Vers une fracture cognitive (épisode 1)
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Vers une fracture cognitive (épisode 1)

Au-delà de la fracture numérique déjà visible entre les personnes ayant accès et sachant utiliser les outils numériques courants (ordinateur, smartphone, internet…) et celles qui n'y ont pas accès ou ne savent pas, les évolutions techniques et technologiques ne vont-elles pas nous amener vers une fracture plus profonde encore : une fracture cognitive entre 2 catégories de populations ? Si le sujet n’est pas nouveau, sa prise de conscience est plus récente. Et c’est donc la question que je souhaite aborder au travers de cette mini-série d’articles, peut-être la première saison d’un ensemble plus vaste portant réflexion sur l’origine de nos sociétés, leur avenir et le contexte plus global de l’environnement et de l’urgence climatique.

Réflexions sociétales et environnementales S01E01 : Des fractures originelles de l’humanité au numérique

Une humanité fracturée depuis longtemps

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Image par Venita Oberholster de Pixabay

Depuis le début du néolithique, soit il y a environ 10000 ans lors de la révolution agricole, et probablement même déjà avant, à partir de la « révolution cognitive » que Yuval Noah Harari situe il y a environ 70 000 ans dans Sapiens : une brève histoire de l’humanité, les groupes humains ont certainement toujours connu des phénomènes de fractures. Fracture entre « forts » et « faibles », au plan physique ou intellectuel/cognitif, entre « dominants » et « dominés », entre « classe dirigeante » et « classe laborieuse », entre « riches » et « pauvres » (les premiers dans l’une étant fréquemment les premiers dans l’autre). Certaines de ces fractures ont été amplifiées depuis la révolution industrielle, mais ces divisions, plus ou moins nettes entre parties de populations, avaient une certaine perméabilité, les personnes d’une classe pouvant passer, volontairement ou non, dans l’autre.

Les exemples d’artistes, de stars ou de sportifs issus de milieux modestes voire pauvres sont nombreux : J.K.Rowling et Stephen King, Elvis Presley et Céline Dion, Myke Tyson ou Pelé pour ne donner que deux exemples de chaque catégorie. Whitney Houston est une illustration cruelle du sens inverse. Dans le secteur industriel ou marchand, les exemples de « réussite » financière ou sociale ou au contraire de déchéance sont également pléthore.

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Image par SNCR GROUP de Pixabay

Je mets volontairement « réussite » entre guillemets, car est-ce réellement « réussir sa vie » que de devenir riche ou influent, voire les deux. Dans le modèle capitaliste, oui, à l’instar de cette phrase célèbre d’un de nos publicitaires renommé disant à propos de Nicolas Sarkozy, grand amateur de montres Rolex : « Si à 50 ans on n'a pas une Rolex, c'est qu'on a quand même raté sa vie ». (Jacques Séguéla).

La fracture numérique, qui a commencé à apparaître vers le début des années 2000, est d’un autre registre.

Du numérique au numérique électronique et sa représentation de « l’analogique » via la « dématérialisation »

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Image par Gerd Altmann de Pixabay
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Image par Dieter de Pixabay

Le « numérique », tel qu’on l’entend au sens actuel courant du terme, c’est à dire basé sur le système de numération binaire, préexistait avant l’apparition de l’électronique. Le métier à tisser de Jacquard ou l’orgue de barbarie sont deux exemples d’appareils pilotés par un mécanisme utilisant un code binaire : un support perforé. Mais l’électronique lui a apporté une évolution, d’abord relativement lente avec l’apparition de l’informatique dans les années 50, puis de plus en plus rapide avec la micro-informatique et sa démocratisation à partir des années 80. Elle a ouvert la voie au traitement massif de l’information.

Le Compact Disc audio s’est démocratisé dans la même décennie suivi, dans celle d’après, par les débuts de la photo et de la vidéo numériques, faisant basculer le contenu des disques vinyles, des pellicules argentiques et des bandes magnétiques analogiques type VHS vers des suites de 0 et de 1.

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Image par Dieter de Pixabay

Ce n’est peut-être pas un mal au niveau environnemental par rapport à la production de ces supports physiques, leur transport vers les acheteurs, etc. Cela reste toutefois à prouver du fait de l’impact des technologies numériques qui nécessite la fabrication d’appareils électroniques de lecture, de serveurs, d’équipements réseaux et l’énergie pour faire fonctionner tout cela.

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Ces équipements nécessitent en effet de monstrueuses extractions de ressources finies, sources d'importantes pollutions et très partiellement recyclées voire non recyclables : 600 kg de minéraux et 200 kg d’énergies fossiles sont nécessaires pour fabriquer un ordinateur de 2 kg, dont quelques % seulement seront recyclé (source ADEME et The Shift Project). Cela sans compter les milliers de litres d’eau consommés en ces temps où elle se raréfie cruellement. Je vous invite à participer à une Fresque du Numérique si vous souhaitez mieux connaître et comprendre ces chiffres.

Ces nouveaux outils et procédés fournissent un service équivalent, souvent jugé plus « qualitatif » (quoi que la question se pose avec le retour en force du Vinyl) et enrichi par de nombreuses autres fonctionnalités (transmission, partage, indexation, recherche… sans parler de duplication, pas toujours légale au regard des droits des auteurs).

Le « numérique » a subi une accélération spectaculaire dans les années 90 avec l’essor d’Internet, notamment grâce au Web, puis ses différentes évolutions toujours plus rapides sur ces 30 dernières années :

  • apparition du smartphone qui apporte un accès en mobilité ;
  • multiplication (prolifération ?) des sites Web et des applications ;
  • apparition de nouveaux usages avec notamment les réseaux sociaux ;
  • possibilité d’achat en ligne de biens complètement numériques tels que musiques, des photos, dessins ou films.

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Image par Gerd Altmann de Pixabay

Notons au passage que ces biens, que l’on appelle improprement « dématérialisés », n’ont cependant rien d’immatériels. Bien qu’invisibles à l’œil, ils n’en ont pas moins une existence physique sous forme de variations d’état de la matière, que ce soit des champs magnétiques, des électrons piégés dans « des cuvettes de matière », des courants électriques, des flux de lumière ou autres…. Supprimez ou altérez la matière qui les porte ou les transporte et ces biens n’existent plus ! Cela donne à réfléchir quant à leur soi-disant dématérialisation…

A suivre…

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