Agnès Pannier-Runacher, les mentors et camarades d'une secrétaire d'Etat en "déport" à Bercy
Siégeant dans de nombreux conseils d'administrations jusqu'à sa nomination comme secrétaire d'Etat à l'économie, Agnès Pannier-Runacher vient de voir son périmètre d'intervention limité afin d'éviter tout conflit d'intérêts. Une précaution qui réduit drastiquement ses marges d'action.
Figure du cercle des hauts fonctionnaires qui a soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle, Agnès Pannier-Runacher a quitté son poste de numéro 2 de la Compagnie des Alpes pour rejoindre Bercy en septembre 2018. Chargée de la "reconquête industrielle" auprès de Bruno Le Maire, cette quadra surdiplômée - Sciences Po, HEC, ENA - devrait prochainement déclarer des revenus tournant autour 500 000 euros annuels à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour l'année 2017. Sa participation passée à de nombreux conseils d'administration, son profil public-privé et sa proximité directe avec Emmanuel Macron et sa garde rapprochée lui valent de solides réseaux pour peser à Bercy. Mais son parcours et son carnet d'adresses hybride, entre haute administration et CAC 40, la soumettent à des impératifs de prévention des conflits d'intérêts qui bordent drastiquement son champ au ministère de l'économie. La secrétaire d'Etat voit ainsi sa fiche de poste amputée de nombreux dossiers sensibles dans les secteurs de l'énergie, du transport maritime ou des autoroutes.
De l'inspection des finances au CAC 40
Issue de l'Inspection générale des finances (IGF) comme Emmanuel Macron qu'elle côtoie depuis 2008, cette forte en thème a fait ses classes dans le public. En 2003, elle déserte Bercy et rejoint l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) : directrice de cabinet de Rose-Marie Van Lerberghe, ancienne de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de Danone, elle est en charge du pilotage financier et met en place la tarification à l'activité. Trois ans plus tard, elle cornaque le département "Participations et développement" de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et officie sous la houlette de l'un de ses mentors, Dominique Marcel, ex-inspecteur général des finances et ancien directeur adjoint de cabinet de Lionel Jospin à Matignon. Inspiratrice avec d'autres du Fonds souverain d'investissement (FSI) sous Nicolas Sarkozy, elle l'intègre au titre de directrice stratégique en 2011 et œuvre au côté du polytechnicien Jean-Yves Gilet, ex d'Arcelor qui pilote aujourd'hui sa propre boîte de conseil. A l'issue de cette expérience, elle bifurque vers le privé et rallie Faurecia : bombardée directrice de la division clients du géant de l'équipement automobile, elle collabore avec Yann Delabrière, DG de l'époque aujourd'hui président du directoire d'Idemia, leader de l'identité augmentée, et Patrick Koller, qui lui a succédé. Très convoitée, elle est rappelée par Dominique Marcel : devenu PDG de la Compagnie des Alpes, il la propulse en 2013 directrice générale déléguée du numéro un mondial de l'exploitation des domaines skiables. Une carrière menée tout schuss et tous azimuts.
Outre ses fonctions salariées, cette ambitieuse collectionne alors strapontins et jetons de présence dans les CA d'entreprises cotées ou non : administratrice d'Eiffarie, consortium autoroutier composé d'Eiffage et du groupe Macquarie, de la Compagnie du Mont-Blanc, d'Adelac, société d'autoroute filiale de Bouygues et d'Aréa mais aussi membre des conseils de surveillance d'Elis, mammouth international de l'hygiène et du Futuroscope. Elle est également présidente du comité d'audit du groupe parapétrolier BourbonOffshore aujourd'hui cerné par ses créanciers et objet d'une enquête de l'Agence nationale anticorruption (lire l'article de notre lettre sœur Africa Energy Intelligence du 24/04/18). Quoique démissionnaire de cette pléthore de mandats, Agnès Pannier-Runacher, également titulaire d'un rond de serviette au sein du CA de l'AFP, est depuis un décret du 7 janvier déchargée des dossiers relatifs à la plupart des entreprises précitées. Chez Bourbon, elle avait été cooptée par la femme d'affaires Dominique Senequier, présidente de la société de capital investissement Ardian.
La famille de l'ENA
Au sein de la promotion Averroès (1998-2000) à l'ENA, elle a voisiné avec les ex-ministres Fleur Pellerin et Audrey Azoulay, a créé des liens avec le sénateur de la majorité Julien Bargeton mais s'est surtout rapprochée d'Alexis Kohler, secrétaire général de l'Elysée. Au-delà d'Emmanuel Macron, diplômé de la promo Senghor en 2004, Rose-Marie Van Lerberghe, Dominique Marcel et Yann Delabrièrequi, tous, ont jalonné son parcours, sont issus de ce sérail. Père de ses trois enfants, Marc Pannier, a lui aussi décroché son parchemin à Strasbourg : ancien de Suez, il émarge aujourd'hui comme administrateur d'Engie Global Markets, entreprise sur laquelle son épouse n'a, par décret, plus droit de regard.
Le cercle des marcheurs
Macroniste de la première heure, elle fut référente du mouvement dans le 16e arrondissement de Paris, où elle réside. En amont des législatives, elle s'implique au sein de la commission nationale d'investiture et noue des relations durables avec Marlène Schiappa, Cédric O - conseiller "participations et économie numérique" commun à l'Elysée et à Matignon - ou encore avec Catherine Barbaroux, membre du bureau exécutif du mouvement depuis 2017. Ses affinités avec Jean-Paul Delevoye, ex-président de la commission d'investiture et actuel haut-commissaire à la réforme des retraites, ainsi qu'avec le macroniste Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS désormais en charge des investitures du parti pour les européennes, ne se sont pas érodées.