Amirouche: même mort, ses actes le défendent pour la postérité
Même fermement convaincu que mon chef, le Colonel Amirouche, fut et demeure assez grand pour défendre tout seul sa place dans l'Histoire, dans la mesure où “l'homme est un processus et, précisément, c'est le processus de ses actes,”j'interviens une fois de plus.
Je le fais, non pas pour soustraire au regard inquisiteur quelque turpitude passée ou présente de notre Histoire ou de l'un de ses acteurs, mais pour brosser un portrait de ceux qui continuent à séquestrer, à défaut du corps, l'âme d'un héros national. Pour étayer leurs accusations, ces derniers s'appuient sur des documents ou des témoignages et ils sont maîtres des choix : ils peuvent exposer certains faits et en laisser d'autres dans l'ombre. Par exemple, l'armée française et les médias français ont qualifié le colonel Amirouche de “sanguinaire” et lui ont rendu hommage quand il “se défendit longtemps au bas d'une falaise et fut tué à la grenade” (AFP 31-3-1959) ou lorsque le “gouvernement [français] étudie la situation créée par la mort d'Amirouche” (l'Aurore 26-09-1959). Pourquoi les détracteurs d’Amirouche ne reprennent-ils pas cette dépêche de l'AFP qui ajouta : “Pour lui, il reste à tuer la légende dont il etait entouré”, appel entendu par Mohammed Boukharrouba, alias Boumediene, qui ordonna sous peine de mort à deux jeunes officiers de l'ANP, Chérif Mahdi et Abdelhamid Djouadi de garder le secret sur le lieu ou étaient ensevelis les restes des colonels Ahmed Ben Abderazak et Amirouche. Pourquoi choisir les termes infamants de l'ennemi plutôt que les hommages innombrables du même ennemi ou ceux de maquisards et de non-maquisards, de berbérophones comme d'arabophones, rendus à Amirouche ? Pourquoi avancer le chiffre incroyable qui démontre une ignorance totale des statistiques de la guerre, de 2.000 tués durant la “bleuite” au lieu de celui de 400 avancé par l'ennemi (l’Echo d'Alger 23-9-1958) et recoupé auprès des maquisards présents sur les lieux ? Cette comptabilité macabre, du reste, n'a d'intérêt que pour ceux qui font une distinction entre les Algériens tués par l'aviation, l'artillerie, au cours de "corvées de bois" (exécutions sommaires) et ceux qui périrent victimes de spécialistes chevronnés de la guerre subversive, de l'infiltration et de la manipulation.
Les mots et les chiffres trahissent les plus prudents. Consciemment ou inconsciemment, les détracteurs d‘Amirouche prennent parti. Le lecteur ou la lectrice voit immédiatement vers quel côté ils penchent. Ils insistent sur l’éclat de la victoire du capitaine Paul-Alain Léger au lieu de compatir à l'aspect douloureux de la défaite dans cette bataille de la guerre psychologique, alors que même ce capitaine, avant de mourir, 40 ans après son complot, confessa à son épouse qu'il était hanté par ces morts qu'il avait sur la conscience.
Ceux qui condamnent sans remission les tortures et les exécutions commises sous la responsabilité totalement assumée du colonel Amirouche, clament, sans l'articuler, qu'ils auraient ordonné une autre ligne d'action dans les mêmes circonstances; qu'ils auraient éventé le complot s'ils avaient été là. Pour le malheur de ces martyrs de la Révolution, traîtres ou innocents, nous ne le saurons jamais, ils étaient ailleurs…ou ils n'étaient pas nés.
Hamou Amirouche – avec Hamou Amirouche.