2016 : le début d’une odyssée culturelle contre le fanatisme religieux et politique.

L’année 2015 est derrière nous. Nous en retiendrons amèrement les échecs patents de la culture et de la diversité culturelle et plus généralement celui de l’humanité. Cette année 2015, c’est aussi l’échec de l’UNESCO et de l’ICAEP, et de toute la communauté internationale. Et si nous ne prenons pas conscience de notre responsabilité collective dans ce désastre planétaire, jamais nous ne saurons trouver les armes idéologiques et culturelles appropriées pour répondre au défi de la barbarie.

Les attentats commis à Paris que « ICAEP » a vécu de près et toutes les autres atrocités perpétrées dans le monde entier au nom de l’Etat Islamique dont l’Afrique trop souvent oubliée dans le décompte des victimes du terrorisme international (et pourtant ce continent est en train de payer un lourd tribut), ont jeté le discrédit sur ceux qui, comme nous, prônent l’universalité senghorienne – le métissage culturel et l’interculturalité, comme modèle de mondialisation culturelle.

Nous avons pris un coup de massue et le combat s’annonce rude face à la montée des nationalistes et des extrémistes religieux qui ont en commun la défense de la pureté culturelle et les discours démagogues si populaires en temps de crise économique et identitaire et auprès des personnes perdues et égarées. Cela devient un slogan à la mode : « vrai musulman », « vrai français », « vrai africain » … En France, le débat sur la déchéance de la nationalité française laisse entrevoir des lendemains difficiles pour le métissage culturel et notre concept d’Afro-européen.

Au lendemain des attentats du 13 novembre, « ICAEP » a manifesté une solidarité sans faille à l’égard du gouvernement français. Et nous tenons à la réitérer. Les services régaliens de l’Etat français ont le devoir de s’adapter à une nouvelle équation terrifiante : des jeunes ont montré qu’ils pouvaient se retourner contre leur propre pays de naissance ou d’accueil.

A toujours pesé sur le métisse une suspicion de trahison à la patrie. Le débat ancestral ne fait que resurgir mais cette fois-ci avec des réalisations concrètes et meurtrières qui renforcent les tenants du choc des civilisations. Or aucune civilisation au monde ne s’est construite et n’a perduré sans s’ouvrir à l’autre, avec pour moteur principal et réciprocité l’échange et l’influence. Et nous considérons que le métissage culturel est la seule voie possible pour une paix mondiale durable si vitale aux générations à venir.

En cette année 2016, l’UNESCO doit nous montrer la nouvelle voie qu’elle compte emprunter pour apporter sa pierre à l’édifice. Fini les grandes assemblées et les grands discours sans effets, nous réclamons plus d’actions et de visibilité. L’UNESCO doit occuper le terrain et être à l’origine d’un nouveau pacte international de vivre ensemble. L’UNESCO doit investir les quartiers difficiles, les écoles, elle doit prendre toute sa place dans la résistance de nos sociétés démocratiques contemporaines et dans leur renouveau. Nous ferons de notre mieux pour qu’il en soit ainsi même si la tâche est ardue car l’UNESCO a besoin de réformes institutionnelles profondes pour rendre son fonctionnement plus souple et efficace. Si l’actuelle Directrice générale de l’UNESCO, Madame Irina Bokova, force le respect dans sa détermination à lutter contre toutes formes d’extrémisme (elle était là au Mali, à Tombouctou, pour défendre l’héritage et le patrimoine musulman africain et nous la saluons pour son courage), il convient en ces temps dures de faire plus et de mobiliser toutes les Délégations en vue de faire franchir une nouvelle étape à l’UNESCO. Oui, nous croyons que l’UNESCO peut et doit devenir le prochain phare d’Alexandrie de l’humanité, celui capable d’éclairer la conscience des peuples. C’est bien de points de repère dont les jeunes ont plus que jamais besoin. L’UNESCO, après les attentats de Paris, ne peut plus être la même UNESCO qu’auparavant. Cette agence onusienne a été créée après la seconde guerre mondiale avec des considérations et contraintes liées à cette époque. Le monde a changé et l’UNESCO doit représenter un espoir pour les nouvelles générations d’où qu’elles viennent. C’est aujourd’hui et pas dans deux ans lors de l’élection d’un nouveau Directeur général que cette grande réflexion sur le rôle et la place de l’UNESCO doit s’engager. Nous allons peser sur le débat avec des propositions concrètes dont le rôle renforcé des ONG partenaires officiels de l’UNESCO. C’est la société civile dans toutes ses composantes qui a été touchée par les attentats en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Il est donc légitime que les ONG aient aussi le pouvoir de voter pour le prochain Directeur général ou encore de participer au Conseil exécutif en tant que partie à part entière avec droit de vote. Certes, ce serait une révolution dans le monde onusien. Mais nous nous répétons, rien ne peut plus être comme avant. La culture appartient aux Etats à travers leur politique publique mais elle est aussi l’affaire de tous les citoyens.

ICAEP entend relancer un projet sur les Afro-européens que nous avons laissé dormir dans nos tiroirs faute de volonté. La culture est une arme contre le fanatisme et sur le long terme c’est sans doute la plus efficace que nous ayons à faire valoir. Elle-seule peut nous assurer la victoire face à l’obscurantisme qui propose pour seul paradigme le néant culturel. Le gouvernement italien, par la voie de son président du Conseil, Monsieur Matteo Renzi, avait compris avant les autres l’importance de la culture face aux terroristes de Daech. En effet, il a été proposé, juste quelques jours après les attentats de Paris, le 24 novembre, le versement d’une somme à tous les jeunes italiens de 18 ans en forme de carte culture. L’accès à la culture, c’est précisément ce que « ICAEP » défend à travers son projet des livrets pédagogiques autour des Afro-européens. Le métissage culturel n’est pas chose aisée. On peut vite s’y perdre. Il convient d’accompagner certains publics plus fragiles que d’autres, soit par leur jeune âge, soit par leurs origines parfois discriminées. « ICAEP » avait été étonné que des jeunes issus de l’immigration, pour la plupart nés en France, ne s’intéressaient peu ou prou à l’histoire, matière vivante par excellence. La Révolution française est ainsi boudée par ces jeunes selon une étude. Alors que des Afro-européens ont participé à la réussite de cette révolution, alors que, plus généralement, la présence d’Africains en Europe depuis des millénaires a permis de faire rayonner la culture européenne. Notre livret pédagogique a pour ambition de leur faire connaître cette histoire afin que ces jeunes puissent s’identifier à l’histoire européenne qui est la leur et que, in fine, d’aucuns puissent mieux s’enraciner en Europe.

D’autres projets sont en cours et plus en relation avec le panafricanisme qui nous est si cher et avec le développement de l’Afrique. Mais, en ce début d’année, nous ne pouvions pas laisser sous silence ce qui s’était passé seulement il y a quelques mois ici à Paris et que nous avons vécu comme un véritable séisme humain et culturel.

Nous vous souhaitons à tous une heureuse année ainsi qu’à votre famille. Espérons que la paix soit plus présente en 2016. Et nous vous remercions vivement de nous suivre et de nous encourager. Une pensée toute particulière à l’Afrique.

Direction « ICAEP »

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