Ce vendredi 26 juillet, le show de près de quatre heures concocté par le metteur en scène Thomas Jolly a peut-être mis un terme à l’un des "récits maitres" les plus installés de ces dernières années : celui d’une #culture #française en inéluctable déclin, cédant aux sirènes d’une américanisation affadissante. Les 300 000 spectateurs et, plus encore, le milliard de téléspectateurs des quatre coins de la planète, ont assisté à l’exact contraire : une réaffirmation, par l’art, de la puissance intacte de « l’esprit français » - avec tout ce qu’il charrie d’audace, de créativité, de transgression, mais aussi d’imperfections (la réalisation télévisuelle franchement défaillante), d’abnégation (la pluie torrentielle) ou de kitsch (fièrement revendiqué). Comme un symbole, le premier tableau a mis en scène la francisation d’une icône de la pop-culture américaine : en hommage à la culture musicale du cabaret, Lady Gaga a interprété - en français, s’il vous plait - Mon truc en plumes de Zizi Jeanmaire. Autre effet spectaculaire, cette fois-ci du côté de notre imaginaire politique : la formidable réappropriation d’un récit national fédérateur. Toute cérémonie d’ouverture est un discours que l’on porte sur le pays, sur ce qui le tient, ce qui l’anime, l’émeut, le transcende – un acte esthético-politique devenu rare. Une enquête Ifop réalisée pour la Fondation Jean-Jaurès en 2022 montrait la perception d’un déficit abyssal de conteurs nationaux : à la question de savoir qui racontait le mieux la France aujourd’hui, c’était la réponse « personne » qui arrivait en tête d’une liste de dix émetteurs (artistes, politiques, écrivains, humoristes, etc). C’est dire si le geste était attendu. Loin des crispations identitaires, ne cédant ni à la tentation de la glorification mythifiée comme lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin (2008), ni à la facilité des stéréotypes nationaux un brin passéistes, alignés les uns après les autres lors de la cérémonie d’ouverture la coupe du monde de rugby (2023), la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 a raconté une France "unie dans la diversité". Ce qui est puissant dans le discours proposé, c’est qu’il fait la démonstration visuelle que les différences culturelles, temporelles et géographiques peuvent se vivre autrement que comme des archipels en conflit les uns contre les autres. À l’écran, les pratiques de dance les plus éloignées formaient un tout follement bigarré, mais tirant dans la même direction – et ce, de la danse folklorique auvergnate au voguing, waacking, et autres breaking ; du classicisme à-la-Lully au modernisme électro-pop déjanté, du danseur étoile Guillaume Diop à la Drag Queen Piche. La France est une œuvre de composition : la preuve avec le duo improbable formé de la garde républicaine et d’Aya Nakamura pour interpréter une chanson d’Aznavour, le tout devant l’Académie française. Plutôt que de s’opposer, voilà les Anciens et les Modernes réunis le temps d’une chanson. Raphaël LLorca
Communicant - Essayiste - Co-directeur de l’Observatoire « Marques, imaginaires de consommation et Politique » à la Fondation Jean Jaurès
Ce vendredi 26 juillet, le show de près de quatre heures concocté par le metteur en scène Thomas Jolly a peut-être mis un terme à l’un des "récits maitres" les plus installés de ces dernières années : celui d’une culture française en inéluctable déclin, cédant aux sirènes d’une américanisation affadissante. Les 300 000 spectateurs et, plus encore, le milliard de téléspectateurs des quatre coins de la planète, ont assisté à l’exact contraire : une réaffirmation, par l’art, de la puissance intacte de « l’esprit français » - avec tout ce qu’il charrie d’audace, de créativité, de transgression, mais aussi d’imperfections (la réalisation télévisuelle franchement défaillante), d’abnégation (la pluie torrentielle) ou de kitsch (fièrement revendiqué). Comme un symbole, le premier tableau a mis en scène la francisation d’une icône de la pop-culture américaine : en hommage à la culture musicale du cabaret, Lady Gaga a interprété - en français, s’il vous plait - Mon truc en plumes de Zizi Jeanmaire. Autre effet spectaculaire, cette fois-ci du côté de notre imaginaire politique : la formidable réappropriation d’un récit national fédérateur. Toute cérémonie d’ouverture est un discours que l’on porte sur le pays, sur ce qui le tient, ce qui l’anime, l’émeut, le transcende – un acte esthético-politique devenu rare. Une enquête Ifop réalisée pour la Fondation Jean-Jaurès en 2022 montrait la perception d’un déficit abyssal de conteurs nationaux : à la question de savoir qui racontait le mieux la France aujourd’hui, c’était la réponse « personne » qui arrivait en tête d’une liste de dix émetteurs (artistes, politiques, écrivains, humoristes, etc). C’est dire si le geste était attendu. Loin des crispations identitaires, ne cédant ni à la tentation de la glorification mythifiée comme lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin (2008), ni à la facilité des stéréotypes nationaux un brin passéistes, alignés les uns après les autres lors de la cérémonie d’ouverture la coupe du monde de rugby (2023), la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 a raconté une France "unie dans la diversité". Ce qui est puissant dans le discours proposé, c’est qu’il fait la démonstration visuelle que les différences culturelles, temporelles et géographiques peuvent se vivre autrement que comme des archipels en conflit les uns contre les autres. À l’écran, les pratiques de dance les plus éloignées formaient un tout follement bigarré, mais tirant dans la même direction – et ce, de la danse folklorique auvergnate au voguing, waacking, et autres breaking ; du classicisme à-la-Lully au modernisme électro-pop déjanté, du danseur étoile Guillaume Diop à la Drag Queen Piche. La France est une œuvre de composition : la preuve avec le duo improbable formé de la garde républicaine et d’Aya Nakamura pour interpréter une chanson d’Aznavour, le tout devant l’Académie française. Plutôt que de s’opposer, voilà les Anciens et les Modernes réunis le temps d’une chanson.