Écouter les électeurs, mais aussi le futur !
Les électeurs du Rassemblement National ont dit « on a tout essayé, sauf eux ». Ceux du groupement « Nouveau front Populaire » ont rejeté la logique libérale. Les autres ont refusé les extrêmes. Mais, faut-il seulement écouter les électeurs ?
Gouverner, c’est arbitrer entre le présent et le futur
Les électeurs donnent à leurs députés de la crédibilité et des subsides pour exercer du pouvoir. Alors, les candidats se concentrent sur leurs supposées attentes.
Le futur ne vote pas. L’appréhender nécessite du travail : écouter des experts, débattre et construire des hypothèses, les proposer et les faire adopter…
Préparer le futur, ne s’improvise pas. Les USA et la Chine sont experts et profitent de notre insouciance à ce sujet.
Au fait, que nous disent les professionnels du futur ?
Nous vivons actuellement une mutation sociétale de très grande ampleur : nous quittons la sédentarisation et nous entrons dans l’ère symbiotique.
La sédentarisation a commencé, notamment, par la découverte des minerais dont on fait les métaux qui servent eux-mêmes à faire les armes, les outils et les attributs du pouvoir.
Pour exploiter les mines, les fonderies et les forges, il fallait des hommes courageux et soumis. Pour le reste, dont l’agriculture, la voirie et de BTP, la force humaine était largement utilisée, dans la soumission. Pour organiser les villes et protéger les territoires, il fallait des soldats soumis. Ainsi, cette époque a fait émerger la notion de classes sociales, de propriété et de rente.
Le dernier chapitre de la sédentarisation est l’ère industrielle. L’Europe en a été le berceau. Elle est donc la première à être confrontée à la fin de cette époque. Il lui revient donc le lourd privilège de comprendre « le monde qui vient » et d’y apporter des réponses nouvelles.
Le monde qui vient repose sur des concepts radicalement différents de l’époque précédente. L’Homme maîtrise l’énergie (même si ses sources sont en mutation). Il s’en sert pour s’affranchir des tâches fatigantes, dangereuses, fastidieuses et peu valorisées.
Dans le même temps, il ne veut pas renoncer aux progrès réalisés pour satisfaire les besoins primaires du plus grand nombre. Alors, grâce au numérique, il rationalise sa manière de produire et de consommer, ce qui crée un monde complexe et rapide.
Il n’a plus besoin de cohortes d’hommes soumis. Il a seulement besoin d’experts, de créatifs et de managers de haut niveau.
Ces belles personnes s’obtiennent en développant un vivre ensemble de grande qualité. Ceci impose un modèle de société inclusif car la loterie génétique distribue les talents sans distinctions d’origine géographique, sociale, religieuse ou idéologique.
Notre challenge consiste désormais à redécouvrir les mécanismes de l’intelligence collective, celle qui a permis aux Hommes de se différencier au sein du monde animal.
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La gouvernance par l’intelligence collective ne repose plus sur la notion de force, mais de réciprocité. Cette mutation s’opère d’ores et déjà dans les entreprises qui abandonnent les organisations hiérarchiques au profit des organisations organiques afin d’assurer une créativité et une réactivité maximum. Peu à peu le monde associatif et les institutions suivent.
Le vertige de l’entre-deux monde
Les électeurs sentent l’avènement de cette mutation. Les générations affichent leur volonté de rationaliser la manière de produire et de consommer. Toutes les générations deviennent attentives à l’ascenseur culturel en lieu et place de l’ascenseur social.
La qualité du vivre ensemble devient un impératif. Mais dans une économie basée sur le profit, servir un vivre ensemble de haute qualité coûte cher et crée de l’endettement. L’endettement crée des tensions. Les tensions fragmentent la société…
Diriger le pays nécessite de composer avec le monde de la finance, celle qui a permis de faire émerger l’ère industrielle, mais dont la logique ne fonctionne plus puisque notre volonté n’est plus de produire et de consommer « toujours plus », mais « toujours mieux ».
C’est aussi faire face aux pays qui n’ont pas encore atteint le désir du « toujours mieux » et qui développent de la rancœur vis-à-vis de l’Europe triomphante des siècles passés. Ils en nourrissent même parfois un désir de prédation.
Dès lors, trouver les héros capables d’accompagner cette mutation sociétale en interne et en externe à la fois devient une gageure !
Misons sur l’enthousiasme du progrès
Les expériences du reste du monde ne nous est pas de grande utilité (ou presque) pour imaginer la manière de faire face à l’évolution qui se présente à nous. Car cette évolution nous est propre : nous sommes au sein de l’Europe, qui est elle-même une mosaïque de pays à la géologie et la climatologie diversifiée. Ceci constitue un atout, mais nous impose de développer de l’intelligence collective pour optimiser nos gouvernances. De plus, nous sommes, la première zone géopolitique à amorcer la décrue démographique, ce qui peut constituer une opportunité.
Nous avons à inventer un nouveau modèle de vivre ensemble ainsi que la manière de passer d’un modèle à l’autre, sur une planète à la géopolitique hétérogène.
La notion de droite et de gauche en politique ne signifie plus rien. Le problème se concentre sur les mécanismes financiers : il faut cesser de considérer comme des dépenses les actions qui visent à développer un vivre ensemble de haut niveau.
Ce besoin, désormais impérieux, conduit à une remise à plat de notre monnaie, qui de toute façon évolue en devenant numérique (voir la publication « Quelle(s) monnaie(s) pour quel modèle de société »).
Le numérique devient un des vecteurs fondamentaux de notre capacité à muter. Mais, la notion de souveraineté, y compris en matière de numérique, doit céder le pas à la notion de symbiose (faire de bons deals avec ses voisins, comme du temps du nomadisme), ce qui n’est pas chose facile lorsque le reste du monde est encore dans le modèle de la force et de la domination.
Messieurs les députés et les candidats aux postes de décideurs politiques, au travail ! Que les plus ouverts d’esprit ouvrent le bal !