Ce qu’il en reste. Donc, par un effet soudain comme une ondée en mai, le surréalisme serait de retour. Il y en a partout, au Centre Pompidou, dans les galeries parisiennes, dans les journaux et les magazines (y compris Artpress, c’est dire), jusque dans les provinces les plus reculées (la Suisse n’était pas en reste cet été avec la passionnante exposition de Lausanne). Les foules se pressent au Centre Pompidou, on se bouscule pour entrevoir des oeuvres, on s’égare dans le labyrinthe : c’est un phénomène social qui déborde largement les cercles cultivés de réception de l’art. Certes, le mot même de surréalisme était depuis longtemps passé dans la langue courante. Les chroniqueurs l’employaient pour évoquer l’étrange, l’absurde, l’improbable, le mystérieux, le saugrenu, le fantastique, etc. Les mots n’ont jamais que le sens qu’on leur prête et l’ignorance mariée aux idées reçues s’emploie à les vider de la compréhension qui fut à l’origine de leur apparition. L’époque prête beaucoup au nom de surréalisme. Cela lui permet de le circonscrire dans un périmètre inoffensif. Et les oeuvres visuelles en trois dimensions facilitent cette appropriation sémantique. Les surréalistes furent des jeunes gens turbulents mais le marché, certes tardivement, a su ne retenir de leurs frasques que les trophées esthétiques qui cajolent les regards désormais accoutumés aux jolies énigmes. De patientes recherches académiques ont profondément renouvelé et élargi le champ de reconnaissance du surréalisme. De nombreuses figures, surtout féminines, sont ainsi apparues dont les éditeurs et les institutions se sont heureusement emparé. Mais la science a progressé au prix d’une dévitalisation de la pensée et du projet surréalistes. C’était prévisible, c’était inéluctable. André Breton n'avait-il pas dit que toute idée qui triomphe courait à sa perte. Nous assistons aujourd’hui à ce moment dialectique qui emporte l’ambition des surréalistes, désactive leur révolte et anecdotise leurs tentatives de renverser les valeurs dominantes. L’Histoire est une entreprise de pompes funèbres. Ce dont le surréalisme fut le nom semble s’être volatilisé. Il se dit cependant que des regards venus de la jeunesse se tournent à présent vers lui. Les surréalistes ont toujours parié sur la jeunesse. Puisse-t-elle lui donner un sens nouveau dans le chaos des temps qui viennent...
L'idée de le circonscrire dans un "périmètre inoffensif"... cela résonne avec une triste justesse, même si cela se joue avec une certaine élégance. Doit-on en tirer une leçon et laquelle ? Est-ce seulement possible d'éviter d'en arriver là ...
Quel plaisir de lire ton écriture et ta pensée Christian. Espérons comme tu le rêves que les jeunes, les artistes, les chercheurs et les amateurs ne se laissent pas prendre aux pièges «dévitalisants » de ces commémorations institutionnelles, doublées d’épiphanies marchandes.
Excellent point de vue
Artiste plasticien
3 mois"toute idée qui triomphe court à sa perte"... 😌