#3 : Comment je veux me sentir une fois la décision prise ? L’émotion dans la prise de décision
Proposition :
« Je n’arrive pas à décider, à faire un choix. »
Lorsqu’on se coupe de ses émotions et sentiments, faire un choix devient une tâche pénible. La conception historique unitaire de notre organisme, qui sépare raison et émotion, esprit et corps, explique en partie cette tendance. Une conception qui place de surcroît l’émotion à un rang inférieur au raisonnement logique.
En faisant appel aux émotions, aux sentiments et aux sensations, en même temps qu’à la raison, on libère ses capacités de décider.
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Illustration :
Amélie a une formation d’ingénieur informatique et travaille en tant que chef de projet. Elle est frustrée de ne pas pouvoir dédier du temps à pratiquer sa passion, la musique. Elle a changé de travail plusieurs fois, sans réussir à trouver un équilibre satisfaisant. C’est par rapport à cette problématique qu’elle demande un accompagnement.
Extrait de coaching :
- Je ne sais pas quel style de travail pourrait être réconcilié avec ma passion. Est-ce que je dois changer carrément de carrière pour me rapprocher d’un métier artistique ? Ou peut-être m’organiser différemment dans mon emploi actuel, en travaillant en temps partiel par exemple, pour libérer du temps pour la musique ? Voire considérer mon emploi comme étant un travail alimentaire et prendre de la distance ? Je n’arrive pas à me décider...
- Comment tu te sens aujourd’hui par rapport à cette situation ?
- Frustrée. Frustrée, parce que je passe 10h par jour à faire des activités qui ne m’intéressent pas. Je fais bien mon boulot mais j’ai le sentiment de ne rien accomplir.
- Et comment tu le sens dans ton corps ?
- Je me sens vraiment fatiguée…
- Je te propose d’imaginer la situation idéale pour toi. Comment tu te sentirais idéalement par rapport au travail ?
- Equilibrée, et en même temps satisfaite du travail que je fais. Mais je me demande si c’est vraiment réalisable. En fait, si je prends de la distance, je crains qu’on me confie moins de responsabilités. Je n’évoluerais plus. Si je veux progresser dans mon travail, je dois investir du temps et de l’énergie, et ce serait aux dépens de la pratique musicale.
- Restons dans le cadre idéal. Tu as parlé d’équilibre, et de satisfaction de ton travail. Qu’est-ce que tu ressentirais d’autre idéalement ?
- J’ai envie de rentrer le soir sans me sentir épuisée. Avoir de l’énergie…
- D’accord. Et quoi d’autre ?
- De l’épanouissement. Je veux me sentir inspirée de faire des choses qui m’intéressent. J’ai envie de voir des pistes qui s’ouvrent plutôt que de me sentir emprisonnée. Je me sentirais soulagée.
- Et dans cet état, comment tu te vois travailler au quotidien ?
- Je me vois travailler avec des collègues bienveillants, avoir des échanges intéressants. Je me vois faire une activité qui m’inspire… Tout en ayant le temps de faire autre chose à côté. Il y a encore cette idée du métier d’accompagnement d’artistes qui me revient. Je l’avais évoquée quand nous avions parlé des métiers qui m’intéressent. J’y reviens toujours…
- Comment tu reformulerais maintenant ton objectif ?
- Au final, ce serait de trouver un travail qui m’intéresse et qui soit plus en phase avec mes convictions. Je serai frustrée si je considère mon travail comme uniquement alimentaire, vu le temps que j’y passe. C'est aussi important pour moi de trouver un équilibre qui me permet de continuer à faire de la musique. Je pense qu’il y a moyen d’allier les deux. Je me rends compte que je serai frustrée si l’un de ces deux côtés n’est pas là.
- Par rapport à cette finalité, quelle serait ta priorité aujourd’hui ?
- Me libérer du temps. Il faudrait vraiment que je me libère du temps, que je prenne du recul. Il faudrait que ma charge de travail soit plus raisonnable. Car ça m’empêche de faire de la musique, et ça m’empêche même d’avoir les moyens de trouver un autre travail. Mais… je me sens gênée de demander de baisser ma charge de travail, alors que le projet passe par une période délicate…
- …
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Questionnement à expérimenter par écrit :
J’identifie une situation où je n’arrive pas à prendre une décision.
1- J’écris la situation en une phrase et j’écris les options parmi lesquelles j’hésite.
2- Comment je me sens par rapport à la situation actuelle ? (Je réponds par écrit et je développe)
3- Comment je voudrais me sentir idéalement, une fois le choix fait ? Je développe les sentiments, les émotions, les sensations…
4- Je me projette dans l’état où le choix est déjà fait. Je ressens maintenant ces sentiments que je viens de décrire, et je les perçois dans mon corps.
5- Comment je me vois agir à partir de cet état ?
6- Qu’est-ce que j’en déduis par rapport à mon envie profonde ?
7- Afin de ma rapprocher de cette envie profonde, quelle est aujourd’hui ma priorité ?
Dans l’exemple ci-dessus, Amélie se plaint de ne pas trouver un équilibre entre son travail et son projet personnel. Elle hésite entre plusieurs options : 1- S’organiser différemment dans son travail actuel, 2- changer d’orientation professionnelle pour se rapprocher de ce qui l’intéresse, 3- Trouver un travail alimentaire qui prend moins de temps et d’énergie pour s’investir dans sa passion…
Raisonnablement, toutes ces options lui semblent valables et elle n’arrive pas à décider. Cependant, quand elle développe ses sentiments et son état physique actuels, ainsi que son état d’esprit idéal, la problématique change.
Aujourd’hui, elle se sent frustrée et emprisonnée. Dans son corps, elle ressent de la fatigue. Idéalement, elle voudrait se sentir inspirée, épanouie, entourée de collègues intéressants, avoir de l’énergie.
Elle se rend compte qu’exercer un travail sans s’y intéresser ne convient pas à ses convictions. La piste de l’emploi alimentaire est écartée. Intuitivement, c’est l’idée d’un métier en particulier, qu’elle avait évoqué auparavant, qui lui revient. Elle la retient comme étant une envie profonde à explorer. En vue de cette finalité, son objectif prioritaire devient de libérer du temps dans son emploi actuel. Cet objectif ne sert plus uniquement à lui permettre de pratiquer sa passion, mais aussi à pouvoir prendre du recul pour rendre possible son évolution. C’est désormais cet objectif-là - avoir une charge de travail raisonnable afin de libérer du temps et prendre du recul - qu'elle décide de travailler en premier.
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Inspirations :
* « Au cours des années récentes, les neurosciences comme les sciences cognitives ont fini par admettre l’émotion. Une nouvelle génération de savants fait désormais de l’émotion son sujet de prédilection. En outre, l’opposition présumée entre émotion et raison n’est pas acceptée sans mot dire. C’est ainsi que certains travaux de mon laboratoire ont montré que l’émotion fait partie intégrante des procédures de raisonnement et de prise de décision, pour le meilleur et pour le pire. (…) Ces résultats et leur interprétation ont remis en cause l’idée selon laquelle il faudrait voir en l’émotion un luxe ou une nuisance ou un simple vestige de l’évolution, et la rejeter comme telle. »
Antonio Damasio, 1999, Le sentiment même de soi – Corps, émotions, conscience. Editions Odile Jacob, p 48
* « et finalement je n’ai voulu que vous conseiller de croître silencieusement et sérieusement à mesure de votre développement ; vous ne saurez le troubler plus brutalement qu’en regardant vers le dehors, qu’en attendant du dehors une réponse à des questions pour lesquelles seul votre plus intime sentiment, à votre heure la plus silencieuse, a peut-être une réponse. »
Rainer Maria Rilke, 1989, Lettres à un jeune poète, Editions Librairie Générale Française, p42
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