Ne freinez pas votre personnel. Motivez-le !
LA QUALITÉ DU SERVICE AU CLIENT ATTENDUE OU LA CIBLE DE RÉSULTAT FIXÉE
L'organisation conventionnelle a l'habitude de fixer des objectifs annuels d'ordre financier. De fait, les cibles de résultat (1) qu'elle établies, une tâche à la fois ou un groupe de travail à la fois, sont chiffrées comme on détermine un rendement fixe à atteindre. Or, plusieurs expériences menées, dans nombre d'entreprises privées, ont démontré que les organisations qui faisaient du chiffre, pour ainsi dire, conviaient leur personnel à produire du résultat et non pas à dégager de l'amélioration sur le travail assigné. En somme, plus la cible était spécifique, et statistique, plus l'action dans l'organisation tendait à être étroite et répétitive. Le personnel en venait à ne plus produire un rendement supérieur à la tâche, mais appréhendait le travail comme un objectif arrêté. La qualité du travail comptait alors moins, que la quantité de l'activité induite. Et puisque les preneurs à l'activité étaient évalués en fonction d’un chiffre au départ de leurs mandats de tâche, ils avaient tendance à atteindre la cible coûte que coûte.
ENTRE QUANTITÉ ET QUALITÉ
Même si l'un des énoncés de valeur de l'organisation mettait au premier rang la qualité de la relation client, ce que l’objectif quantifié leur indiquait, c’est qu’ils seraient évalués non pas sur le service mais sur le chiffre atteint. Étrangement, le personnel ne verrait plus comme but la qualité du service au client, mais l'atteinte de la cible chiffrée comme obligation de résultat à la tâche assignée (2). Le management, partant le travail, sera abordé de manière mécaniste, alors que l’activité, dans toutes ses dimensions d’exécution comme de coordination, aurait avantage à être gérée de façon organique. En somme, l’homme (émotivité) devrait primer sur le chiffre (rationalité), partant les relations (psychologie) sur la production (fonction), pour que l’amélioration des conditions de la tâche mène à un résultat d’activité supérieur.
L’ORGANISATION PERFORMANTE VISE L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI
L'organisation performante (3), elle, visera toujours des niveaux d'accomplissement de soi. Elle sait que, à travers de meilleures conditions de travail, les preneurs à son activité vont s'engager plus résolument à élever leur rendement à la tâche. Elle instituera donc des modes, méthodes et pratiques propices à l'amélioration de la qualité du service rendu aux clients. En d'autres mots, elle favorisera la délégation du pouvoir de décisions, la gestion transparente et l'autonomie au travail. Facteurs comptant parmi les mesures qui instituent le plus fortement, le plus durablement et donc le plus profitablement de l'engagement supérieur à la tâche, chez le personnel de première ligne. Elle aura compris, que l’activité menée trouve son point d’aboutissement là où le client se manifeste, en première ligne de service. Et parce qu'il en sera ainsi, l’exécution de la tâche sera mesurée en taux de satisfaction du client. Mieux encore, les conditions du travail seront mesurées en taux de satisfaction du personnel de service. Parce qu’un personnel de service plus satisfait au travail, est un personnel plus satisfait au service du client.
DU LIEN QUI S’ÉTABLIT ENTRE LA SATISFACTION DU PERSONNEL ET LA SATISFACTION DU CLIENT
De fait, on ne peut imaginer un personnel heureux de faire ce qu'il fera, sans qu'il ne veuille le faire savoir, le faire sentir, par la plus grande attention qu'il portera à ceux et à celles qu'il servira. La qualité de la relation client en sera rehaussée d’autant, et la relance marché assurée d’autant. Ce faisant, la fin de l’organisation sera plus manifestement satisfaite, puisqu’elle s’exprimera en satisfaction (création) de clients. Le chiffre d’affaires n’est pas un indicateur de qualité, mais de quantité de produits, alors que la satisfaction des personnes ressortit de la qualité et pas non de la quantité des relations.
LE PERSONNEL N’A PAS BESOIN D’ÊTRE FREINÉ, MAIS MOTIVÉ
Ce ne sont pas les objectifs économiques de l’organisation qui stimulent le plus l'engagement des preneurs à l’activité de cette dernière, mais les idéaux qu’elle poursuivra parce qu’ils convieront au dépassement de soi au travail. Le personnel n'a pas besoin qu'on le bouscule, dans sa volonté d’agir, pour mieux performer. Il a besoin d'être motivé, pour s'élever dans l'ordre du service au client. Et pour avoir le sentiment de pleinement s'accomplir (de s’actualiser, de se réaliser) lui-même, le personnel aura moins besoin d’un chiffre d’affaires à rencontrer que de modes, méthodes et pratiques de gestion du cadre de travail qui stimuleront hautement et positivement ses émotions propres. L’intelligence, dans l’activité menée, commence par le soin prodigué au personnel de première ligne. C’est le personnel de première ligne, et non pas la direction, qui relaie directement, continument et personnellement aux clients ce qu’est et ce qu’offre l’organisation. À être moins et pire encore, l’organisation se déclasse elle-même auprès de son marché. À être plus et mieux encore, l’organisation déclasse elle-même les concurrentes sur son marché.
LA PERFORMANCE S’APPRÉCIE DE MANIÈRE LONGITUDINALE
Malheureusement, trop d'organisations, de nos jours, estiment encore et toujours devoir fixer des cibles de résultat chiffrées, plutôt que de convier leur personnel, par un cadre de gestion du travail engageant, à élever l'ordre du service rendu aux clients. Le profit d'exercice, en entreprise privée, ou surplus d’opération en organisme public, n'est pas la preuve d'un rendement supérieur sur la ressource mise à contribution pour satisfaire la fin de l’organisation. C’est la référence comptable d’une exploitation axée sur l’économie des ressources, pour produire un bien ou un service attendu. Or, la fin n’est pas le moyen, quelle que soit l’activité menée. Pire encore, le résultat d’un seul exercice n’est en rien une démonstration de performance globale. Si le résultat d’exercice s’exprime en quantité, la performance sur cycle de vie utile se dénote en qualité. Or, la fin de l’organisation est de performance, alors que le moyen de l’activité est de résultat. La performance, qui ne s'apprécie que de manière longitudinale, et non pas statique, n'est donc pas un chiffre (quantité), mais un niveau (qualité) de rendement (4). Fixer un objectif chiffré est relativement facile ; convier à l'amélioration est autrement plus exigeant. Or, nous avons tous besoin de buts exigeants (5), pour nous dépasser personnellement et collectivement ! Aussi, l’avenir du management n’est-il pas dans le chiffre, mais dans la qualité de la gestion assumée.
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RÉFÉRENCES:
1) Les objectifs d’exercice, comme ceux du rendement sur la tâche confiée.
2) Comme quoi, les termes, les mots, mais aussi les objectifs et les mesures de la gestion, importent. Ils envoient des messages au personnel, et celui-ci, comme les actionnaires, les administrateurs et les dirigeants, ajuste ses comportements en fonction de ses intérêts propres, ceux que les mots employés stimulent chez lui. Si l’organisation évalue le rendement à la tâche par le chiffre, plutôt que par la qualité du service aux clients, le personnel va « fabriquer » du chiffre, peu importe ce que cela impliquera de pertes dissimulées sur l’activité, de dérogations aux lois et réglementations statutaires. Des données d’état dont peu d’organisations savent tenir compte, parce que trop enclines à ne mesurer que ce qu’elles voient en rapproché. Or, la myopie n’est en rien garante d’une gestion performante des affaires… entendue en termes d’optimisation sur la ressource disponible en vue de l’activité à rendre.
3) L’organisation ne performe pas uniquement parce qu’elle dégage, exercice après exercice, un surplus d’opération (profit). Elle performe, parce qu’elle se classe parmi les 10 pourcents présentant le rendement le plus élevé qui soit dans son secteur d’activité propre. Or, à ce niveau de rendement, non seulement le résultat financier est-il impressionnant, mais la qualité de vie dans l’organisation est notoirement supérieure à ce qui se vit ailleurs. Les modes, méthodes et pratiques de gestion des affaires de telle organisation sont innovants. Les procédures, procédés et processus adaptés, et les clients satisfaits, parce que servis par un personnel satisfait au travail. L’organisation performe sur son cycle de vie entier, en améliorant en permanence ses capacités, potentialités et opportunités, au lieu de centrer son attention sur le chiffre, la bourse et l’actionnaire. Étrangement, dans tous les cas étudiés, les organisations les plus enlevantes, sur le plan de l’emploi (satisfaction du personnel) comme de l’activité (satisfaction des dirigeants), étaient les plus performantes économiquement parlant (satisfaction des actionnaires). Comme quoi, être plus humains, dans sa gestion courante, n’enlève strictement rien aux actionnaires ou aux dirigeants. Tout est dans l’approche aux choses, l’état d’esprit en management des affaires. Ceux qui « contrôlent » finissent pas contrôler et non pas performer, et ceux qui performent n’ont pas besoin de contrôler. La fleur ne croît pas parce que l’horticulteur tire dessus, mais parce qu’il l’entretien comme il convient !
4) La performance s’apprécie en termes d’innovation managériale, c’est-à-dire de trajectoire d’amélioration des modes, méthodes et pratiques de gestion des affaires sur le cycle de vie entier de l’organisation. Donnons un exemple (malheureusement chiffré), pour comprendre. Si le niveau de production annuel de l’organisation était passé de 100 unités à 110 unités de l’An 1 à l’An 2, on en conclurait que l’accroissement aura été de 10 pourcents sur l’activité (rendement ou productivité). Si des machines plus productives avaient remplacé une partie de la main-d’œuvre, et que la production soit passée de 120 à 132 unités, on aurait convenu d’une augmentation du rendement de 20 pourcents. Si, par contre, on avait simplement adopté des modes, méthodes et pratiques de gestion plus actualisés, la productivité aurait pu passer de 130 à 143 pourcents, pour un facteur de croissance de 30 pourcents. La différence, entre les deux dernières approches, tient au fait que les machines accélèrent la production (quantité), alors que les modes, méthodes et pratiques de gestion transforment l’activité (qualité). Or, l’innovation en management (différenciation) l’emportera toujours sur l’innovation en technologie d’opération (domination par les coûts). La concurrence, au final, se joue en ternes d’innovation sur le régime de gestion des affaires (long terme), bien plus qu’en termes de technologies de renforcement de la capacité de production (court terme). Les politiques de gestion organiques renvoient aux processus endogènes d’exécution de la tâche (avant la transformation de la matière première), alors que les politiques de gestion mécanismes renvoient aux processus exogènes d’accomplissement de l’activité (après transformation de la matière première). Et l’amont primera toujours sur l’aval, dans la séquence de gestion des affaires de l’organisation, puisqu’il commande les étapes suivantes de la réponse adaptée aux conditions changeantes du marché (concurrence). Si l’on faisait un parallèle avec l’économie nationale, on dira que les technologies peuvent être assimilées, en termes de croissance, aux « industries vedettes », celles nouvelles, alors que la gestion sera, elle, apparentée aux « industries motrices », celles anciennes. Or, la croissance de l’économie, en période de développement lent, du moins au cours des périodes antérieures et ce depuis 1776, a été imputable aux quatre ou cinq plus anciennes industries, jusqu’à hauteur de 75 pourcents du chiffre d’affaires national (un paradoxe de Solow en management). Avant de sous-estimer l’ancien (gestion), au profit du nouveau (technologie), il y aurait lieu d’y regarder à deux fois… et décider plus sagement des voies à suivre pour au moins maintenir, sinon pour renforcer, l’acquis sur les instruments contributifs de rendement supérieur sur l’avoir collectif.
5) Exigeants, mais réalistes, c’est-à-dire réalisables, compte tenu des dispositifs de gestion des affaires en place dans l’organisation. Les gens ne veulent pas constamment s’en tenir aux mêmes choses. Ils veulent évoluer, changer, s’améliorer. Or, cela passe par le dépassement du stade antérieur. Progresser, n’est donc pas limité à enregistrer un chiffre sur commande, mais avancer résolument sur la voie de la satisfaction d’être (l’accomplissement de soi). Le personnel reconnu au travail s’engage davantage, surtout s’il sait que la direction répond à des critères élevés, en matière de gestion intelligente de la ressource. Et les critères les plus déterminants, à ce chapitre, sont les suivants : 1) transparence dans la gouvernance; 2) reconnaissance des apports propres; 3) décentralisation du pouvoir de décisions; 4) éthique en affaires; 5) traitement équitable des personnes; 6) imputabilité universelle; 7) partage équitable des avantages; etc. Ce qui se mesure, bien sûr, mais ce qui doit donner lieu à des améliorations des conditions d’exécution de la tâche dont l’activité dépend.
Manager de Transition Direction d'Usine Industrielle
8yIl faut quand même reconnaître en tous les cas dans la plupart des entreprises industrielles à flux tendu, la quantité prône sur la qualité, même si l'entreprise est adepte du Lean Manufacturing avec un slogan, Quality First ou Safety First, la production reste à "tout prix" l'obligation du terrain tiraillé entre tous les messages contradictoires.
Coordonnatrice chez Réseau de transport métropolitain
8yMerci pour cet article. Cela fait réfléchir, Qu'est-ce qu'on veut réellement mesurer la quantité ou la qualité?
Accélérateur d’agilité Managériale Jeu de Go & vision stratégique
8yL'un des articles des plus clairs et des plus concrets que j'ai lu récemment. Merci Monsieur Tardif.
ASSISTANTE CONFERENCE MEDICALE, ET GIE DES PRATICIENS DE L'HOPITAL PRIVE JEAN MERMOZ
8yje partage complètement...... une entreprise c'est une chaîne, chaque maillon à sa place pour renforcer l'entreprise, et pour la faire briller...... trop peu de personnes aux postes stratégiques ne communiquent avec les gens de terrain pour valoriser un travail plus que porteur qui est un masque d'oxygène à tous les niveaux.... Les réunionites oui , mais souvent récurrentes et sans effet... un patron doit savoir motiver son personnel, c'est déjà la première base de gain pour l'entreprise.
Chef de Projets chez Radio France
8yOui, encore une fois bien d'accord avec vous Marcel. D'autant que je trouve qu'une "émulation" dans le travail à produire, si elle est axée sur la satisfaction-client, permet un terreau favorable à la créativité du salarié dans l'organisation de son travail (=être novateur ++). Entendre par là une vraie motivation à évoluer pour devenir plus efficient dans sa propre production (qui va de paire avec la satisfaction du "travail bien fait". Sans compter qu'un client alors satisfait par la fourniture du service (avec une recherche de qualité ++) sera infiniment plus enclin à revenir vers l'entreprise et son équipe (pour passer une nouvelle commande par ex.). Cela dit, force est de constater que c'est bien l'objectif de "quantité fixée comme objectif unique" qui prime aujourd'hui dans les organisations du travail, et c'est dommageable. Merci Marcel en tous cas pour votre article (et les précédents que j'apprécie toujours). Excellente journée et au plaisir de vous lire dans une prochaine diffusion.