Élargir la pensée
Dans un texte traitant de la perception, le philosophe Alain prend l’exemple d’un dé que j’aurais dans ma poche et dont j’essaierais de reconnaître la forme par la toucher. Ce que veut nous faire comprendre Alain par cet exemple, c’est qu’en réalité, le toucher à lui seul ne nous apprend rien. Il ne nous donne qu’une perception partielle de l’objet :
« On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucune interprétation. Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique. Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique ».
Ainsi, Alain nous fait-il découvrir que la perception est aussi une affaire de jugement et de construction. C’est en assemblant les différents aspects d’un objet que j’ai pu saisir par mes sens que j’en construis une représentation et que je parviens à le connaître, le reconnaître et l’identifier. Et ce qui vaut pour le toucher, vaut également pour tous les autres sens. Ainsi, en va-t-il de même pour la vue :
« Je ne le vois jamais en même temps de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps, pas plus du reste que je ne les vois égales en même temps. Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches ».
En effet, selon l’angle en fonction duquel je me place, je ne vois jamais la même chose et pourtant, c’est le même objet que je vise. Aucune de ces vues de l’objet ne me le présente dans son intégralité, elle n’est donc ni totalement vraie ni totalement fausse. Si je ne me fie qu’à la vision de l’objet sous un seul angle, je puis être victime d’une illusion d’optique, comme c’est le cas avec les « trompe-l’œil » qui donnent l’illusion de la profondeur ou de la hauteur sur un espace plan. Il faut que je me déplace pour découvrir la supercherie.
Autrement dit, une certaine vérité ne peut se révéler que si je multiplie les points de vue, alors que si je me limite à une seule approche, je risque fort de me laisser abuser par les apparences.
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N’en va-t-il pas de même pour nos opinions ? Nous avons trop souvent tendance à nous limiter à un seul point de vue et en adoptant cette posture nous limitons notre capacité à penser réellement. C’est en adoptant différents points de vue que l’on peut tourner autour d’un problème et parvenir tout d’abord à mieux le poser et ensuite à élaborer des possibilités de solution qu’il faudra également appréhender sous différents angles pour progressivement affiner la réflexion et parvenir à une réponse acceptable.
La première chose à faire, lorsque l’on s’attaque à une question, consiste à envisager toutes les manières de l’appréhender et surtout de prendre au sérieux les propositions avec lesquelles on serait tentés d’être spontanément en désaccord. Il s’agit d’adopter pendant un temps l’opinion de l’autre, non pour l’approuver ou la rejeter nécessairement, mais pour essayer au moins de comprendre pourquoi l’on peut penser différemment de soi, pour tenter de comprendre en fonction de quel point de vue l’autre se situe pour penser ce qu’il pense. Ainsi, peut-on être en mesure de faire évoluer sa pensée en adoptant cette méthode qu’Hannah Arendt qualifie de « mentalité élargie ». On peut ainsi parvenir à corriger son opinion ou à trouver les bons arguments pour contrer des opinions erronées.
De même que je ne peux percevoir qu’un cube est un cube en l’approchant selon de multiples points de vue, il me faut adopter la manière de voir d’autrui pour mieux résoudre les problèmes qui se posent à la communauté humaine. On parvient ainsi à éviter les débats stériles au cours desquels chacun se contente de camper sur ses positions et l’on entre alors dans l’univers du dialogue, c’est-à-dire que l’on se situe sur un plan commun, celui du langage et d’une certaine rationalité pour penser ensemble en élaborant un échanger constructif.
Éric Delassus.
Accompagner avec des outils des arts du TAO, astrologie chinoise (BAZI 八宅 ) et numérologie taoïste (Jiu Gong Ming Li 九宫命理)), pour trouver des clés afin d'avancer dans la clarté et agir en conscience.
2 moisToujours beaucoup de plaisir à lire vos textes qui commencent par des éléments philosophiques et qui très rapidement nous amènent à des choses très concrètes que nous experimentons. Je crois que Alain comme Spinoza étaient mes philosophes préférés lorsque j'ai découvert la philosophie au lycée, c'était une matière enseignée en terminale je crois à l'époque ?
Master en Philosophie - Philothérapeute
2 moisSuivre la voie de Spinoza : saisir les ressemblances , les différences et les oppositions entre les choses - ici entre les opinions - est indispensable 😇
Ergonome en formation♻️ Chargé de mission🎯 Infirmier Anesthésiste🌍
2 moisÉloge d'une vision systématique, située et partagée des choses 👍
Experte en relations interpersonnelles : J'aide les personnes à mieux se comprendre et s'accepter dans leur neurodiversité.
2 moisMerci pour ce beau travail. La recherche de la vérité est en effet une quête permanente. Et nous avons besoin les uns des autres pour avancer sur ce chemin. Cela me fait penser aux voyages, qui favorisent l'ouverture d'esprit, encouragent l'accueil de la différence et développent la tolérance.
J’accompagne les dirigeant(e)s à révéler leur leadership oratoire, grâce à une prise de parole percutante 💥 Fondatrice de La Parole Élancée 💥 Autrice 💥 Conférencière 💥 (+ 𝘥𝘦 20 𝘢𝘯𝘴 𝘥’𝘦𝘹𝘱𝘦́𝘳𝘪𝘦𝘯𝘤𝘦)
2 moisLe passage du débat stérile au débat comme déplacement de soi - qui n'est ni adhésion, ni contestation - relèverait déjà de l'extraordinaire. Du débat au dialogue, du miracle. Commençons par lutter contre l'invective, l'hystérisation et l'avanie permanente.