Le piège de la bonne victime
Et si cette femme était Gisèle Pélicot ? Aurait-on le même traitement de l'affaire ?
Le procès Pélicot qui se termine bientôt, aura été l’occasion de faire parler du viol, du consentement, de l’image du violeur… Des sujets ô combien importants et toujours mal compris du grand public. Pourtant, tout cela est possible grâce à plusieurs éléments qui sont assez piègeux.
Tout d’abord, le contexte. Ce procès a lieu car :
- L’accusé principal (le mari) à reconnu entièrement les faits
- Il existe des vidéos qui prouvent les actes
- La victime est une "bonne victime"
Il faut comprendre que sans cela, l’affaire aurait été classée sans suite, faute de preuves.
Ensuite, le dernier point est très important, car Gisèle Pelicot est une femme qui attire la sympathie et même la compassion.
Si Gisèle Pélicot est une bonne victime, c’est pour plusieurs raisons:
1. C’est une femme digne, à la fois discrète et forte, qui montre peu ses émotions et est présente chaque jour à l'audience. (elle est en stress post traumatique)
2. C’est une femme élégante. Elle fait son âge, mais reste coquette sans en faire trop. Elle porte des tenues différentes, habillées mais sobres, bref elle représente ce que la société attend d’elle : être « soignée » (comprendre avoir de l’argent et la culture de ce qui est élégant) et rester à sa place (porter des vêtements de son âge et surtout sans vulgarité).
3. Ensuite, on peut ajouter à cela des critères tels que: c’est une femme blanche, hétéro-cis genre, avec une sexualité « classique », mince et valide. Bref elle représente la partie dominante du groupe minoritaire des femmes.
Imagine une seconde, si Gisèle Pélicot avait été racisée, portait des cheveux bleus, était grosse, venait en jogging, hurlait et se roulait par terre de colère, s'exprimait mal, était une femme trans, avait un handicap physique ou mental… Dans certains cas, elle ne serait même pas arrivée jusqu’au procès. Dans d’autres cas, elle n’aurait pas été autant encensée. Elle n’aurait pas été une "bonne victime". Et toi, même, aurais-tu la même opinion d’elle ?
Je ne dis pas du mal de Gisèle Pélicot ici, je la respecte tellement. Mais je pense qu’on ne se rend pas compte de tous les privilèges dont elle jouit et de son niveau de respect des injonctions que la société fait aux femmes, dans la place qu’elle prend et la posture qu’elle adopte. C’est cet ensemble de choses qui fait qu’on la qualifie de bonne victime. Et cela risque d’être préjudiciable pour les autres. Celles qui ne rentrent pas dans les cases. Celles que le société ne veut pas regarder.
Il faut voir la réalité en face, si ce procès aura permis de faire avancer les choses au sujet du viol et des violences faites aux femmes, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Et toi, que penses-tu de la posture de Gisèle Pélicot ?