Post de Alain Karsenty

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Chercheur au CIRAD

Cet article de Novethic apporte quelques éléments de décryptage quant à la demande d’une vingtaine d’États membres de différer ou de revoir le Règlement sur la déforestation. On apprend également que « Paris n’appelle pas au report » du Règlement, même si le ministre Marc Fesneau a déclaré partager « l’attention qu’il faut donner aux inquiétudes de certains professionnels (…) sur le caractère réellement opérationnel [de certaines dispositions du RDUE]". Dans la « Note de la délégation autrichienne soutenue par les délégations finlandaise, italienne, polonaise, slovaque, slovène et suédoise », on peut lire « la mise en œuvre du RDUE (...) aura un impact négatif sur les pratiques agricoles et forestières durables et à petite échelle dans l'Union européenne, alors que les pays tiers sont seulement interdits d'importation dans l'UE » (sic). Les producteurs de cacao ouest-africains, qui dépendent très largement des importations européennes, apprécieront leur privilège …  La « Note » présente trois cas d’impact négatif : -         La contradiction entre la volonté de promouvoir une agriculture biologique, et le fait que, l’élevage bio demandent plus de surface. Or ces surfaces supplémentaires devraient être prises sur les forêts, notamment dans les zones de montagne. Je trouve l’argument un peu spécieux. -         Autre argument, plus recevable, est que, l’élevage dans l’UE est souvent pratiqué sur de nombreuses parcelles plus ou moins dispersées, et mettre en place un système de traçabilité pour chaque parcelle de production sera pénalisant. -         La volonté de développer l’autonomie protéique de l’Union en développant la culture du soja serait freinée par le fait que le soja est une des productions concernées par le RDUE, d‘où des coûts supplémentaires. On pourrait rétorquer qu’il y a de nombreuses légumineuses fourragères qui font parfaitement l’affaire (luzerne, sainfoin…) Et finalement, la Note demande « une exemption générale pour les producteurs des produits concernés dans les pays à faible risque ». Si cette demande était acceptée, elle ne pourrait se limiter aux pays de l’UE. Si ce Règlement est sur la déforestation et non pas sur la déforestation *importée*, c’est pour être compatible avec les règles de non-discrimination de l’OMC : ce que l’on demande aux autres doit s’appliquer à nos propres productions. Comme il est vraisemblable que peu de PED (là où a lieu la déforestation) seront classés en « risque faible » par l’UE (au mieux, beaucoup seront en « risque standard »), cela signifierait que seuls les pays développés seraient exemptés des obligations de diligence raisonnée, ce qui sera considéré comme inacceptable par les pays du Sud. L'Europe a déjà suffisamment de difficultés dans les relations internationales pour ne pas rajouter de nouvelles tensions avec le « Sud Global ».

Déforestation importée : une suspension demandée par 20 Etats Novethic

Déforestation importée : une suspension demandée par 20 Etats Novethic

https://www.novethic.fr

alain bertrand

retraité, edenia consult

8 mois

Bravo Alain

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