Amaurose*
La loupe médiatique a quitté la guerre russo-ukrainienne. Plus assez croustillant, constatait Jonathan. La focale se pointe maintenant sur la si savoureuse guerre israélo-Hamas. Ressourçant la capacité inépuisable d’expression des opinions, préjugements, actions et réactions aussi extrémistes que contradictoires. En attendant de prévisibles, prometteuses et inévitables nouvelles occasions. Affrontement Chine/Taïwan, explosion trumpiste, Irangate…..
Il lui semblait cependant que l’errance de ce projecteur sur l’actualité clinquante du monde éblouissait plus qu’il n’éclairait. Cette fugacité ne permettait pas d’apercevoir et de tenter de comprendre des traces de fond d’évolutions sociétales.
Il proposa un arrêt sur image. L’objet sous nos yeux étant la guerre de Gaza et la situation israélo-palestinienne. Deux ‘’héros’’ s’auto-désignèrent pour caractériser et défendre deux positions opposées. Rendez-vous fut pris pour une joute amicale sans merci. Plage isolée, sable fin et chaud, soleil de printemps, le cadre propice se prêtât au jeu en ce samedi matin.
Psychologiquement, il valait mieux entrer d’abord dans le dur. Donc, parole au pugnace, volubile, costaud, rouquin, quadragénaire orthophoniste de la troupe. Il était désolé de le leur dire, mais la vérité est qu’Israël est atteint de cécité. Cécité devant un phénomène fondamental de la vie juive. La mise en péril, dans ce siècle, de la pérennité de l’Etat d’Israël. Défini pourtant comme l’Etat refuge, imprescriptible, du peuple juif. De nombreuses, grandes, bonnes, vitales raisons peuvent être données pour expliquer, justifier la situation actuelle. Evidemment, en toute première, l’inhumanité, l’an-humanité du 7 octobre. Matérialisant tragiquement la menace d’éradication des juifs de la terre d’Israël. Provoquant inévitablement la réaction de tentative d’anéantissement militaire et politique du Hamas. Et l’envahissement de la bande de Gaza. Mais exacerbant, tout aussi inévitablement, dans un territoire aussi densément peuplé, le risque de ‘’dommages collatéraux’’ que toute guerre génère sans férir. L’accusation de génocide relève de la pure perversité politicienne. Accuser de crimes de guerre est aussi grotesque que de parler de laver plus blanc que blanc. La guerre est un crime en elle-même. C’est accuser de crimes de crime. Effectivement. Mais, quoi qu’on argumente, sur la responsabilité de toutes formes du Hamas, quoi qu’on fasse, la réalité impitoyable s’impose. La mort de milliers d’enfants, d’une population civile, l’errance sans fin de cette population, la destruction, le désastre sanitaire et social, deviennent dans le monde inexorablement attachés à Israël. Injustement mais inexorablement. Comme une tache qui ternit et ternira l’image d’Israël. Et par voie de conséquence, des juifs. Tache encore plus assombrie par la liberté laissée aux colons israéliens religieux extrémistes dans l’amplification des exactions commises contre des villageois palestiniens de Cisjordanie.
Tout à leur engagement, au combat héroïque, à la sidération du massacre du 7 octobre, à la lutte désespérée et pourtant d’espoir pour la libération des otages, à la réponse aux attaques et à la menace du Hezbollah iranien, au support apporté aux réfugiés des frontières, Israël l’ignore encore : l’avenir est entaché et incertain.
Un silence lourd, peut-être hostile, suivit cet exposé, comme le silence suit le tonnerre de l’avalanche.
L’avocate, longs cheveux noirs balancés par un brise naissante, posée, didactique, s’attela à la relance de dynamique dans le groupe. La piqure de réalisme de son prédécesseur avait valeur d’avertissement, de réveil. A cette cécité décrite, volontaire ou non, répondait, et même s’opposait dit-elle, un autre aveuglement. Celui du monde. Oui, rien que ça ! A commencer par un des plus constants. L’aveuglement par la haine. La haine irraisonnée, multiforme, atavique, du juif. Latente, elle n’attend qu’une occasion pour se réveiller, parfois sournoise, parfois affichée. La mécanique s’est rapidement mise en œuvre, quelques jours seulement après l’horreur du 7 octobre. La guerre imposée à Israël a été un trop beau prétexte pour ne pas le rater. Antisémitisme ordinaire, d’extrême gauche, d’extrême droite, nouvel antisémitisme, cache-sexe du sionisme, fascisme pur jus, politicaillerie, clientélisme, l’halali mondialisé se lâche. Aveuglement stéréotypé, oublieux de la réalité. Celle du bombardement depuis plus de vingt ans du sud israélien depuis Gaza, sous seule férule du Hamas. Celle de la première prise d’otages, celle de la population de Gaza par le mouvement terroriste, élu pour la gouverner librement. Hamas, qui détourne les énormes contributions financières reçues de diverses sources à son seul profit, construit une ville souterraine à visée guerrière, arme tous les lieux publiques, hôpitaux, écoles, moleste et prend en boucliers humains la population civile, transforme les enfants en apprentis soldats. Qui se sert des otages civile pris le 7 octobre comme macabre protection et monnaie d’échange. Aveuglement qui oublie le déplacement forcé de plus de 200 000 habitants israéliens hors des zones frontalières du sud et du nord du pays.
Recommandé par LinkedIn
La communauté internationale n’est pas en reste du phénomène. L’ONU et tous ses organismes rattachés, explicite sa veine antisioniste au mieux, antisémite au pire, en polarisant ses interventions en quasi exclusivité sur et contre Israël. Son président portant haut le drapeau de la condamnation systématique. Une communauté qui donne à l’expression du ‘’peuple élu’’ sa propre interprétation. Fermant ses yeux sur les nombreuses autres misères du monde, désastres humanitaires en Syrie, Afghanistan, Soudan, Yémen, Chine, Indonésie…, de dimensions infiniment plus gigantesques pour se focaliser sur ce coin de terre d’une quinzaine de millions d’habitants.
Aveuglement devenant cécité mortelle quand il annihile la prise de conscience du risque majeur. Le risque d’une religion, l’Islam, devenant islamisme. C’est-à-dire mutant en force de pénétration lente et générale de la civilisation occidentale entière. Ou en force agressive, violente. terroriste, telle que son épicentre, l’Iran des Mollahs, la nourrit, l’entretient via tous ses satellites. Une cécité qui empêche la communauté des nations de comprendre la lutte qui se livre Israël à Gaza. Celle, recommencée, de David contre Goliath. Derrière le Hamas et les jihadistes, derrière le Hezbollah, se dressent les grandes ombres de l’Iran, de la confrérie des Frères Musulmans, de l’islamisme entier mobilisé.
‘’Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir’’, conclut-elle. Sobrement, à sa manière.
Se frottant le menton, Jonathan se souvint de Dostoïevski. ‘’Que vaut-il mieux pour nous ? Qu’on sache la vérité sur nous ou qu’on dise de nous des bêtises ?’’. En même temps qu’il entendit le bedonnant expert-comptable secouer la torpeur pensive du groupe. ‘’Hors des maths et des chiffres, la vérité n’existe pas telle quelle. Elle est seulement dans le débat.’’. Aussitôt suivi d’un ‘’A chacun sa vérité’’ provenant de sa voisine de droite. Il vit ainsi la discussion s’ouvrir, fleurir, se développer, sans relâche, jusqu’à la fin de la matinée. Se félicitant mentalement, au final, de l’élargissement d’une vision à toutes les visions. Dans la passion, mais dans l’honnêteté.
(Amaurose,* ‘’perte totale de la vue, sans lésion décelable de l’œil, ni troubles fonctionnels’’)
Awarded Ph.D. Hanita Eshtai: Christopher Lasch: From Radicalism to the Revival of Neo-Conservatism in America 1960-1990
8 moisBravo