Économie : spleen ou idéal ?
Si les Hommes se Trump parfois, l’humanité progresse silencieusement vers un idéal philanthropique.
_ Intervention à l'Institut de l'Iconomie (lien)
L'indignité de la concentration des richesses
Voici une question baudelairienne : l’économie est-elle aujourd’hui le véhicule du spleen, ou de l’idéal ? Aujourd’hui, le monde semble choqué et les élections états-uniennes représentent déjà un profond traumatisme pour quiconque se nourrit d’un idéal humaniste. Outre les raisons certainement politiques à cela, je crois profondément qu’il s’agisse là d’un rejet profond de notre économie contemporaine et de ses conséquences sociales.
En effet, il me semble que de plus en plus d’hommes et de femmes sont dépassés, voire écrasés, par notre économie globalisée pour laquelle ils sacrifient ce qu’ils ont, au fond, de plus précieux : leur temps. Cela, sans réellement pouvoir donner un sens à ce qu’ils font. Cela, en endurant de plus en plus de difficultés à subvenir aux besoins élémentaires de leurs foyers : le toit, le couvert… en outre, vivre une vie digne de notre siècle. Ce constat est encore plus impitoyable dans les pays du sud, où je suis impliqué depuis une douzaine d’années.
Au final, aujourd’hui, moins d’une centaine de nantis possèdent plus de richesse que la moitié de l’humanité. Moins d’une centaine. Combien de temps cette moitié déchue continuera à l’accepter ? Et quand bien même ce petit cercle de privilégiés se resserre chaque année, bon nombre d’entrepreneurs demeurent convaincus qu’une place parmi eux les attend, et s’emploient donc à reproduire des business modèles purement orientés vers le profit individuel.
U2guide et l'entrepreneuriat social
Cependant, de plus en plus d’entrepreneurs dits sociaux, que je tente de représenter humblement ce soir, considèrent que l’économie altruiste — ou profit for not profit, peut être un formidable biais pour améliorer tant le quotidien que l’environnement d’autrui.
Que le choix du produit altruiste est pour le consommateur une alternative vertueuse à la résignation, au vote blanc, voire aux armes. En un mot : une alternative au spleen.
Inspiré par un microprojet humanitaire que j’avais réalisé au Cambodge il y a une décade, j’ai ainsi fondé U2GUIDE, avec deux comparses. U2GUIDE est la première plateforme collaborative et solidaire au Monde, dédiée au voyage.
Pourquoi collaborative ? U2GUIDE met en relation des voyageurs et des guides ou insiders à travers le monde. Ces derniers échangent. Ils se mettent d’accord sur une activité touristique et naturellement sur son coût. Ils réalisent une transaction économique simple, qu’ils comprennent. Les voyageurs enrichissent leurs voyages. Les guides ou insiders partagent leur passion en arrondissant leurs fins de mois ou, s’il s’agit de professionnels, diversifient leurs revenus avec une nouvelle source à faible intermédiation. Alors que des millions d’emplois vont probablement disparaître avec la robotisation et la digitalisation des métiers, l’économie collaborative, qui séduit toute une nouvelle génération, pourrait devenir, dans un avenir proche, un filet social pertinent ; peut-être complémentaire d’une probable pension universelle.
Une plateforme collaborative altruiste
Pourtant elle s’expose aux mêmes dérives capitalistes, en témoignent les UBER, AIRBNB et autres. Nous avons donc conçu une plateforme collaborative altruiste. Ainsi, au travers des transactions réalisées par sa communauté, U2GUIDE reverse 1% de ses revenus et 50% de ses profits à la faveur de projets sociaux et environnementaux, notamment dans les pays visités. Cela, au travers d’ONG partenaires méticuleusement sélectionnées. Ainsi les voyageurs tendent à changer le monde, simplement en voyageant ; simplement au travers d’un choix consumériste. Les guides et insiders accèdent à de nouveaux revenus quand leur productivité contribue à des changements qui les concernent. De belles ONG améliorent leur visibilité au sein d’une communauté engagée et ont accès à une nouvelle forme de financement éthique et non gouvernementale.
U2GUIDE est encore un concept, une start-up fragile qui requiert encore des investissements pour s’envoler. Mais elle a su trouver, en quelques mois, un incroyable écho auprès d’une centaine de milliers de membres et de sympathisants originaires d’une centaine de pays.
Cette large adhésion me conforte dans l’idée que l’économie altruiste sera la norme de demain. Enfin s’il semble que les Hommes se Trump parfois, je me persuade que l’humanité progresse silencieusement vers un idéal philanthropique.