Ma vie quotidienne, être malentendant...
Avoir un handicap, dans la vie de tous les jours, c’est déjà pas une partie de plaisir. Évidemment, l’auto-flagellation arrive à un moment donné et on rêve, ne serait-ce qu’une demi seconde dans toute sa vie, à demi-mots sous la couette, de savoir ce que c’est de n’avoir « rien ». Mais avoir un handicap invisible pour les autres, c’est encore plus étrange aux yeux des gens. Moi, je suis malentendant, et ça ne se voit pas.
Malentendant, c’est le mot qu’on donne aux sourds pour faire dans le politiquement correct, mais c’est aussi le mot pour définir quelqu’un qui entend, mais qui a un petit défaut qui fait que parfois, c’est pas clair. En gros, être malentendant, c’est un peu comme entendre tout « moins fort », ou essayer de comprendre la personne qui parle comme s’il y avait 5 ou 10 mètres, plus un défilé de raton laveurs manifestants, et des cornes de brume entre vous.
Concrètement, qu’est ce que ça implique ? Qu’on entend des choses, mais qu’on ne les comprend pas toujours. Lire sur les lèvres, par exemple, est un bon complément pour comprendre la personne, tout comme se concentrer au maximum, mettre le télétexte devant les films ou mettre des appareils auditifs.
Pour ma part, je suis né comme ça. Diagnostiquée tout petit par ma mère.
Dans le système français, il est mieux vu d’être myope que malentendant. Un gamin myope, on le colle devant un panneau avec des lettres, on fait « Hum, ah oui humm je vois » et quelques jours plus tard, selon le bon vouloir de l’opticien et l’optimisation maximum d’une monture pour gosse, c’est la renaissance. Un gamin malentendant ou sourd, on essaye de voir une chose : s’il est pas un peu triso aussi, au cas où.
Première étape dans le long chemin de la victimisation populaire : le test de capacités intellectuelles. A l’aide de cartes numérotées et questions un peu fallacieuses du type « Elle s’appelle comment ta maîtresse ? » (étais-je assez bête pour ne pas savoir qui me faisait cours ?), en quelques heures ton sort est plié : tu entends mal, mais AVEC DE LA CHANCE, tu as un cerveau intact qui peut être exploité. C’est toujours ça de pris, à 5 ans.
C’est donc avec un cerveau exploitable mais un peu inquiétant tout de même que j’ai affronté la vie, le système scolaire, les amours et pire : le peuple.
Comment s’adapter au milieu urbain ?
Maintenant que tu sais que j'ai un problème, reste à le confronter aux autres. Il faut avoir le cran de dire, parfois « Désolée, je n’entends pas », et là la mine patibulaire de l’homme lambda se met en place : sourcil relevé, bouche interrogative… et si j’avais une débile, en face de moi ? Le sourd, il faut bien le dire, est forcément un débile profond, puisqu’il n’est pas capable de communiquer relativement normalement avec son entourage.
Preuve en est, on se moque toujours du bon vieux professeur Tournesol qui saoule tout le monde avec ses « Commeeeennnt ? ». Mieux, le sourd, dans sa débilité, produit quotidiennement des misheard lyrics sur tout et n’importe quoi, ou répond « oui » à n’importe quelle question car il ne veut pas déranger son interlocuteur en lui demandant de répéter.
C’est ainsi qu’à force de réponses inadaptées à des questions simples (« Tu finis à quelle heure ? » « -oui »), d’années passées à croire que la chanson All by myself disait « Au bal masqué » et de grands silences lors des conversations que le sourd-malentendant peut essayer de soigner son problème.
Il existe bien des modèles fashion pour des lunettes, et tout le monde est d’accord pour dire que Woody Allen après un passage aux lentilles de contact, ce serait plus ça. Les appareils auditifs, c’est un peu le complot intersidéral pour te faire comprendre que t’en chies. Pour certains malentendants, ils sont très pratiques. Pour d’autres, et j’en ai fais partie, c’est la croix et la bannière dans ce monde obscur.
En clair : c’est comme entendre le monde à travers un transistor. C’est métallique, parfois ça grésille, et c’est bête, mais ça peut foutre les boules, quand t’entends pour la première fois le tic-toc de l’horloge de la salle de bains ou le mouton du champ de derrière. Couplé à ces engins, de belles lunettes sur le bout de mon nez : c’est bon, je cumule assez d’indices pour qu’on comprenne que j’ai été fini au pipi. Sans regrets, j’ai abandonné mes appareils. Vivre dans un monde d’ouvrier en métallurgie, ça n’était pas pour moi. Avoir des regards inquisiteurs sur le pourquoi j’ai des molettes derrière les oreilles, non plus.
Et sinon, ça va là, TU ME COMPRENDS BIENG ?
Être malentendant, finalement, c’est pouvoir faire ressortir ce côté humaniste en chacun de nous. C’est, par exemple, permettre aux autres de donner le meilleur d’eux même pour articuler « ANNEUHLISEUH COMMENT TU VAS AUJOUREUHDHUI ? », de permettre à certain de prouver leur connerie « Mais, tu réponds au téléphone ? Tu fais comment ? J’croyais que t’étais sourd ! » (non, malentendant).
C’est aussi se taper des heures de rigolade avec d’autres malentendants sur des anecdotes de chansons incomprises. C’est aussi parfois avoir des coups de blues quand on est incapable de suivre une conversation normale. C’est des envies de meurtre quand une fille vous dit que vous inventez tout ça, puisque vous entendez les ronflements la nuit. Mais au final, c’est aussi une sacrée leçon. J’entends peut-être pas, mais je peux très bien te répondre en articulant bien fort.
Pour conclure, je me suis dit, que parfois, ça fait du bien d'écrire ce que l'on vit tous les jours, et partager à mes amis qui connaissent ou pas mes peines, que j'ai toujours su les cacher, même si cela est vraiment lourd à porter. Il y a bien un jour, où, je finirai par en parler. Ma vie sentimentale, en couple, la communication est très difficile, et compliquée. On peut perdre des personnes suite à une incompréhension durant le dialogue que ce soit en réel, ou même en virtuel. Ce n'est pas aussi simple que ça...
Heureusement, sur le net, j'ai la chance de communiquer avec une personne qui me donne un peu d'espoir presque chaque jour, même s'il y a des difficultés à comprendre mes phrases et ou des mots, je m'exprime mal, mais on me comprend quand même, que si on fait un peu des efforts. Au moins, je me sens moins seul, je tiens à remercier du fond du cœur à la personne en question qui se reconnaîtra ;-)
Merci 'avoir lu.
Product Manager
2yJe tombe sur cet article si longtemps après sa redaction et pourtant je m’y reconnais… Merci pour ce temoignage :)
MBA+PhD, Entrepreneur, Author, Coach, Speaker and Tech Addict
8yTrès touchant et courageux témoignage. La première étape vers une vie "normale" est l'acceptation de sa différence. Après tout, la normalité n'est qu'une vue de l'esprit. Bravo pour se courage de vivre que tu tentes de communiquer aux autres.