Il n’y a pas une crise agricole.
Il y a conflit entre deux visions de ce que doit être l’agriculture,
entre deux visions du monde, entre deux visions de l’écologie.
D’un côté, il y a la vision des dominants – le gouvernement, les partis de droite et d’extrême-droite, et des grands patrons, dont l’incarnation est Arnaud Rousseau, président du groupe Avril, exploitant 700 hectares, et réel ministre de l’Agriculture.
Cette vision, c’est la fin assumée de la paysannerie, la fin de l’attachement des hommes et des femmes à la terre, la fin d’un lien intime avec les animaux, les plantes, le cosmos, la fin du souci de ménager le monde et d’assurer une bonne nourriture à toutes et tous les humains.
Cette vision prévoit que l’agriculture en France sera réduite à 100.000 exploitations industrielles de céréales et d’élevage, sur d’immenses superficies ou bâtiments hors-sol, gérées à coup d’engrais chimiques, de pesticides, de tracteurs énormes, d’intelligence artificielle et de main d’œuvre prolétarisée.
Une agriculture qui ne tient pas compte du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, et qui croit que l’on survivra au printemps silencieux avec des OGM, des mégabassines et des robots.
Une agriculture gérée par des firmes ou par des agrimanageurs, le regard rivé sur l’ordinateur plutôt que sur l’humus. Une agriculture produisant de la bouffe pour le peuple.
Et à côté, quelques dizaines de milliers d’agriculteurs de niche, pour fournir une alimentation de qualité pour les riches.
Ce monde de l’agriculture capitaliste est un monde où les sols se dégradent, où les sécheresses sont sans remède, où les oiseaux et les vers de terre disparaissent, où les pénuries alimentaires se multiplient, et où le bas prix de la nourriture se traduit par d’énormes coûts de santé pour soigner les maladies causées par les pesticides et la malnutrition.
Et puis il y a l’autre vision du monde : celle d’une agriculture qui nourrit bien les humains sans les rendre malades, qui s’harmonise avec la biosphère, qui prévient la destruction de la biodiversité et gère l’eau avec soin.
Une agriculture qui rémunère dignement les travailleuses et les travailleurs de la terre.
Un monde où il n’y a pas une minorité de monopoleurs qui accumulent les richesses pendant que le peuple plonge dans la précarité. Un monde de paix et de démocratie où écologie et justice sociale sont les valeurs fondatrices.
Sur cette même place, en 2016, il y a eu Nuit debout.
Puis partout en France les Gilets jaunes
Puis le mouvement des retraites
Et maintenant, les paysans, alliés aux écologistes et soutenus par la majorité du peuple de ce pays.
Vous défendez, nous défendons, une juste lutte.
Une lutte pour l’avenir, pour les jeunes, pour la dignité.
Cette lutte ne cessera pas.
La nuit capitaliste finira,
Le se lève, le jour est debout.
(texte de mon intervention le 2 mars place de la République à Paris, lors du rassemblement organisé par la Confédération paysanne)