ÉDUQUER AU LIEU D’ÉDULCORER !
Au Pays basque, la gare de péage autoroutier pour accéder à la ville de Biarritz s’appelle « La Négresse », du nom du quartier résidentiel « La Négresse », qui tirerait son origine d'une Haïtienne qui y tenait une auberge au XIXe siècle et avait été surnommée ainsi par les soldats de Napoléon fréquentant ce lieu.
Le collectif Mémoires et partages a interpellé le PDG de Vinci via une pétition, qui circule pour que Vinci débaptise le péage de « La Négresse », et a également mis en demeure le Comité des fêtes, sommé de retirer son visuel et l’appellation « La Négresse », alors que débutent les fêtes dudit quartier, arguant que – je cite –, « après plusieurs siècles de lutte contre les discriminations raciales et sexistes, il est insupportable de banaliser, dans notre espace public, ces clichés indignes pour l'ensemble des personnes qui souffrent encore d'actes racistes et misogynes ».
Or la négritude n’est ni une aigritude ni une égritude, elle devrait pallier ce genre de complexes. Toute souffrance mérite compassion, mais peut se guérir à la lecture et la saine exégèse de Césaire. Il est affligeant de constater que les poètes de la négritude n’ont pas caparaçonné de plénitude la diaspora.
Faire disparaître les mots « nègre » et « négresse », ne serait-ce pas de la vaine prestidigitation, des tours de passe-passe qui escamotent les problèmes sans vraiment les régler ?
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Il serait préférable d’éduquer au lieu d’édulcorer. Expliquer au lieu d’occulter, enseigner l’horreur de l’esclavage, afin d’empêcher que ne se perpétuent ad vitam aeternam les crimes perpétrés dans le passé. Oui, enseigner l'horreur pour éloigner l'erreur, ne pas la laisser se reproduire, de nouveau esclaver nos vies ! (Car l'esclavage ne fait pas qu'asservir l'esclave, il avilit toute la société qui le tolère, toute entité qui le maintient.)
À l’instar de bon nombre de villes et d’institutions dans le monde, que la mairie installe des plaques explicatives pour plus de pédagogie, au lieu de voiler les plaques indiquant « La Négresse », comme lorsque Biarritz accueillit en 1994 le Sommet franco-africain : selon Sud-Ouest et Baskulture, un grand panneau indique alors « Les docks de la Négresse » en bout de piste de l’aéroport. Le maire de l'époque, Didier Borotra (UDF), propose au ministère des Affaires étrangères, dirigé par Alain Juppé, de le retirer. Ce dernier refuse catégoriquement. Les plaques ayant trait au quartier sont toutefois « pudiquement voilées » temporairement…
« On n’est pas plus avancé que monsieur Reculé », dirait ma Manman créole.
(Photo : tableau trouvé dans l'auberge « La Négresse », 1887 - Bayle & Hitz.)