[3/3] Regard d’élu sur la crise du Covid-19 : perspectives de sortie de crise et premier bilan
Quelques semaines après le 3ème confinement lié à la crise de la Covid-19, j’ai interviewé le Maire de La Chapelle-sur-Erdre et Vice-Président de Nantes Métropole, Fabrice Roussel, sur la pandémie et sa gestion. Entretien en trois temps.
Le 3ème confinement est derrière nous depuis quelques semaines. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce qu’on annonce comme la sortie de crise ?
Je reste sur ma position qui est de dire que l’activité doit repartir, même s’il subsiste des protocoles. Nous avons anticipé la réouverture des terrasses, en se basant sur ce que nous avions mis en place il y a quelques mois. Les activités associatives ont repris, y compris en intérieur.
Il faut que la vie reprenne ; encore une fois, je sens beaucoup de lassitude, beaucoup d'exaspération. Les gens ont envie de passer à autre chose.
Avec votre équipe, avez-vous pris des mesures spécifiques au sein de votre commune pour accompagner le déconfinement et la sortie de crise ? J’ai notamment pris connaissance de votre souhait d’exonérer les restaurateurs de la redevance d’occupation du domaine public.
Oui, nous allons soumettre cette proposition d'exonération pour toute l’année au vote du conseil municipal.
Pour le secteur culturel, c’est important à souligner, nous avons mis en place un dispositif qui fait que, si nous n’arrivons pas à reporter un spectacle, nous nous engageons à verser 50% du cachet à l’artiste ou à la compagnie.
Également, nous soutenons fortement la vie associative en maintenant le versement de nos subventions. Cela me paraissait indispensable, car les associations n’ont pas pu organiser comme habituellement des événements qui leur permettent de faire rentrer des recettes. Je pense aux associations sportives, aux clubs notamment.
En tant qu’élu, qu’est-ce qui vous a le plus manqué ? Qu’êtes-vous heureux de retrouver ? Et en tant qu’homme, citoyen ?
En tant qu’élu, la relation avec les habitants. En l’absence de spectacles, de compétitions sportives, d’assemblées générales, … le seul moment de rencontre restait le marché. Ces temps d’échange avec les administrés, quand on est Maire d’une commune de 20 000 habitants, sont indispensables. J’y apprends beaucoup sur la perception que les Chapelains ont de l’action municipale.
En tant qu’homme, et c’est complémentaire, c’est la vie collective. Je suis un animal social, je passe normalement ma vie à voir des gens et ça m’a manqué.
En tant que Maire, qu’élu, puisque vous êtes également 1er Vice-Président de Nantes métropole, quels premiers enseignements tirez-vous de cette crise ?
L’importance du service public local de proximité qui permet d’être réactif, d’agir vite. Que serait par exemple les centres de vaccination s’il n’y avait pas les collectivités territoriales ?
Après, finalement, je pense que même si la crise a contraint à se recentrer sur soi, à nous placer dans des comportements individuels, notamment du fait de l’absence de collectif professionnel ou associatif, nous allons en ressortir avec une vraie envie de retrouver le collectif, de jouer la solidarité.
Il va falloir également à mon sens, continuer à accompagner la reprise de la vie économique et de la vie culturelle. Cela va permettre de continuer à renforcer des liens qui se sont accrus en cette période de crise avec les acteurs du territoire dans ces domaines ; il va forcément rester du positif de la façon dont nous avons travaillé ensemble.
La gestion de la crise sanitaire a-t-elle fait évoluer votre perception, la vision que vous pouviez avoir de votre rôle, de votre fonction ?
Je dis toujours que quand on est Maire, on est à la fois le premier contact et le dernier recours. Cela existait avant la pandémie, mais je crois que la crise sanitaire a renforcé cela.
Avant les élections, à l’occasion d’un déjeuner, je me souviens avoir dit à François Hollande, venu dédicacer son livre et qui me demandait comment je sentais le scrutin, que pour les élus sortants, s’ils avaient bien fait leur boulot, cela devrait bien se passer. En tant que Maire, on était plaint mais je n’ai jamais été autant plaint que depuis le début de la crise sanitaire.
A la réouverture des terrasses, tous les Chapelains que j’ai croisé m’ont demandé comment j’allais, si ce n’était pas trop dur pour moi. Je pense que la crise a renforcé la notion de proximité, de capacité d’agir du Maire et la perception qu’en ont les administrés. Au final et paradoxalement, alors que toutes les décisions ont été descendantes et que c’est l’Etat qui devrait sortir grandi de cette pandémie, c’est l’échelon local qui en sort gagnant.
Dans la gestion de cette crise, qu’est-ce qui a été plus difficile que vous ne l'imaginiez ?
L’incertitude. A chaque prise de décision, se dire que deux jours après, un nouveau protocole, une nouvelle consigne est susceptible de la mettre à mal.
C’est cette façon de travailler qui a été la plus difficile à gérer car derrière nous, il y a des équipes à mobiliser, de l’activité à organiser.
J’ajouterai aussi, pas l’impréparation, mais l’urgence et l’immédiateté des décisions d’Etat que nous avons dû subir. Pas sur tout, mais sur certains dossiers, il aurait été bien que nous soyons concertés. Pour la réouverture du marché, il n’y a eu aucun échange avec les maires du territoire et l’arrêté préfectoral a été un copier-coller de ce qui a été fait en Ille-et-Vilaine.
Si, à sa décharge, le Préfet avait une capacité d’action réduite et ne souhaitait sûrement pas prendre le risque de faire jurisprudence avec certaines décisions, les marges de manœuvre que nous avions au local n’ont pas, selon moi, été suffisamment exploitées.
Que peut-on vous souhaiter pour les mois à venir et la suite de votre mandat ?
Même si effectivement on entrevoit une perspective de sortie de crise, nous sommes encore face à l’inconnu pour l’avenir. Alors que s’annonce une facture Covid conséquente, notamment du fait du protocole sanitaire dans les écoles et sans la contrepartie d’une aide au fonctionnement de la part de l’Etat, nous ne savons pas ce qu’il en sera à la rentrée. Nous avons un grand besoin de clarification.
Cependant, même si nous sommes encore dans un moment où la crise est encore très chronophage - l’équipe de direction, certaines semaines, a vu 80% de son temps mobilisé par la crise - il nous faut, tant à la ville qu’à la métropole, engager la mise en œuvre de la feuille de route des mandats et la planification des investissements.
Parallèlement à la gestion de la crise, nous avons continué à travailler certains dossiers. A l’occasion d’un renouvellement de marché public par exemple, nous avons à La Chapelle, engagé l’augmentation de la part du bio et du local dans la restauration scolaire. Il nous faut maintenant passer pleinement et plus largement à l’action.
Est-ce que la crise et la facture “covid” conséquente qui s’annonce, vous amènent à revoir votre projet de mandat, à abandonner certaines actions ?
Cela arrivera peut-être, mais je ne suis pas dans une optique d’abandonner certaines de nos idées. Ce n’est pas mon état d’esprit.
Nous essayons plutôt de retravailler le rythme de mise en œuvre de notre programme, en replanifiant certains projets comme l’école municipale du sport pour les retraités que nous envisagions pour la rentrée 2021, mais il y a de toute façon des impondérables, par exemple au niveau des bâtiments scolaires, que nous honorerons comme prévu.
En conclusion de cet entretien, avez-vous un message à adresser aux territoriaux qui ont - aux côtés des élus et d’autres fonctionnaires - largement contribué à la gestion de la crise et à la continuité du service public ?
Je pense qu’ils peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait. On est parfois critiqué pour le temps long de l’Administration, de l’action publique. Là, ils ont démontré que l’on pouvait être réactif. Je pense qu’il faut garder cet état d’esprit là et voir aussi, comment pérenniser certains fonctionnements, en termes de prise de décision élu - service par exemple.
Un grand merci à Fabrice Roussel pour cet entretien, le temps qu'il m'a accordé et la confiance qu'il m'a témoignée en me laissant carte blanche pour restituer notre échange.
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