Le débat présenté récemment dans Le Point (voir tribunes https://www.lepoint.fr/tiny/1-2576794 et https://www.lepoint.fr/tiny/1-2577338 ) révèle des divergences profondes sur les énergies renouvelables (EnR). Il me semble qu’une analyse nuancée s’impose :
S’agissant des critiques des opposants aux EnR :
- Décarbonation insuffisante : Les détracteurs rappellent que la France, avec ses centrales atomiques et ses barrages, bénéficie actuellement d'une production électrique décarbonée à 95%. Ils considèrent superflu et onéreux d'augmenter les EnR. Néanmoins, cet argument omet que la demande énergétique de demain comprendra davantage d'applications électriques, notamment les transports et le chauffage, impliquant une nécessaire expansion des sources d'énergie propres.
- Intermittence et sécurité d'approvisionnement : L'intermittence des énergies renouvelables suscite des craintes concernant la fiabilité du système électrique. Quoique fondée, cette préoccupation néglige les technologies novatrices, comme le stockage électrochimique, la filière H2 ou les smart grids, qui facilitent l'adaptation aux fluctuations de production.
- Coût élevé pour la société : Les opposants critiquent les aides financières et les tarifs garantis octroyés aux énergies vertes. Cependant, ils omettent de mentionner que les prix des équipements renouvelables, particulièrement photovoltaïques et éoliens, ont considérablement baissé récemment. D'après l'Agence Internationale de l’Energie (AIE), ces solutions énergétiques rivalisent désormais économiquement avec l'atome et les hydrocarbures dans plusieurs situations.
- Impacts sur les tarifs électriques : L'augmentation des dépenses de modernisation des réseaux et des tarifs est imputée aux EnR. Néanmoins, des éléments externes (volatilité des prix du gaz, tensions géopolitiques) exercent aussi une influence significative.
- Échanges commerciaux déséquilibrés : L'achat de matériel étranger pour les énergies vertes, particulièrement chinois, est critiqué. Bien que cela soit pertinent, il est nécessaire de mettre en place une stratégie industrielle plus robuste pour développer des filières européennes performantes.
Quant aux arguments en faveur des EnR :
- Complémentarité avec le nucléaire : Les défenseurs soulignent que les énergies vertes et l'atome suivent des calendriers distincts : les renouvelables sont installables promptement pour satisfaire les exigences actuelles, alors que les centrales atomiques modernes ne fonctionneront qu'au-delà de 2035.
- Diminution de l'usage des fossiles : Puisque 60 % de l'énergie utilisée en France dépend encore des hydrocarbures (rapport RTE "Futurs énergétiques 2050"), le passage à une production propre, combinant renouvelables et atome, s'avère crucial pour atteindre les engagements environnementaux et accroître l'indépendance énergétique nationale.
- Compétitivité accrue : Les énergies vertes ont contribué à atténuer les tensions énergétiques de 2022 par leur rentabilité, selon leurs partisans. La diminution des coûts du solaire et de l’éolien en font des atouts économiques pour le futur.
- Placements d'avenir : La transition énergétique exige une action concertée pour moderniser les infrastructures et orchestrer l'essor des différentes filières. Cette idée, généralement partagée, milite pour un plan d'action harmonieux comme la Planification Pluriannuelle de l’Energie (PPE).
Les objections des détracteurs reposent sur des inquiétudes valables (coûts, intermittence, autonomie productive), mais manquent parfois de finesse ou d'intégration des avancées récentes. Inversement, les partisans soulignent des perspectives à long terme, en accentuant la synergie des options énergétiques. Une voie pragmatique comprend :
• Un développement graduel et harmonieux des EnR et de l'atome, en optimisant leurs synergies ;
• Un plan industriel français et européen pour réduire la dépendance aux achats étrangers d'équipements EnR ;
• Un appui accru aux innovations, telles que le stockage d’énergie et les réseaux intelligents ;
• Une clarté renforcée sur les coûts et bénéfices des décisions énergétiques, pour assurer l'approbation populaire.
En synthèse, le futur énergétique français repose sur une approche à la fois réaliste et audacieuse alliant rentabilité, décarbonation et indépendance.
chef de projets construction senior chez Sonnedix
2 moisje rajouterai que nous n’avons plus de vision politique avec un vrai plan sur plusieurs années. Tout projet est sclérosé par les lenteurs et les inepties administratives qui paralysent ou gèlent toute avancée, vous obtenez une autorisation après de multiples dérogations et réexamens et là hop c’est une autre autorisation qui est échu et une nouvelle demande à initier c’est kafkaïen
Consultant en Gestion de Projet - Objectif zéro carbone
2 moisUne analyse très pertinente, à laquelle j'adhère totalement. Merci Vincent Rossin. Les filières de l'hydrogène vert et de l'éolien offshore (notamment le flottant) représentent de vraies opportunités de développement technologique pour la France, avec une forte création d'emploi à la clé. J'espère seulement que les pouvoirs publics feront un geste en faveur de l'allègement des procédures administratives françaises, qui sont encore un frein au développement de l'éolien offshore dans notre pays.