La transformation digitale? Promis demain j'arrête

Cela fait maintenant plus de 6 mois que j'ai rejoint Microsoft. J'ai eu la chance de rencontrer de nombreux clients, et j'ai pu vivre de l'intérieur ce qu'une entreprise de technologie de premier plan peut offrir et présenter à ses clients. Ce qui m'a marqué dès le départ, c'est l'utilisation intensive du terme "transformation digitale". Et je dois avouer que j'en ai (déjà) marre !

Evolution de l'intérêt pour la recherche "Digital Transformation" dans le monde sur les 5 dernière années. Source - Google Trends.

Bien au-delà du discours que peut tenir Microsoft, ce terme, ou buzzword plutôt, est partout. On en parle tout le temps, mais personne n'est capable de le définir clairement.

En effet, pour certains cette transformation se traduit par l'utilisation d'une intelligence artificielle avancée pour explorer les fonds marins et estimer le potentiel de production de puits de pétrole, quand d'autres réfléchissent à donner des emails à des employés qui étaient jusqu'à présent absent de l'environnement numérique de leur entreprise. Le décalage et la divergence des problématiques est frappante.

Par conséquent, je trouve ce terme a été utilisé, usé, et exploité jusqu'à en devenir un terme creux et vide de sens. On l'a vu utilisé par des grands groupes cherchant désespérément à redorer leur image - mais sans qu'un réel changement soit entrepris, mais aussi par des cabinets à l'expertise un peu floue, dans le but de convaincre des entreprises un peu perdues devant l'arrivée des technologies numériques et des changements profonds qu'elles génèrent.

Du coup, j'ai décidé de me lancer un défi :

Ne plus utiliser "Transformation Digitale" pendant 1 an!

En effet, bien que le potentiel du numérique dans l'entreprise n'est plus à prouver, je reste aussi convaincu qu'il est important de parler des sujets de fond et de ne plus perdre d'énergie sur des projets faussement ambitieux et "transformationels" qui relèvent plutôt de l'opération de com que du changement profond et durable de mentalité, de culture et de manière d'opérer.

Ce qui compte, c'est que le monde change, et que les entreprises doivent s'adapter à ce changement. Cela pourrait s'appeler "croissance organique du business" ou "transformation végétarienne", le terme n'est pas important et concentre trop l'attention. La clé est de savoir comment transformer son entreprise pour correspondre à une réalité changeante, et donc s'adapter à son époque.

En effet, aujourd'hui les véritables enjeux auxquels les entreprises doivent faire face dans le digital sont de mon point de vue extrêmement concrets et tangibles :

• Comment passer du prototype à l'échelle, ou plus simplement comment passer du POC à la production. Les entreprises sont assaillies depuis quelques années de start-ups et autres cabinets qui les ont transformées (les "LABs" ou leur département innovation) en usines à POC, n'aboutissant au final que sur peu de projets concrets, et surtout avec très peu de valeur business. L'industrialisation et la pérennisation de solutions numériques innovantes est généralement bien plus complexe, et c'est ce passage à l'échelle qui permettra de capturer la valeur et de rester compétitif.
• Quel est le véritable problème que rencontre l'entreprise, et a-t-on besoin de technologie pour le résoudre ? En effet trop souvent nous sommes forcés à penser solution et technologie sans avoir posé le problème, et la technologie devient alors une baguette magique. Il est important de raisonner en termes d'utilité et de valeur avant de sauter sur une solution technologique, d'autant plus que nos critères d'évaluation prennent aujourd'hui en compte de nombreuses dimensions extra-financiers que la technologie a souvent du mal à traiter (environnement, inclusion, diversité, etc). Il n'est donc pas obligatoire d'imposer la technologie à tout prix, et de vouloir tout numériser.

Je reste fondamentalement optimiste sur le potentiel des technologies numériques et leur capacité à améliorer nos sociétés, mais je pense qu'il est important de revenir à un pragmatisme, une simplicité et surtout un réalisme que l'on tend à perdre de vue devant les promesses parfois illusoires de la technologie...

Promis, demain j'arrête.