Du business case à l’inclusive case : la transition urgente à incarner par le ou la Chief Impact Business Officer
Par Cécile Bokhobza et Cédric Laroyenne - Cet article est le troisième d'une série consacrée à l'urgente réinvention du modèle libéral. (Lien vers les autres articles en fin de page)
A l’heure où les entreprises doivent, pour vivre, intégrer les nouvelles technologies de façon positive, miser sur toujours plus d’authenticité et de transparence, avoir et donner du sens pour leurs salariés mais aussi leurs consommateurs ; l’entreprise qui prend les devants en 2019 est certainement celle qui a des positions claires sur les sujets environnementaux et sociaux (y compris, parfois, des positions politiques). En effet, le rôle de l’entreprise n’est définitivement plus seulement de faire du profit, de vendre des produits, mais de le faire en ayant un impact positif sur le monde (Cf. article "Vers la fin du capitalisme ou vers sa renaissance ?"). L’entreprise de demain repense son business model pour le corréler avec les impacts sociétaux qu’elle provoque.
En clair, LE levier à activer pour générer une croissance pérenne, c’est celui d’une contribution pleine et entière de l’entreprise au bénéfice de tous les acteurs de sa chaîne de valeur.
Ce pivot des entreprises vers un alignement de leur raison d’être à fort impact, de leur business model et de leur operating model nous semble être une urgence pour concilier notre modèle de développement avec les impératifs de notre société et de notre environnement (Cf. article "La rotation des entreprises vers le business à impact : par où commencer ?"). C’est un défi individuel, collectif et sociétal qui mérite un(e) capitaine pour le faire aboutir : le ou la « Chief Impact Business Officer ».
Ce(tte) Chief Impact Business Officer est la personne qui permet à l’entreprise de pivoter vers ce sens, et parfois de manière radicale. Bien plus qu’un titre/rôle, le ou la Chief Impact Business Officer devient garant(e) des premiers temps de cette rotation de l’entreprise vers une finalité qui dépasse celui de la seule profitabilité. Le « CIBO » est donc l’architecte de l’incorporation de ces considérations dans la stratégie de l’entreprise.
L’engagement qu’il/elle prend, au nom de l’entreprise, est donc de dessiner l’œuvre collective d’un changement de culture. De fait :
· Il/elle accompagnera le CEO et le leadership dans l’incarnation de cette transformation, tout comme il/elle devra être un mentor sur ce sujet pour les salariés.
· Il/elle devient décisionnaire, et de-facto intègre les instances de direction de l’entreprise (ComEx ou comités élargis, comités d’innovation, etc…).
· Il/elle est le liant entre les activités de type mécénat etc. et la ligne business de l’entreprise, c’est donc à lui/elle d’identifier les passerelles et de les faire transposer et infuser à l’échelle globale de l’entreprise
· Il/elle est en perpétuelle recherche de l’amélioration continue. En mesurant l’impact des activités de l’entreprise il/elle est garant(e) de minimisation des externalités négatives et d’amplification des externalités positives.
Quel rattachement hiérarchique pour ce rôle stratégique ?
· S’il doit pouvoir peser aussi fortement que nous le pensons nécessaire pour les raisons évoquées plus haut, sa place naturelle serait aux côtés du CEO. Il n’intègre pas nécessairement le Comex de plein droit mais y est invité régulièrement est a une voix dans les prises de décisions les plus structurantes.
· Il peut également trouver une place aux côtés du Chief Human Resource Officer (CHRO), qui devient alors le responsable de l’ensemble des ressources empruntées par l’entreprise, non plus seulement les hommes et les femmes mais aussi les ressources nécessaires à leur existence. Ce nouveau DRH, qui pourrait être renommé directeur de la durabilité des ressources, doit à la fois protéger et développer le capital humain de l’entreprise (agenda ambitieux à l’heure où certaines compétences sont mises par le digital à risque d’obsolescence et où l’employabilité des salariés les plus fragiles doit être sécurisées), mais également s’assurer que le processus de création de valeur de l’entreprise utilise avec la plus grande frugalité possible les autres ressources mobilisées (eau, énergie, plastique…).
· En fonction des secteurs d’activités considérés et des natures d’impacts possibles pour ces secteurs, Les Chief Operations Officers ou les Chief Technology Officers peuvent être d’autres candidats intéressants pour intégrer cette fonction.
Ce nouveau rôle peut s’apparenter à un destin similaire à l’émergence du Chief Digital Officer (CDO) et connaitre la même ambition qui est de s’imbriquer dans toute l’entreprise, pour que sa mission pénètre l’ensemble des processus de création, de décision, de gestion. Il devient à lui seul, un influenceur stratégique à court, moyen et long terme, mais aussi un organe opérationnel au quotidien. A ce titre, ce nouveau « Chief » dans l’organigramme doit-il être pérenne ? Notre conviction là encore est qu’il est le premier catalyseur des actions de transformations et donc garant des externalités positives ou négatives de l’entreprise. Il vient impulser et consolider avant de s’effacer dès lors que chaque C-Levels de l’entreprise pivotent aussi (Là encore, l’analogie avec le CDO est intéressante) !
« Chief Impact Business Officer » sera le rôle le plus exaltant des entreprises pour les années à venir. C’est un rôle dont le succès se mesurera à sa disparition une fois sa mission achevée. Ce qui n’aura rien de paradoxal dans ce monde réinventé : s’accomplir individuellement puis savoir s’effacer pour le bien collectif.
Cette rotation va être longue, compliquée et va appeler un certain nombre d’arbitrages au quotidien. Ainsi, faut-il avoir l’audace de lancer une nouvelle gamme de produits à la rentabilité moins bonne à court terme mais à fort impact sociétal ? Ou au contraire avoir le courage de stopper des produits ou services fortement contributifs en revenus ou en profitabilité mais dont l’impact n’est plus cohérent avec la mission de l’entreprise ? Ces choix vont provoquer des débats houleux, il faudra les dépassionner en objectivant les décisions et en évaluant de manière rigoureuse les impacts économiques, sociaux et environnementaux. Nous verrons à cette fin se développer de nouveaux outils, les « business cases » devenant indissociables des « inclusive cases ». La conjonction des deux analyses permettant ces choix éclairés dont nous parlons plus haut.
Une transformation qui n’aura l’impact escompté que si elle ne se sera faite dans la douleur, mais pour le plus grand bien de l’entreprise, et de la société dans laquelle elle évolue.
Cet article est donc le troisième d'une série consacrée à l'urgente réinvention du modèle libéral.
Premier article : Vers la fin du capitalisme ou vers sa renaissance ?
Second article : La rotation des entreprises vers le business à impact : par où commencer ?
Project and Strategic Partnerships Consultant (Europe and Africa) | Specializing in Fundraising for Associations in Vulnerable Territories
2yCédric Laroyenne je sais au combien tu es impliqué et endurant ! A ton entière disposition pour soutenir ta démarche ! Tu connais mon approche pragmatique.
Driving inclusive and sustainable transformations, activating positive change
5yGénial Cédric! Merci, et tu viens de décrire mon job de rêve ☺️
Directeur Général de ONLYLYON & CO (ex-Aderly - Agence de développement économique de la région de Lyon)
5yMerci Cédric Laroyenne pour cet article inspirant. Je vais postuler ;-) J'ajouterais au portrait robot la nécessité d'une expérience professionnelle aux "périphéries" de l'entreprise, là où l'impact revendiqué est le + tangible : sur les territoires désertés, dans les zones où la biodiversité est menacée, auprès des personnes les plus précaires, .... . Cette double culture "business" et "impact" est nécessaire pour être légitime, cohérent et inspirant. L'impact ne se décrète pas dans des ppt : il se concrétise sur le terrain. En bonus, on peut ajouter au portait-robot une certaine transparence sur sa propre fragilité : l'impact, c'est s'intéresser aux maillons faibles. Ne pas cacher ses propres fragilités est un moyen de rejoindre tout le monde pour encore mieux faire ensemble.
Excellent article, 👏
The Purpose of the company is Human beings
5yExcellent Cécile et Cédric. Pour avoir une influence très forte dans le résultat (l'impact), le CIBO doit être le (ou un des) bras droit du CEO. Il devrait à mon sens avoir un "poste permanent" au COMEX.