Évaluer l’innovation, qu’est-ce que cela veut dire ?
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Évaluer l’innovation, qu’est-ce que cela veut dire ?

Dans ce billet, je lançais l’idée d’une réflexion collective sur les indicateurs de l’innovation.

Afin d’alimenter la discussion et engager le débat, je propose de brosser un petit état des lieux sur les termes associés à la notion de valeur … car on dit que l’innovation crée de la valeur, mais pour qui ?

  • Et vous, dans votre contexte, quelles définitions associez-vous à la valeur produite par l’innovation ?
  • Que mesurez-vous ? des indicateurs économiques, comme le chiffre d’affaires ou la part de marché des nouveaux produits , des indicateurs non économiques ?

La valeur en innovation, qu’est-ce que c’est ?

La valuation

John Dewey, psychologue et philosophe américain a écrit « Theory of valuation », un texte relevant certes de la pédagogie mais extrêmement intéressant pour le domaine de l’innovation.

Sur la base de l’analyse de Prairat (Prairat 2014), on peut dire que « valuer, c’est aimer, se soucier de, s’occuper de, … C’est plus précisément priser une fin (prizing) et apprécier les moyens à mettre en œuvre pour atteindre cette fin (appraising) ».

Dans le contexte de l’innovation, c’est donc à la fois s’intéresser au résultat final obtenu et aux moyens qui ont été mis en œuvre pour y parvenir.

Prairat ajoute 3 notions :

  • Fin et moyen s’auto-entretiennent : « une fin peut toujours être révisée à la lumière des moyens ou devenir, à son tour, une fois atteinte, un moyen en vue d’une autre fin ». Cette notion coïncident avec l’effectuation, approche particulière de l’entrepreneuriat. Elle s’accorde également avec les données relatives au projet d’exploration et également au processus de conception innovante, telles que définies dans le premier article.
  • « Une valuation peut s’observer …la valeur qu’une personne attache à une fin donnée ne se mesure pas à ce qu’elle dit de sa préciosité, mais au soin qu’elle met à obtenir et à utiliser les moyens sans lesquels cette fin ne peut être atteinte ». On peut donc en déduire que les inputs nécessaires à toute innovation seront donc à particulièrement surveiller puisqu’ils en conditionneront le succès.
  • « Une valuation n’advient que dans une situation problématique, que lorsqu’il existe une difficulté à dépasser, un besoin à combler, un manque à surmonter ». C’est également ce qui déclenche une action d’innovation

La valeur de l’innovation

Pour Garel et Bertheau (Bertheau et Garel 2015), la valeur de l’innovation est assimilée à la valeur du nouveau produit qui sera l’output tangible du processus. C’est l’anticipation de la valeur d’échange (prix que le client est prêt à payer pour une innovation).

Même sens pour Porter, repris par Hooge (Hooge 2010) pour qui « la valeur est la somme que les clients sont prêts à payer ce qu’une firme leur offre. La valeur se mesure par les recettes totales qui reflètent le prix qu’une firme peut obtenir pour son produit et le nombre d’unités qu’elle peut vendre. »

La valeur en ingénierie

Hooge (Hooge 2010) introduit la notion d’analyse de la valeur, couramment utilisée en ingénierie. C’est une méthode de conception qui vise à concevoir un produit au meilleur coût en n’intégrant que les fonctions nécessaires à la satisfaction du client. Un point commun de ces dernières définitions, c’est l’existence et la connaissance du client comme « unique cible du référentiel de valeur ».

Pour Garel et Rosier (Garel et Rosier 2008), ceci est possible dans 2 cas d’innovation où le client est identifié : le renforcement des offres existantes et le renouvellement des offres.

Mais que se passe-t-il en exploration, « pour des utilisateurs non identifiés ex ante » ?

Comme décrit par Hooge (Hooge 2010), Kim et Mauborgne ont défini une stratégie de régénération des standards sous le nom de value innovation en 1997 puis blue ocean strategy en 2005. Plutôt que de se positionner sur un marché existant, avec des clients connus, il est préférable d’aller créer un autre marché, pour d’autres clients. « Instead of focusing on beating the competition in existing market space, you focus on getting out of existing market boundaries by creating a leap in value for buyers and your company which leaves the competition behind. ».

Valeurs d’usage, proposition et réseau de valeur

Pour Roehrich et Llerena (Chanal 2011), les 3 éléments qui constituent le cœur du système de marché :

  • les valeurs d’usage du côté de la demande
  • la proposition de valeur
  • le réseau de valeur du côté de l’offre

Par valeur d’usage, il faut entendre tous les bienfaits que l’acheteur espère tirer de l’usage du produit. Et également l’utilité, le plaisir, l’influence sociale, l’expression de soi

Il est évident que la valeur d’échange dépend de la valeur d’usage : plus la valeur d’usage est élevée, plus les sacrifices consentis le seront.

La valeur d’échange, c’est le prix à payer pour obtenir le produit.

La proposition de valeur, c’est l’offre qui est faite sur le marché, exprimant ce que l’entreprise pense être capable de faire pour ses clients mieux ou différemment de ses concurrents. La proposition de valeur aura une valeur d’usage positive si elle promet un niveau supérieur de satisfaction globale

Le réseau de valeur décrit l’agencement des différentes activités, qu’elles soient réalisées en interne ou par des tiers, dans le but d’amener une proposition de valeur au client visé.

Pour Allee (Chanal 2011), « un réseau de valeur est un réseau de relations qui génère de la valeur tangible et intangible via des échanges dynamiques entre 2 ou plusieurs individus, groupes ou organisations ».

La création d’un marché

Les 3 briques de base du marché doivent être mises en relation pour que le marché soit créé :

  • il faut d’abord établir une relation entre la proposition de valeur et les valeurs des clients
  • Il convient suite que l’entreprise tire le max de profits de son innovation.

Pour Roehrich et Llerena (Chanal 2011), « l’entreprise innovante doit donc se représenter une position dans le réseau, en décidant quelles activités elle va prendre en charge. Elle doit rechercher les zones de profit et décider quelle partie du réseau couvrir. »

Pour qu’un client paye quelque chose, il faut une organisation de production, de distribution, de service après-vente ou d’autres services complémentaires.

Autrement dit, on n’innove jamais seul : il faut que d’autres acteurs économiques soient prêts à s’embarquer dans l’aventure de l’innovateur.

Pour Silberzahn (Silberzahn 2014), « un marché – c’est-à-dire l’ensemble constitué par des acteurs, des règles formelles et tacites, un vocabulaire – n’existe pas quelque part, attendant d’être découvert au moyen d’une étude de marché ou d’un trait de génie ».

« Un marché existe s’il est créé par l’entrepreneur ». La démarche entrepreneuriale est donc une « démarche de conception dans laquelle sont créées des produits, des firmes et des marchés ».

La valeur triple de l’innovation

Hooge (Hooge 2010) a développé cette approche au sein de chez Renault … les enseignements sont cependant transférables dans d’autres secteurs d’activité. La valeur de l’innovation est de trois types :

  • économique, en lien avec la rentabilité de l’entreprise (contribution économique directe du produit, contribution économique indirecte (synergies avec d’autres projets, exploration de nouveaux concepts, lancement d’autres)
  • stratégique, en lien avec l’identité de l’entreprise (renforcement de renforcement de l’image de marque, dépôts de brevet, création de nouveaux partenariats avec des académiques ou des industriels)
  • d’adhésion des parties prenantes, en lien avec le développement des équipes (satisfaction des équipes, accroissement des compétences, développement d’une nouvelle expertise, collaborations internes, création et renforcement de réseaux professionnels)

A vous de partager votre point de vue !

  • Et vous, dans votre contexte, quelles définitions associez-vous à la valeur produite par l’innovation ?
  • Que mesurez-vous ? des indicateurs économiques, comme le chiffre d’affaires ou la part de marché des nouveaux produits , des indicateurs non économiques ?

Ce billet devrait également vous intéresser : De quelle innovation parle-t-on lorsqu’on veut la mesurer ?

Ce billet a été publié pour la 1ère fois sur le blog d’innovecteur

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