Post de Charles-Henri HARDY

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Maître de conférences en droit privé - Université Toulouse Capitole

[Cumul des répressions fiscales administrative et pénale - réserves constitutionnelles] Dans un arrêt du 16 octobre 2024 (n° 23-83.009), la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé qu'en "En vertu de [la réserve constitutionnelle du cumul plafonné des punitions] selon laquelle, si l'éventualité que deux procédures, pénale et fiscale, pour des faits de fraude fiscale soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, le juge pénal est tenu de veiller au respect de l'exigence de proportionnalité s'il prononce une peine de même nature." La Cour de cassation censure alors l'arrêt d'appel se contentant d'affirmer, sans s'assurer que le montant cumulé des sanctions pénales et fiscales ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, que "la peine d'amende de 30 000 euros prononcée par le tribunal correctionnel est adaptée et proportionnée aux ressources et aux charges de M. [Y]." L'arrêt de cassation est en outre intéressant dans le contrôle que la Cour de cassation opère dans la mise en œuvre de la seconde réserve constitutionnelle au cumul des répressions fiscales administrative et pénale. Cette réserve retreint en effet le cumul des répressions aux seuls "cas de fraudes les plus graves". Les juges du fond ont ainsi l'obligation de contrôler la particulière gravité des faits commis pour entrer en voie de condamnation lorsque la personne a déjà subi la répression administrative pour les mêmes faits. En l'espèce, il apparaît qu'une décision de condamnation est suffisamment motivée, pour la Cour de cassation, lorsqu’elle relève « que les faits sont graves par leur ampleur, leur répétition sur plusieurs exercices fiscaux, l'atteinte portée à l'ordre public économique et à l'égalité devant la charge fiscale ». Cette justification de la gravité restant toutefois très théorique (aucun élément de l'arrêt n'étaie ces justification), il est dommage que le contrôle effectué par la Cour de cassation ne soit pas plus poussé... https://lnkd.in/gchC2bCK

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 octobre 2024, 23-83.009, Inédit

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 octobre 2024, 23-83.009, Inédit

legifrance.gouv.fr

Adrien Merchadier

Avocat fiscaliste chez CMS Francis Lefebvre Avocats

3 mois

Merci Charles-Henri ! L’arrêt est également intéressant sur un autre point. En effet, en jugeant, dans son considérant que principe que « le juge pénal est tenu de veiller au respect de l'exigence de proportionnalité s'il prononce une peine de même nature », la Cour de cassation maintient sa jurisprudence (cf. notamment Cass. crim. 11-9-2019 n° 18-81.067) et se situe sur la même ligne que le Conseil d’État dans sa décision n° 472284 du 5 février dernier. Cependant, cette analyse étonne au regard de la jurisprudence de la CJUE selon laquelle la proportionnalité du cumul de sanctions s’applique, sans exception, à l’ensemble des sanctions imposées cumulativement et, partant, tant au cumul de sanctions de même nature qu’au cumul de sanctions de natures différentes (5 mai 2022, C‑570/20, BV c/ DDFiP Haute-Savoie).

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