Article #3 : détecter les soft skills grâce à l'IA.
Depuis le début des années 2000, les solutions fondées sur une IA peinaient à tendre vers l’analyse des soft skills des candidats. Il n'y a pas eu de révolution majeure pendant des années dans ce que l'on pourrait appeler l'ingénierie pédagogique des machines que l'on programme qui étaient jusqu’à présent très fortes dans le domaine préconçu par leur créateur, mais incapables de sortir du cadre. Cela a notamment entrainé des problèmes de création de modèles de clonage dans le recrutement et l’incapacité à identifier des profils atypiques.
Mais aujourd’hui, on constate l’émergence de nouvelles solutions qui bousculent l’existant, notamment concernant l’analyse des compétences comportementales au service du recrutement.
Utilisation des tests de personnalité avec de l’IA
D’après David Bernard, psychologue du travail et fondateur de la startup AssessFirst, en moyenne, sur 100 candidats recrutés, une entreprise constatera 46 départs dans les 18 premiers mois et 9 fois sur 10, le départ sera lié à une incompatibilité comportementale.
Partant du postulat que la personnalité et les motivations du candidat sont capitales pour sa réussite et son épanouissement sur un poste, AssessFirst met à disposition des entreprises une solution leur permettant d’évaluer le potentiel des candidats au regard de leur contexte spécifique. Le potentiel est évalué grâce à trois questionnaires basés sur ce que la personne peut faire « Raisonnement », ce qu’elle souhaite faire « Motivations » et la façon dont elle se comporte « Personnalité ». A partir des profils des collaborateurs, et des indications fournies par la RH ou les managers sur le niveau de performance de certains collaborateurs, le module d’intelligence artificielle est capable de prédire, pour chaque poste, les facteurs clefs qui conditionnent le succès, l’engagement et l’épanouissement d’un collaborateur. David Bernard met en avant un taux de fiabilité de ces algorithmes de 85%.
Autre ambition, compte tenu de l’impact du manager sur le succès et l’engagement, AssessFirst permet d’identifier le fonctionnement, la personnalité du manager en place et de le mettre au regard de celui du candidat afin d’anticiper les affinités : est-ce que les deux profils sont plutôt similaires ou plutôt complémentaires ? Est-ce que les aspirations sont divergentes ou convergentes ? Le recruteur a accès à un pourcentage de match entre le candidat et le manager défini par l’intelligence artificielle.
Et pour aller plus loin, AssessFirst travaille actuellement sur une analyse d’équipe pour être par exemple en mesure d’identifier la cohésion (valeurs communes, aspirations communes) ou la complémentarité d’une équipe. Un outil qui pourrait par exemple s’avérer utile dans le cas de la construction d’une équipe projet. Être en mesure de prédire le succès d’un collectif tant en termes de production que d’épanouissement de chacun, un beau défi à l’ère du temps !
Analyse comportementale via entretien vidéo
Pour faciliter et optimiser le processus de recrutement, EasyRecrue (startup française fondée en 2013) dispose d’une solution d’entretiens vidéo différés pendants lesquels les candidats s’expriment et font ressortir certains de leurs traits de personnalités et signaux sociaux. Dans l’analyse de ces vidéos, pour éviter les biais, EasyRecrue met à disposition des recruteurs leur modèle de « Smart Ranking » basé sur l’intelligence artificielle. L’algorithme est construit :
- sur la base de la littérature en psychologie organisationnelle composée de multiples études décrivant les comportements verbaux et non verbaux des candidats en entretien
- sur le très grand volume de vidéos dont dispose EasyRecrue et qui a permis d’analyser les signaux sociaux de plus de 9000 vidéos anonymisées qui avaient été préalablement évaluées par les recruteurs
Cet algorithme, étudie notamment la prosodie (le rythme de la voix, l’intensité, la tonalité, le débit de parole, les hésitations) afin de déterminer, par exemple, si un candidat maîtrise le sujet dont il est en train de parler mais étudie également la structuration du discours, la communication interpersonnelle et la diversité lexicale.
De par l’apprentissage qu’il a effectué, l’algorithme est aujourd’hui en mesure de trier les candidatures et de suggérer aux recruteurs les vidéos les plus susceptibles de correspondre aux critères comportementaux attendus.
EasyRecrue indique cependant que l’algorithme ne remplace pas l’homme mais permet une décision optimisée. Un test a révélé que dans 70% des cas, le recruteur était en accord avec l’algorithme contre 80% pour deux recruteurs entre eux.
Easyrecrue travaille actuellement sur un algorithme capable d’étudier l’action faciale (position, rotation de tête, expressions du visage…) pour compléter l’analyse comportementale du candidat.
Gamification du process de recrutement
Sur le terrain de jeu de la gamification, HireVue indique qu’en matière d'embauche, de multiples études réalisées ces dernières années prouvent que la capacité cognitive[1] est le meilleur moyen de prédire la performance. Mais jusqu’à présent, les tests se limitaient souvent à des questionnaires à choix multiples qui nuisaient à l’expérience candidat. Le taux d’abandon était élevé, la nervosité du candidat biaisait les résultats, et les tests étaient chronophages.
Sur la base de ce constat, et des récents progrès de la science des données, la façon de mesurer la capacité cognitive d’un individu a considérablement évolué.
HireVue utilise l'intelligence artificielle pour évaluer la capacité cognitive par le biais du jeu en proposant une évaluation courte (entre 5 et 20 minutes) et ludique et pouvant être réalisée sur plusieurs supports (ordinateur, smartphones, tablette etc.). 15 jeux sont mis à disposition des recruteurs et sont choisis au regard des compétences essentielles à la tenue du poste dans l’environnement spécifique de l’entreprise. Ces jeux permettent d’évaluer la capacité cognitive du candidat au regard de trois grands domaines de compétences : la capacité à travailler avec de l’information, avec les gens, et la personnalité et le style de travail.
Les jeux sont également progressifs et optimisés en fonction des capacités du candidat car la difficulté augmente ou diminue en fonction de sa performance. Le candidat n’a pas la sensation d’être dans une situation d’échec continu et cela permet d’éviter de générer de la frustration.
Ces tests psychométriques s’inspirent de plusieurs années de recherche en psychologie organisationnelle pour identifier les compétences permettant de prédire la performance et d’éviter les biais.
D’autres startups proposent des solutions similaires. C’est notamment le cas de Pymetrics, fondée en 2014 par la neuroscientifique Frida Polliw, qui possède dans son panel de clients des entreprises comme Unilever et JP Morgan. Ces entreprises ont choisi de booster leur processus de recrutement en proposant une expérience candidat plus ludique permettant d’évaluer des compétences non visibles sur le CV telles que les capacités sociales, cognitives et comportementales. La réalisation de ces jeux permet de dresser une analyse comportementale qui, grâce à l’intelligence artificielle, permettra de prédire la réussite d’un candidat sur un poste donné.
40% des startups RH sont liées à des sujets de recrutement.
Les HR tech françaises, majoritairement orientées sur le processus du recrutement (d’après l’annuaire HR Tech Startups réalisé par TaleX en 2017, sur 600 startups RH, 40% sont liées à des sujets de recrutement) ont bien compris que l’enjeu majeur est aujourd’hui d’accompagner les recruteurs dans leur mission actuelle : Recruter le candidat parfait qui saura répondre aux exigences techniques et comportementales du poste/de l’organisation tout en ayant une motivation qui garantira une performance et un engagement à toute épreuve !
Alors que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre du recrutement est controversée par les biais qu’elle peut générer ou par son incapacité à aller au-delà des compétences techniques, nous venons de voir que de nombreux outils sont nés ces dernières années et viennent contrebalancer ces arguments. Ils ne remplacent en rien le recruteur qui reste au cœur du processus de recrutement et de la décision finale, mais permettent de voir émerger des super-recruteurs, armés face à des enjeux de recrutement toujours plus challengeant et des volumes de candidatures importants.
L’avantage que représente l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le recrutement ne fait pas de doute aujourd’hui mais nous pouvons nous interroger sur son impact sur l’expérience candidats, celle-ci étant clef pour attirer les candidats dans une période où la guerre des talents fait rage.
Un article signé Sophie Milon
[1] La cognition est l'ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance et mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement, l'apprentissage, l'intelligence, la résolution de problèmes, la prise de décision, la perception ou l'attention.
Revolutionizing Remote Jobs | Co-Founder @Jobgether | Advocating Lifestyle-Based Careers | Connecting Global Talent with Truly Flexible Roles
4 ansBonjour Cyril CUENOT, je vous invite à jeter un oeil à Jobgether également :)
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4 ansIl est intéressant également de noter - comme vous l'avez très bien fait - l'impact de ces évolutions sur la qualité de l'expérience candidat... #PointClé Toutes les méthodes ne sont en effet pas accueillies de la même façon par les candidat.e.s. La gamification fait partie des leviers à déployer pour ôter de la friction (ce que nous avons notamment fait au travers de la gamification de notre module de data collection destiné à l'évaluation des capacités cognitives // BRAIN). Je pense toutefois que le plus important est "Qu'est ce que ça apporte à mes candidat.e.s"... au-delà de MOI (recruteur.euse) me donner de l'info supplémantaire ? Est-ce que cela apporte quelque chose au candidat.e ? Comment ressort t'il.elle mieux armé.e dans la connaissance qu'il.elle a de lui.xn--elle-mme-p1a ? En quoi je le/la fait progresser ? (y compris et surtout lorsque je décide de ne pas le.la recruter !).
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4 ansMerci Cyril CUENOT pour cet article très complet et pour la mention 😉👍 ! Nous travaillons en effet sur la prédiction de l'intelligence collective (...avec de très beaux premiers résultats dans les domaines de l'entreprise et du sport également). Un thème d'autant plus d'actualité en ce moment avec la transition de certaines entreprises - dont AssessFirst 🤓 - vers de nouvelles formes d'organisation (100% remote en ce qui nous concerne)... et puis, il n'y aujourd'hui plus aucun doute que le futur du travail s'annonce plus collaboratif que jamais !
Associé, Directeur RH & Transformation at Sia Partners - Président de nod-A by Sia Partners
4 ansAmra ARSEAU, voici le dernier article de la série !