Élections européennes : quels enjeux pour la réindustrialisation de la France ?
Dans quelques jours, nous connaîtrons la nouvelle composition du Parlement européen. Alors que l’Union européenne vient d’adopter des mesures destinées à faciliter les investissements bas-carbone sur son sol, comme le règlement industrie zéro émission (NZIA), que les discussions se poursuivent sur l’approfondissement du marché européen du carbone et le principe de mesures de protection des industries européennes, le signal qui sera transmis par les électeurs sera décisif.
Que s’y joue-t-il pour la réindustrialisation de la France ? Le colloque organisé le 14 mai par La Fabrique de la Cité, Leonard et l’Ecole des Ponts Paris Tech nous apporte des éléments de réponse.
L’intégration européenne des systèmes énergétiques et notamment électriques est une condition essentielle de la souveraineté française.
L’ampleur des efforts de décarbonation nécessite de la visibilité, en termes de trajectoire réglementaire notamment. Souveraineté, décarbonation, action européenne vont ainsi de pair, pour plusieurs raisons.
Pour Aurélie Picart, déléguée générale du Comité stratégique de filière « Nouveaux systèmes énergétiques », l’industrie verte constitue une double attente : le verdissement d'une partie de l'industrie, et la structuration d'une industrie de la décarbonation. D’après Léa Falco, doctorante au Cired, l’industrie « zéro pollution » n’existe pas en soi : elle résulte d’arbitrages politiques qui restent à assumer.
Selon Olivier Lluansi, ancien délégué aux Territoires d’Industrie, ce renouveau de l’industrie se veut parfois vert, parfois « bleu blanc rouge », alors que nous ne possédons de toute manière pas à ce jour d’énergie décarbonée en quantité suffisante pour assurer une réindustrialisation 100% décarbonée. Pour autant, il considère que « l’industrie sera verte ou ne sera pas » par manque de soutien de la population.
Ainsi, une industrie française qui ne serait pas à haute qualité environnementale a peu de chances de recueillir le soutien des Français. Pour autant, les piliers de notre autonomie stratégique en matière d’industrie verte restent à construire. Pour Nicolas Goldberg, Partner Energie chez Columbus Consulting et responsable du pôle énergie de Terra Nova, la France réalise avoir perdu certains leviers géopolitiques en faveur de la compétitivité… Résultat, « si la Chine envahit Taïwan, la France risque de ne pas réagir », la transition énergétique hexagonale dépendant pour l’instant d’importations chinoises, notamment de panneaux solaires.
Le rôle clé des territoires
La réindustrialisation est une promesse de renouveau économique pour les territoires qui accueillent les nouvelles usines. Pour que cette promesse soit tenue, les besoins des habitants de ces territoires, les attentes des citoyens, le fonctionnement des services publics, la modernisation des infrastructures… sont des incontournables. Il ne s’agit ainsi pas d’opposer le local à l’Europe, mais bien de tracer collectivement les modalités d’une alliance équilibrée. De quoi nourrir les débats des prochains jours ?
Louise Fel, chargée d'études à La Fabrique de la Cité
NOUVELLES PUBLICATIONS
Note "Pour une transition juste des mobilités" de Marie Dégremont
Les transitions écologiques et énergétiques induisent de profonds changements des systèmes de mobilité, et ouvrent de nouvelles perspectives. La décarbonation des modes de transport, l’irruption du numérique, la nécessaire baisse de l’empreinte carbone des activités humaines vont transformer nos pratiques futures de déplacement.
Dans cette dernière publication signée par Marie Dégremont, La Fabrique de la Cité s'est attachée à réfléchir à la manière dont une « transition juste
des mobilités » pourrait se faire au bénéfice du plus grand nombre. Nourrie de contributions de chercheurs, d'experts, d'élus et de personnalités en lien avec le secteur associatif, cette note se veut la synthèse des résultats d'une enquête confiée à l'ObSoCo et de deux évènements organisés par La Fabrique de la Cité sur la transition juste des mobilités.
« Le renouveau industriel bas carbone des territoires : à quelles conditions ? »
L’articulation entre court terme et long terme, entre gestion de l’urgence et planification : voici une des problématiques qui a sous-tendu le colloque qui s’est tenu le 14 mai chez Leonard : « Le renouveau industriel des territoires bas carbone ». Durant cette matinée, coorganisée par La Fabrique de la Cité, Leonard et l’Ecole des Ponts – ParisTech, différents cas territoriaux ont été étudiés : le Dunkerquois, le bassin de Lacq et Fos-sur-Mer.
La question de la temporalité a été largement abordée. Elle invite à penser l’articulation entre les nécessités de court terme et l’inscription dans une démarche durable. Réussir cette articulation est un vrai défi, qui se pose tant dans le champ de l’industrie que de la politique. Les intervenants du colloque et leurs exemples nous confirment qu’il existe des chemins à suivre pour le relever avec succès.
Pour aller plus loin : le replay du colloque et la synthèse de la teneur des échanges
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AGENDA
"Transition énergétique dans les territoires" à CentraleSupélec - Rennes le 4 juin 2024
Marie Dégremont, directrice des études de La Fabrique de la Cité, interviendra le 4 juin prochain à l'école CentraleSupélec de Rennes lors du colloque "Transition énergétique dans les territoires : une problématique socio-technique multi-acteurs".
Son intervention portera sur le rôle du dialogue entre les différentes échelles de l'action publique dans la transition énergétique. La journée aura en effet pour point d'orgue le questionnement de la déclinaison d'une politique de soutenabilité énergétique à l'échelle d'un territoire.
La Matinale des Ponts - Paris le 25 juin 2024
La prochaine édition de la Matinale des Ponts, événement organisé par l'Ecole des Ponts - ParisTech, et dont La Fabrique de la Cité est partenaire, portera sur l'objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) en 2050. Quatre intervenants échangeront ensemble pour explorer cette thématique :
Les débats seront animés par Stephan Lemonsu, journaliste.
Que s'est-il passé dans l'actualité ?
Vers un avenir à +4°C : Regards croisés sur l'adaptation de la France
Terra Nova, sous la plume de Marine Braud, consultante, ancienne conseillère écologie auprès de la Première ministre et du Président de la République, a publié le 21 mai une note consacrée à la traduction de l’objectif politique « d’adaptation de la France à +4°C ». Elle met en perspective cette annonce formulée par le Gouvernement français en 2023 avec les scénarios et projections établies par les sciences du climat. Elle les met également en regard avec les stratégies établies à l’étranger.
Précise et bien documentée, cette note invite à conforter le statut de ces stratégies pour les ancrer dans le temps long. Elle suggère également de hiérarchiser le statut des infrastructures (hôpitaux, réseaux d’électricité, de transport) afin d’établir leur niveau de protection et de résilience. Cela suppose de faire des choix politiques et de les discuter à l’échelle territoriale, d’établir un partage des responsabilités et des efforts, notamment financiers. Un sujet encore largement ouvert.
Marie Dégremont, directrice des études
Prix du roman d’écologie – 14 mai 2024, au Mob Hotel à Saint-Ouen-sur-Seine
Au Mob Hotel à Saint-Ouen-sur-Seine s’est tenue la remise du prix du roman d’écologie le 14 mai.
Qu’est-ce qu’un roman d’écologie ? C’est la question que se sont posés nombres d’intervenants durant cette soirée, chacun s’accordant sur le fait qu’ils avaient du mal à définir cet objet littéraire peut-être pour le mieux. Lucie Rico et Vincent Villeminot, lauréats du prix en 2020 et 2021 pour respectivement Le chant du poulet sous vide (lauréat du titre le plus drôle, à mon humble avis) et Nous sommes l’étincelle, expliquent leur surprise quand ils ont appris leur nomination. Ni l’un, ni l’autre, ni Clara Arnaud, lauréate 2024 du prix, n’ont eu l’intention ou la sensation d’écrire un roman d’écologie. En revanche, ils se retrouvent sur l’idée que leur roman explore une manière d’habiter un lieu. Que des écrivains et écrivaines écrivent naturellement des romans dans lesquels des enjeux écologiques sous-tendent l’intrigue fera sans doute chaud au cœur de ceux qui désespèrent parfois de voir l’ensemble de la société se saisir du sujet existentiel de la crise climatique.
Et cette année ? C’est Et vous passerez comme des vents fous, de Clara Arnaud, chez Actes Sud qui a convaincu le jury. Un jury composé des membres de l’association du Prix du Roman d’écologie et d’étudiants de l’école du Paysage de Versailles, qui ont durant la soirée eu des échanges privilégiés avec chaque auteur et autrice retenu dans la sélection, autour d’un extrait choisi.
Pour retrouver l’ensemble des ouvrages sélectionnés depuis l’existence de ce prix, qui constitue un formidable fonds de ce que peut être le genre du roman d’écologie et en savoir plus sur la sélection 2024.
Marianne Laloy-Borgna, chargée d'études