Quand l'enseignement privé vire ses élèves: Comment ça marche?
Quand on lui parle des « jeunes garçons turbulents » exclus un peu trop facilement de l’enseignement privé sous contrat, Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique reconnaît que « c’est un vrai problème sur lequel il nous faut réfléchir et changer ». À titre « personnel », il ne « cautionne pas » cette pratique « réelle mais limitée » à un certain type d'établissements.
Le profil de ces évincés, admet-il, est souvent celui d'élèves qui perturbent la classe ou « se tiennent mal ». Et dont les résultats sont médiocres. Car si l'établissement public n’a pas d’autre choix que de garder ces « maillons » faibles ou perturbateurs sauf gros incident et passage en conseil de discipline, l’établissement privé, lui, n’hésite pas à s’en débarrasser.
Surtout quand il est élitiste et que les places y sont très demandées : les parents s’entendent alors dire que leur enfant « serait mieux ailleurs », qu’il n’ « adhère pas assez à l’esprit de l’établissement ». On peut aussi pousser ces élèves dehors en leur imposant un redoublement ou une orientation dont ils ne veulent pas (Une technique utilisée abondamment aussi dans le public. N.D.L.R.). Pas besoin de conseil de discipline quasi inexistant dans le privé, tout se passe de façon feutrée. (...)
Paul Vannier (LFI) et Christopher Weisber (Renaissance) ont eu connaissance lors de leurs auditions menées pour rédiger un rapport sur l'enseignement privé « de nombreux cas de sélection (...) en particulier d’interruption de scolarité pour des élèves dont les résultats scolaires seraient jugés insuffisants » (...) Des pratiques essentiellement constatées dans des établissements déjà très sélectifs à l’entrée, surtout dans les grandes villes.
Selon l’enseignement catholique, «habituellement, l’établissement qui ne veut pas réinscrire un élève propose une solution alternative dans un autre établissement privé ». « Beaucoup s'échangent les élèves problématiques », nous explique une professeur du privé, « certains collèges privés étant considérés comme des établissements poubelles à qui l'on fourgue systématiquement les perturbateurs ». (...) Mais cette alternative dépend du bon vouloir du chef d'établissement. Elle est loin d’être proposée systématiquement. Et des élèves rejoignent « fréquemment le public ».
Quand le privé exclut, c'est rarement en raison des seuls résultats: « Il s'agit d'élèves qui se tiennent mal, rarement d'élèves en difficulté scolaire mais bien élevés. Ces derniers ont toujours une place chez nous », affirme une enseignante, « c'est ce qui prévaut aussi lors de l'inscription. Nous avons tendance à écarter d'emblée ceux dont les bulletins font part d'une attitude désagréable, perturbatrice ou bavards. Cela compte plus que les résultats. Tous nos élèves ne sont pas excellents » (...)