Comment faire de chaque entreprise un agent volontaire de sa performance durable ?
Cet article a été publié dans influencia le 9 mai 2021
Dérèglements climatiques, dégradation de la biodiversité, épuisement des ressources, crises sanitaires, la planète nous exhorte à changer de modèle ! Mais comme le disent les experts du climat et de la génétique “ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, c’est l’humanité” En effet, elle nous survivra bien après notre disparition comme elle l’a déjà fait avec d’autres espèces ! Alors comment expliquer que l’Homosapiens que nous sommes, doté d’intelligence, de conscience ne parvienne pas à éviter l’irréparable
Un citoyen engagé mais impuissant à faire bouger les lignes d’une démocratie inadaptée à l’écologie
La crise du Co-vid a rappelé à l’homme sa vulnérabilité dans le monde entier. Les dérèglements climatiques inquiètent et obligent au minimum à une considération du sujet même par les plus septiques. En effet, des travaux scientifiques montrent une relation directe entre les menaces qui pèsent sur la biodiversité et la multiplication des zoonoses dont la Covid fait partie.
Le citoyen averti commence à intégrer “qu’il est écologie” et que l’écologie ne devrait pas être une discipline ou un parti mais un pré-requis fondamental à la vie intégré à toute politique et donc au coeur du fonctionnement de notre démocratie.
Mais notre démocratie est inadaptée à la mutation écologique de notre société car « les démocraties représentatives sont incapables de réduire leur niveau de consommation . et leurs principes fondamentaux sont liés à des mandats et territoires délimités dans un temps et un espace contraints incompatibles avec le temps long et l’approche écosystémique et planétaire nécessaires à une transformation performante.
Difficile dans ses conditions pour un citoyen ou un élu de savoir comment s’engager efficacement dans la mutation de notre société !
Un modèle économique pris au piège de l’économisme
Notre modèle économique est basé sur l’extraction de ressources naturelles limitées (énergie fossile, forêts, eau, terres cultivables, minerais précieux, ...) et il est indiscutable qu’il ne permet pas une croissance infinie : “ Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste”
Notre société confond économie et économisme qui désigne un système de pensée et d'analyse qui tend à tout organiser et expliquer par le jeu de facteurs économiques en déconsidérant les facteurs sociaux et environnementaux.
Cette vision économiste et cette dépendance à un modèle de croissance extractive réduisent la marge de manœuvre de nos sociétés pour accomplir les grands changements nécessaires.
Citoyens, états et institutions peinent à faire bouger les lignes mais l’inertie est aussi dûe à un facteur culturel essentiel : la relation des français à l’écologie.
L’inertie écologique : un modèle qui semble satisfaire notre inconscient collectif.
Les écologistes et les ONG relaient la parole scientifique et nous disent preuves à l’appui qu’on ne peut plus négocier avec l’urgence climatique.
Les plus convaincus des climato-septiques et des néolibéraux leur opposent immédiatement le principe de réalité et l’inefficacité d’une écologie punitive contraire à la liberté d’entreprendre et discriminante pour les plus défavorisés.
De cette opposition de points de vue naît ce qui peut nuire le plus à la performance de la transition écologique : l’inertie.
L’inertie est l’ennemie jurée de l’écologie comme de l’économie : elle permet de ne rien faire d’autre que ce qui est imposé par la loi ou la conscience. Le contraire d’une dynamique de performance positive !
L’entreprise, premier agent de la transition vers un modèle d’engagement et de performances durables ?
C’est l’entreprise en tant qu’agent économique qui a donc la lourde responsabilité d’agir pour casser cette inertie et propulser notre modèle de développement dans un modèle de performance positive.
Côté CAC40, on oscille entre la volonté réelle d’améliorer impact sociétal et environnemental et l’incapacité d’investir pour se réinventer en profondeur pour le futur. L’éviction par des fonds d’investissement activistes d’Emmanuel Faber, président de Danone et initiateur de la 1ere entreprise à mission du CAC 40 a eu le mérite de cristalliser les débats sur cette question. On peut espérer que le recadrage de la commission européenne sur la gouvernance durable des entreprises. les incite à revisiter leur modèle de performance.
Côté PME et ETI on constate une conscience écologique à géométrie variable. Pour la plupart, le sujet de la transition vers un modèle d’activité plus responsable n’est pas à l’ordre du jour tant que la législation ou la pression de la société n’impactent pas leur modèle d’activité et leurs affaires. Pour les autres, le sujet de la responsabilité sociétale de l’entreprise sur le long terme est un acquis soit parce leur business model est nativement responsable (économie circulaire, économie sociale et solidaire, agro-écologie, Green-Tech …) soit parce qu’elles ont une structure d’actionnariat majoritairement familial qui implique la transmission de l’entreprise et donc une vision sur plusieurs générations.
D’après une étude BPI-France, , un autre facteur vient entacher la dynamique de performance positive des PME et ETI : 25 % seulement des dirigeants sont convaincus que la RSE est source de compétitivité tandis que 62% lui reprochent sa lourdeur administrative.
On est loin du plébiscite !
Le performance durable, une opportunité à saisir en urgence par toutes les entreprises
La transition écologique et sociale des entreprises doit être abordée sous un nouvel angle par les dirigeants : celui de la performance durable.
Performance humaine parce que c’est important pour les collaborateurs et notamment les jeunes, performance commerciale, parce que les consommateurs se réapproprient leur pouvoir d’achat en mesurant plus facilement l’impact de leur consommation, performance économique, parce que la compliance n’est plus suffisante et que l’anticipation des normes et des comportements est le meilleur gage de la performance durable et enfin performance sociétale, parce que les risques d’opinions pèsent encore plus aujourd’hui sur les marques et les entreprises.
Des secteurs entiers de l’industrie n’ont pas pris la mesure de l’impact de l’écologie sur leur performance future. Pour préserver son modèle fossile, l’industrie automobile est allée jusqu’au Dieselgate. Elle se retrouve aujourd’hui à dépenser des millions de pénalités pour acheter des certificats de compensation carbone à un pure player Electrique comme Tesla ! Dans l’Agro-industrie, la défense d’un modèle agricole productiviste basée sur la chimie et les brevets sur le vivant a poussé Bayer au rachat de Monsanto en provoquant une chute de 40% de son cours de bourse… au lieu de consacrer ses investissements à réinventer un modèle de performance agricole plus respectueux de l’environnement.
La discipline de référence de la transition écologique, la RSE, va connaître une mutation radicale qui n’est pas sans évoquer ce qu’a connu la transformation digitale : passer d’une discipline nécessaire et transversale à une discipline stratégique majeure pour finalement être nativement ré-intégrée au cœur du business model et de la dynamique de compétitivité des entreprises
On peut noter que 30 ans après la naissance d’internet certaines entreprises ne sont toujours pas digitalisées et ce sont mécaniquement celles qui sous-performent en temps de crise !
L'engagement de nouveaux acteurs du mouvement “for good”, des start-up, ESS et fonds d’investissements à impact et des mouvements tels que Impact France ou B-corp démontrent que la responsabilité sociétale et environnementale est un vecteur de performance durable.
La loi Pacte a également eu le mérite d’enfoncer le clou en invitant les entreprises à se ré-interroger sur leur utilité présente et leur engagement futur dans la société
L’accélération inévitable de l’impératif écologique va conduire à une brutalité du changement, qu’il soit réglementaire ou financier, économique ou social, et ceux qui pensent qu’ils ont le temps, se rendront compte qu’ils n’en ont déjà plus.
La radicalité du changement est la seule variable permanente des grandes révolutions industrielles. Arrêtons les discours normatifs, moralisateurs ou bien pensants, engageons- nous du côté de la performance et de l’avenir. Parce que n’oublions jamais que les investisseurs, qu’ils soient publics ou privés, boursiers ou private equity, ne rémunèreront bientôt plus que les modèles d’activité durablement profitables.
Guillaume Rotrou est Managing Partner de l’activité Positive Impact de l’agence conseil Insign - Creative Partners