearney, qui a agi à titre de producteur, et l’ingénieur du son et mixeur de renom Ghislain-Luc Lavigne. « Y a deux ans, Simon m’a invité à faire ma préproduction chez lui, à l’île d’Orléans, et j’ai tout de suite su que ce serait le début de quelque chose de vraiment agréable. » Outre ces deux compères, Émile a recruté Guillaume Rochon aux claviers, Marc Chartrain à la batterie et Andy King à la trompette. Marilou Beauchamp Lalonde, productrice déléguée chez Bravo Musique (l’étiquette de Bilodeau) et directrice de la chorale Les Voix Ferrées, est venue compléter le portrait avec sa gang. « Elle dit que c’est une chorale d’amateurs, mais leurs voix ont apporté une vraie profondeur à la musique. Crois-moi, c’est des vrai·es pros! » Éternel optimiste malgré les échecs amoureux qui inspirent plusieurs de ses chansons, Émile poursuit son parcours du combattant. Chanteur engagé, il met de l’avant des valeurs humanistes et en appelle à la solidarité. « C’est sûr que ça va mal. Mais plutôt que d’évoquer sans arrêt des choses qu’on va perdre, faudrait parler de ce qu’on a à gagner. Au Québec et partout sur la planète, y a des jeunes qui sont motivé·es à changer le monde. La force de cet album-là, à mon avis, c’est de nommer les choses clairement, mais avec un brin d’humour. Il faut faire ressentir aux gens que tout n’est pas noir et qu’il y a quand même un peu d’espoir. » Il nous fait découvrir les zones d’ombre et de lumière de ces chansons inspirées, pièce par pièce. Au bar des espoirs « C’est la première que j’ai faite et c’est la pièce qui a donné le ton à l’album. Le personnage a les blues et est un assemblage de plusieurs barmans assez colorés que j’ai connus. C’est aussi un clin d’œil à mon métier; comme les barmans, notre job c’est de rendre les autres heureux et heureuses, et ça arrive qu’on s’oublie soi-même. À la fin de la chanson, on comprend que le gars est à une mauvaise décision de se retrouver de l’autre côté de son bar. » Malentendu « Ça parle de mon métier de chanteur, et je me montre assez vulnérable parce que j’évoque une de mes plus grandes craintes : perdre l’ouïe. Mais c’est surtout un message d’espoir pour quiconque a une grosse épreuve à traverser ou un deuil à faire. Ce que je dis c’est que si jamais je n’entends plus les notes, je vais écrire un livre; et si jamais je perds mes mains, ben je me mettrai à danser pour vous dire comment je me sens! Ça prend du courage, mais faut trouver le moyen de rester positif. » L’amour au temps de la fin des temps « C’est une des chansons fortes et c’était évident qu’elle serait le premier simple parce qu’elle illustre bien la dualité espoir/désespoir, le thème central de l’album. Beaucoup de jeunes pensent que c’est pas une bonne idée de faire des enfants à notre époque, mais je pense au contraire qu’ils sont la réponse à nos problèmes. Si on veut avoir une armée de gentils pour vaincre celle des méchants, va falloir qu’on apprenne à nos jeunes l’empathie, l’entraide et l’espoir. » La saison des sucres « On l’a enregistrée in extremis, alors que l’album était presque fini, et je suis content d’avoir insisté. Une autre histoire d’amour qui finit mal : une amie à moi avait organisé une sortie à la cabane à sucre, et je me suis fait laisser juste avant d’y aller. Crois-moi, c’est bizarre d’être en peine d’amour dans la tire d’érable et les oreilles de crisse! En même temps, je trouvais ça formidable d’utiliser une image aussi québécoise. » Les Daisy « Histoire vraie! Tous les gens que je nomme dans la chanson sont mes ami·es proches, mais je leur ai demandé la permission d’utiliser leurs noms. On a fait une espèce de pacte en se disant que ce serait drôle que le premier de la gang à avoir un enfant, gars ou fille, doive l’appeler Daisy, mais en contrepartie il ramasserait la cagnotte où chacun et chacune avait mis 5000 $. Je suis aussi particulièrement content du bout sur les journalistes; je trouve ça jouissif de chanter “Les chroniqueurs qui parfois nous font mal au cœur/Qui se présentent comme des intellectuels rebelles”. » Ayayaille « Ça vient d’une belle histoire que j’ai vécue avec une fille qui m’a bien fait comprendre, après quelques rencontres, que si on allait se revoir, ce serait en tant qu’ami·es. C’est là que j’ai dit “Ayayaille”! Je pense que j’avais trop mangé et que j’étais ballonné quand je l’ai écrite et ç’a donné le passage où je dis : “Câlisse que t’es belle/J’te kiss, ça goûte le miel/Pis mon cœur crépite dans la friture.” Finalement ça parle de s’attacher trop vite, ce qui m’arrive tout le temps. J’aurais pu l’appeler “Wo wo wo!” pour me rappeler qu’il faut que je me calme. » Mauvais temps « J’avais vraiment envie de jouer avec la forme plutôt qu’avec le fond sur celle-là. Mon but était de mettre le plus grand nombre de temps de verbes possible, du passé simple au subjonctif. C’est ma toune pour les profs de français, c’est presque éducatif; mais ç’a fini par devenir une belle histoire d’amour originale. Musicalement y a aussi un p’tit clin d’œil à “Tu m’connais trop bien” de Gab Bouchard, dans l’énergie et le son de la batterie. » Quatre vérités sur la jalousie « Je l’imagine déjà sur scène. Avec son intro planante et sa fin super forte, je trouve que ça part bien un show. Ça parle de la jalousie en amour, mais aussi ailleurs dans nos vies, et ça dit essentiellement qu’il faut se concentrer sur son bonheur à soi, sans se soucier de ce que font les autres. J’envoie un message directement à la jalousie et à la fin, on est toute une gang à lui dire : “Jalousie, sors d’ici!” La chorale a poussé l’énergie à fond et la chanson appelait cette fin super rock. » Y faut c’qui faut « C’est ma chanson pour la CAQ, pour qui j’ai pas voté, évidemment. Quand c’est le temps de parler des choses importantes – du logement, du racisme systémique –, c’est le statu quo. Je voulais rassembler la contre-culture politique du Québec et offrir un genre de bonbon aux militant·es et à tous ceux et celles qui me suivent dans ma proposition politique. J’aime le decrescendo entre les couplets et le refrain, et j’adore le son de la guitare électrique. Au début, on pensait mettre des trombones mais on a abandonné l’idée, et Simon nous est revenu avec un son de guitare assez “tromboneux”. » Compromis « La plus autobiographique. C’est comme un message qui dit que si tu veux passer du temps avec moi, tu dois comprendre que ma job et mon engagement politique prennent beaucoup de place. Ça demande des sacrifices : c’est pas toujours facile de vivre avec quelqu’un qui doit se coucher tard pour aller faire un show à Lebel-sur-Quévillon et qui doit se lever tôt pour faire des entrevues à la télé. C’est pas toujours compatible avec quelqu’un qui a un horaire de 9 à 5. » Pas si différents (toune à Kearn) « C’est la première fois que je mets sur un album une chanson écrite par quelqu’un d’autre. À la fin de mon séjour chez lui à l’île d’Orléans, Simon [Kearney] me l’a offerte parce qu’elle fittait bien dans le concept espoir/désespoir. Je suis vraiment content de la chanter avec lui; c’est un gars que j’adore et qui gagne vraiment à être connu. C’était important pour moi de l’interpréter comme Simon le voulait alors j’ai écouté ses directives avec beaucoup d’attention. » Fleuve « C’est une déclaration d’amour au Québec, à cette vallée du Saint-Laurent où on s’est installé·es et où on a rencontré les Premiers Peuples et qui nous relie tous et toutes. Le fleuve, c’est le cœur de notre territoire et de notre identité, c’est un symbole fort. L’enchaînement des chansons était vraiment important pour moi et c’était évident qu’on allait finir en douceur avec celle-là. »
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