« Une lueur d’espoir dans l’obscurité » pour les jeunes filles et les femmes en Afghanistan
Le Mouvement olympique fait front commun pour soutenir les athlètes féminines et l'ensemble de la communauté sportive au sein du pays
Lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, le défilé des athlètes a commencé par la Grèce, suivie par l’équipe olympique des réfugiés, puis, seulement quatre délégations plus tard, l’Afghanistan.
Nigara Shaheen, une judokate afghane ayant intégré l’équipe olympique des réfugiés, a pu voir les athlètes de son pays porter leurs habits traditionnels. Les entraîneurs de son pays natal lui ont reproché de ne pas concourir à leurs côtés pour défendre leurs couleurs.
Elle voyait pourtant les choses différemment. « J’étais tellement fière de faire partie de l’équipe des réfugiés », a-t-elle affirmé. « Il se peut que certaines personnes n’aiment pas l’appellation ‘équipe des réfugiés’. Ils aimeraient représenter leur pays d’origine. Pour moi, c’était à l’image de ma propre histoire. »
L’histoire de Nigara Shaheen raconte celle d’une détermination et d'une persévérance incroyables. Une histoire parmi des douzaines d’autres similaires qui, depuis la création de l'équipe olympique des réfugiés pour les Jeux de Rio 2016, ont contribué à façonner la réponse sans précédent de la communauté olympique face à un monde où les conflits font rage.
Le soutien du CIO a été constant. Fin 2022, 52 athlètes réfugiés bénéficiaires d'une bourse, originaires de 12 pays différents et vivant dans 18 pays d’accueil, s’entraînaient pour se qualifier dans 10 sports. Nigara Shaheen était l’une d’entre eux. D’autres devraient être annoncés prochainement.
Dans le cas précis de l'Afghanistan, le soutien – depuis la chute de Kaboul durant l’été 2021, quelques jours après la fin des Jeux de Tokyo – n’a pas fléchi et est resté inébranlable, plus particulièrement en faveur des femmes et des jeunes filles.
Yonus Popalzay, secrétaire général du Comité National Olympique, toujours reconnu par le CIO, s’est exprimé en ces termes remarquables : « Nous sommes pour les femmes afghanes la seule lueur d’espoir dans l’obscurité qui règne dans le pays. »
Depuis la prise du pouvoir par les talibans, le CIO a officiellement demandé aux plus hautes autorités – lors d'une réunion tenue au Qatar en novembre 2021 – de lever les restrictions imposées aux femmes et aux jeunes filles dans le pays et a fait pression pour qu’elles aient accès au sport. Des pourparlers sont en cours. En parallèle, le CIO continue de soutenir directement les athlètes et les boursiers de la Solidarité Olympique afin de leur permettre de s’entraîner et de participer à des compétitions.
Bien qu’en exil, le CNO est parvenu, toujours avec le soutien du CIO, à poursuivre son travail. L’Afghanistan a envoyé une délégation de 48 personnes aux Jeux de la Solidarité Islamique 2021, qui dans les faits se sont tenus en août 2022, à Konya, en Türkiye, en raison de la pandémie. Des équipes de volleyball et de handball féminin faisaient partie de cette délégation.
« Je me suis sentie libre, comme un oiseau volant dans les airs. J’étais tellement fière », a déclaré Nargis Mosavi, capitaine de l’équipe de volleyball et membre de la commission des athlètes du CNO.
Hanifa Arabzada, responsable de la délégation, a ajouté : « Il est possible que la situation se dégrade pour les femmes en Afghanistan, mais je suis tellement fière d’avoir participé aux Jeux Islamiques et d’avoir représenté les femmes afghanes aux côtés des 57 autres pays islamiques. Et cette participation, je la dois à la Solidarité Olympique et au soutien du CNO [de l’Afghanistan]. »
En septembre 2021, le président du CIO annonçait que tous les athlètes afghans en lice aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo 2020 se trouvaient en dehors de leur pays. Tout comme deux athlètes de sports d'hiver.
Omid Popalzay et le président du CNO étaient également à l’étranger. Dans ce contexte, 300 visas humanitaires ont été délivrés, le président du CIO déclarant : « Cela montre que la diplomatie discrète fonctionne, et les effets qu’elle peut avoir. »
Aujourd'hui, Omid Popalzay vit en France avec sa famille. Alors qu'il se trouvait à Tokyo, pendant les Jeux, il a affirmé : « J’ai reçu un appel de ma femme. Elle a dit que c’était une bonne chose que je ne sois pas à Kaboul car la situation devenait particulièrement dangereuse. En toute logique, elle était très inquiète, et lorsque nous sommes rentrés à Kaboul après Tokyo, les talibans avaient pris possession de la moitié du pays, puis de tout l’Afghanistan une semaine plus tard.
« [...] Il pouvait se produire n’importe quoi à tout moment. Le CIO a immédiatement fait preuve d'une grande solidarité. Il nous est venu en aide, notamment pour nous évacuer avec le soutien du président de l’UCI, le ministre des Affaires étrangères de France et Paris 2024. C’est ça le pouvoir du Mouvement olympique, conduit par le CIO. »
« Vous n’avez pas idée du soulagement que nous avons ressenti. Nous n’avions plus peur. Nous étions en sécurité. »
La sprinteuse Kimia Yousofi, aujourd’hui en Australie, a porté le drapeau de l’Afghanistan durant les Jeux de Tokyo.
« Nous sommes tellement heureux d’être en sécurité » a-t-elle déclaré. « Il n’y a rien de plus précieux. »
Elle explique : « Les talibans voulaient que j’abandonne mon rêve et que d’autres filles fassent de même. Notre rêve, nous voulons le poursuivre. »
Mais le CIO n’a pas soutenu uniquement les personnes en dehors de l’Afghanistan. Fin 2021, le CIO a approuvé une enveloppe de 560 000 USD pour venir en aide à près de 2 000 personnes se trouvant dans le pays, soit 265 USD par personne, la priorité étant donnée aux femmes et aux jeunes filles. Étaient éligibles à cette aide les athlètes et les entraîneurs de l’équipe nationale, ainsi que les officiels des fédérations nationales restés en Afghanistan. Et pour en assurer la distribution, le CIO a collaboré avec le HCR.
Dans le même temps, le Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) a accueilli trois athlètes réfugiés de Rio 2016 : Rose Nathike Likonyen, Paulo Amotun Lokoro et James Nyang Chiengjiek. Trois athlètes qui comptent également parmi les 44 boursiers se préparant pour Paris 2024.
Nigara Shaheen bénéficie elle aussi de l’aide de l’EUMC.
Après Tokyo, Nigara Shaheen est retournée à Peshawar, au Pakistan, blessée à l’épaule pendant les Jeux. Et on ne peut pas dire qu’elle ait été accueillie à bras ouverts. Aucune forme de félicitation. Elle était blessée. Et couverte des pieds à la tête, craignant les représailles qui pesaient sur elle pour avoir concouru sans porter le voile pendant les Jeux. Pendant des mois, elle n’est quasiment pas sortie de chez elle, car elle ne se sentait pas en sécurité.
« Regardez-moi ! Je suis une olympienne ! Regardez ce que j’ai accompli », dit-elle, « et je ne peux même pas montrer mon visage ! »
Avant d’ajouter : « Je n’ai pas pu sortir pendant un an. Un an. Moi. Ma mère. Mon père. Nous vivions avec ma tante. Pendant un an au Pakistan. Je ne pouvais pas m'entraîner. Je ne pouvais pas étudier. Je ne pouvais... rien faire. »
Imaginez : Nigara Shaheen, 29 ans, diplômée d’une licence en sciences politiques et d’un master en entrepreneuriat et commerce international. Pour toujours elle restera une athlète olympique.
Et elle était enfermée.
L’EUMC a fini par appeler pour annoncer de bonnes nouvelles. D’ici la fin de l’été 2023, Nigara Shaheen devrait obtenir son troisième diplôme, en développement international, auprès du Centennial College de Toronto.
Paris 2024 ? « Je fais de mon mieux. Je pense être bien mieux préparée cette fois. »
Rien de tout cela n’aurait été possible sans le soutien du CIO et de la Solidarité Olympique, c’est pourquoi elle précise :
« Il y a une équipe. Un système de soutien. Je fais partie de cette équipe. J’ai l’impression de faire partie de quelque chose. »