Les «super-apps» veulent damer le pion aux banques
On peut réaliser bien des opérations du quotidien avec son smartphone - faire un virement, payer ses factures, prendre un vélo en libre-service… Oui mais voilà, il faut encore passer d’application en application, pour mener chacune de ces actions.
Peut-être plus pour longtemps. Sur le modèle du géant WeChat en Chine, qui permet à 1 milliard de Chinois de faire tout et n’importe quoi avec leur appli, échanger par messagerie, payer un taxi, faire des achats en ligne, commander un repas, les géants du paiement sur mobile jouent aujourd’hui des coudes pour devenir à leur tour des «super-apps», c’est-à-dire une application capable d’offrir tout un éventail de produits et de services financiers, sans qu’il soit nécessaire d’en sortir.
Il y a un mois, le géant américain PayPal a frappé un grand coup en lançant Wallet. «Une solution tout-en-un pour les services financiers du quotidien», selon son PDG, Dan Schulman. Outre les services habituels - paiement entre particuliers, règlement en 4 fois… - les clients américains et britanniques ont désormais accès à un livret d’épargne ou à un compte en cryptomonnaie, et ils peuvent régler leurs factures - télévision, assurance, électricité…- directement depuis l’appli. Les Français ont aussi accès à Wallet depuis le 21 septembre mais dans une version moins étoffée - paiement en magasin par QR Code, opérations de «cash back», du don aux associations.
Le suédois Klarna, la plus grosse fintech européenne avec une capitalisation de 46 milliards de dollars, et star du paiement en 3 fois, s’apprête à lancer d’ici quelques jours son projet de super-app dans les pays où elle est présente, dont la France. Le français Lydia, connu pour son appli de paiement entre particuliers, y songe également. Ses 5,3 millions d’utilisateurs ont déjà accès à un compte, une carte de paiement, des prêts instantanés jusqu’à 3000 euros ou un livret d'épargne. Elle s’apprête à annoncer l’accès à de nouveaux produits financiers d’ici à la fin de l’année.
«À terme, on a l’ambition de proposer toutes une gamme des produits, de l’épargne et de l’investissement», explique Cyril Chiche, cofondateur de Lydia.
«Une super-app, ce n’est pas une banque mais, cela vous assure l’essentiel de vos services au quotidien. Dans les pays peu bancarisés, cela marche très bien», souligne Nicolas Miart, directeur du conseil chez Galitt. Le géant M-Pesa, né d’opérateurs mobiles kényans et tanzanien, a ainsi lancé sa super-app le 1er juillet.
Simplicité du parcours
Le marché fait aussi saliver les Gafa, Google et Facebook en tête, mais les règles antitrusts américaines, réfrènent, pour l’heure, leurs ambitions. La solution de paiement Square, du fondateur de Twitter Jack Dorsey, ou l’appli de transfert d’argent Wise, sont d’autres possibles candidats. «C’est le sens de l’histoire», veut croire Cyril Chiche.
La simplicité du parcours, dans un même univers graphique, sans couture pour le client, est déterminante. «Une fois que vous êtes enrôlés et noté du point de vue du crédit, vous êtes identifié par l’application. Il est ensuite facile de vous proposer d’ouvrir un compte, d’accéder à des produits financiers», fait valoir Nicolas Miart. Les banques ne restent pas les bras croisés face à ce phénomène. En France, elles ont chacune développé leur propre appli, avec des partenariats de transfert d’argent via mobile, du «cash back» - mais sans chercher à créer de super-app. Le service de paiement sur mobile Paylib, commun à plusieurs banques, n’est aujourd’hui accessible que via l’appli de son propre établissement.
Les banques s’en tiennent en effet à leur position: pas question de partager les données. Ce n’est pas vrai partout. En Norvège, Vipps, l’appli de paiement la plus populaire, est le fruit de la collaboration de plusieurs banques.
La question des données est centrale et débattue depuis qu’en Europe la directive européenne DSP2 a ouvert la possibilité de ces développements.