AssurMiFID en marche : la FSMA a effectué une première série d’inspections auprès des courtiers et des entreprises d’assurance, quels constats ?
Depuis le 1er mai 2015, le législateur belge a étendu l’application des règles de conduite MiFID (MiFID I & AssurMifid) au secteur des assurances et a chargé la FSMA du contrôle des obligations y afférentes.
Dans le cadre de cette mission de contrôle, la FSMA a décidé de procéder à deux séries d’inspections, la première, avec une approche pédagogique, la deuxième afin de contrôler l’application des constatations de la première série d’investigations.
Cette « nouvelle » mission de contrôle des règles MiFID auprès du secteur des assurances a donné lieu à de nombreuses visites auprès de courtiers d’assurances – un échantillon de 75 courtiers d’assurances et de 40 sous-agents a été contrôlé – afin d’obtenir une représentation globale et sectorielle du respect des règles MiFID eu égard au devoir de diligence dans le cadre de la fourniture de conseils sur des produits d’assurances épargne / investissement (branches 21 et 23). De même, la FSMA a inspecté des entreprises d’assurances qui représentent 85 % du marché sur la base des provisions techniques en branche 23 et 73 % du marché en termes de provisions techniques vie.
Lors de ces inspections la FSMA a concentré son analyse sur :
i. Le respect des conditions d’inscription et de conservation de celle-ci au registre des intermédiaires d’assurance ;
ii. Le cumul intersectoriel des statuts d’intermédiaire ;
iii. L’application des règles anti-blanchiment ;
iv. L’application du devoir de diligence ainsi que les informations données au client ;
v. Les rémunérations des intermédiaires en assurance.
Elle a également analysé, en ce qui concerne les entreprises d’assurance, les procédures de sélection, d’approbation et de commercialisation des assurances d’épargne ou d’investissement.
Les conditions d’inscription
Les courtiers d’assurances ont l’obligation légale de tenir à jour en permanence le dossier administratif - que la FSMA attendait complet et à jour conformément à la loi -, mais dans la majorité des cas, les dossiers contrôlés nécessitaient une mise à jour sur l’un ou plusieurs éléments requis par la loi.
Au sujet des PCP (Personne en Contact avec le Public), la FSMA a principalement constaté que le statut de ceux-ci n’étaient pas clairement établi et que ces incertitudes causaient des manquements, notamment, quant à l’obligation d’inscription en tant qu’intermédiaire en assurance pour les indépendants collaborant avec les courtiers (cette obligation n’existe pas dans le cadre d’une collaboration visant l’apport de client).
L’Autorité de contrôle a également constaté une violation du principe d’indépendance des courtiers dès lors que ceux-ci s’engagent contractuellement avec une partie externe à vendre systématiquement le produit recommandé par cette partie. La FSMA estime que cette pratique est contraire aux dispositions légales et ce même si la partie externe n’est pas l’entreprise d’assurances dont le produit est proposé.
En outre, la FSMA met en garde contre d’une part, le manque de connaissances professionnelles dans le chef des RD (Responsable de la Distribution) et PCP en ce qui concerne la législation anti-blanchiment et d’autre part, un retard quant aux obligations de recyclage des connaissances.
Le cumul intersectoriel des statuts : le risque de confusion entre les activités d’intermédiation en assurance et d’intermédiation en services bancaires et d’investissement.
L’objectif de la législation AssurMifid est la protection du consommateur. Cependant, force est de constater que la pratique démontre que l’organisation interne des intermédiaires en assurance cumulant leur statut avec celui d’intermédiaire en services bancaires et d’investissement - la loi permet le cumul de ces statuts à la condition du respect des obligations liées à chaque statut - créent une confusion dans le chef des clients.
Il ressort du rapport que l’organisation des intermédiaires cumulant les statuts ne permet pas de différencier les acteurs au sein d’un même intermédiaire travaillant dans l’intermédiation bancaire et d’investissement et celle travaillant dans l’intermédiation d’assurance. La FSMA donne à cet égard plusieurs exemples de situation créant la confusion et proposent des solutions pour empêcher celle-ci dans le chef des clients.
Le non-respect des dispositions relatives à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme
La récente loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces, votée au Parlement le 20 juillet dernier, impose, comme la loi précédente du 11 janvier 1993, que les courtiers d’assurances actifs dans les branches d’assurance « vie » respectent les obligations en matière de mise en place de procédures de contrôle interne (KYC, devoir de vigilance, procédure de déclaration à la CTIF) visant à détecter et empêcher les opérations liées au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Cette obligation est une condition sine qua non de l’obtention et du maintien de l’inscription au registre des intermédiaires d’assurances.
Or, la FSMA a constaté que certains des courtiers d’assurances concernés ne possédaient pas ces procédures.
En effet, le cumul des statuts évoqués plus haut n’empêchent pas l’obligation pour les intermédiaires d’assurances concernés de se mettre en conformité avec la législation AML. Aussi, la FSMA insiste sur le fait qu’une procédure théorique sans connaissance pratique n’est pas suffisante en la matière et qu’elle contrôlera à nouveau, lors de futures inspections, l’application des obligations anti-blanchiment.
Les contrats de distribution
A l’instar de ce que la FSMA avait conclu dans son rapport annuel de 2014 en matière de portefeuille minimum obligatoire dans le cadre d’une convention de collaboration conclue entre une entreprise d’assurances et un courtier d’assurances elle constate que certaines clauses des contrats de distribution sont incompatibles avec les règles de conduite. Elle pointe également le fait que certains de ces contrats sont obsolètes et font référence à des exigences légales et des accords contractuels qui n’existent plus ou ne sont tout simplement plus respectés par les parties.
Le devoir de diligence et la communication d’informations aux clients
Pour rappel, dans le cadre de ce devoir, les courtiers doivent collecter des informations auprès de leurs clients. Outre l’obligation générale d’identification des exigences et besoins des clients, des exigences plus spécifiques s’appliquent lorsque le contrat d’assurance concerne une assurance d’épargne ou d’investissement.
Selon la FSMA, la collecte d’informations sur les clients n’est pas toujours correctement effectuée tant en ce qui concerne leurs connaissances et leur expérience qu’en ce qui concerne leurs objectifs et leur situation financière.
Elle pointe du doigt l’utilisation de questionnaire élaboré par le secteur pour recueillir les informations requises sur le client qui permet au courtier de délimiter leur gamme de produits en fonction du profil « type » ainsi déterminé. Si l’utilisation de profils standardisés n’est pas à proscrire, elle doit néanmoins être accompagnée d’un regard critique du courtier en fonction des réponses du client aux différentes questions.
De plus, la FSMA constate qu’une majorité de courtiers ne comprennent pas le principe du test du caractère adéquat voire présument que la collecte d’informations suffit. Celle-ci rappelle que ces constatations sont extrêmement importantes étant donné qu’une évaluation erronée du caractère adéquat peut mener les courtiers à effectuer de mauvaises recommandations (risque de misselling). Elle rappelle également que la collecte d’informations relatives aux clients doit impérativement précéder la fourniture du conseil.
Enfin, l’Autorité de contrôle revient sur la responsabilité quant à l’appréciation de l’adéquation d’une transaction au regard des informations du client (objectifs d’investissement, informations financières,…) et insiste sur le fait que cette obligation pèse sur le courtier et qu’en aucun cas un transfert de responsabilité (disclaimers) n’est admissible.
La communication d’informations aux clients fait également l’objet d’un point dans le rapport de la FSMA. Le rapport rappelle que les informations données aux clients doivent être « correctes, claires et non trompeuses, à la fois au regard de leur statut de courtier d’assurances, des services offerts, du produit d’assurance conseillé et des rémunérations, des provisions et avantages non monétaires que le courtier reçoit » et « compréhensibles » pour le client.
C’est sur ce dernier point que le rapport insiste, en effet, il met en avant des lacunes dans les informations données aux clients, des manquements quant aux indications relatives à l’impartialité des conseils donnés ou plus généralement le manque d’informations données aux clients.
En ce qui concerne les entreprises d’assurance, le constat est assez similaire. La FSMA tient à ce qu’une vigilance accrue soit utilisée lorsque la collecte d’informations relatives aux clients se fait via internet et ce principalement en raison du fait que les entreprises d’assurances sont tributaires des données communiquées par les clients. La FSMA recommande une amélioration du processus de collecte d’information par internet et recommande indirectement le contact « face-to-face » pour certains types de contrat.
L’impact du choix du modèle de distribution sur le devoir de diligence est également mis en exergue par le rapport de la FSMA. En effet, elle recense plusieurs cas où une entreprise d’assurance qui déclare distribuer ses produits uniquement via des courtiers d’assurances (la responsabilité du devoir de diligence incombant dans ce cas au courtier) envoie directement des courriers à ses clients en leur proposant de souscrire des contrats d’assurance d’épargne ou d’investissement qu’elle a émis.
La FSMA estime que ces démarches peuvent être considérées comme de la vente directe par l’entreprise d’assurances qui doit alors pouvoir démontrer qu’elle a mis en place les procédures requises et inhérentes au respect des obligations liées à la fourniture de conseils.
Elle pointe du doigt l’utilisation de questionnaire élaboré par le secteur permettant de déterminer des profils « standardisés » qui ne permet pas la prise en compte d’informations individuelles du client, ainsi que le traitement informatique – par algorithme – des réponses fournies par les clients auxdits questionnaires, car des déficiences dans la conception de ces algorithmes ont été constatées.
A ce jour, la FSMA n’est toujours pas satisfaite des monitorings et des contrôles effectués par les entreprises d’assurances ceux-ci n’étant pas encore « pleinement effectifs et opérationnels ». Elle insiste sur l’importance de leur mise en place et de leur effectivité. En outre, elle rappelle que lorsque les contrôles sont effectués par une entreprise tierce – soit les agents d’assurance liés – l’entreprise d’assurances reste responsable de ce contrôle et doit pouvoir démontrer que les risques sont couverts par les contrôles mis en place.
Enfin, la FSMA pointe, dans les deux cas, un problème de formation des conseillers.
Les rémunérations, commissions et avantages monétaires non rémunérés
Les règles en matière de rémunérations des courtiers prônent la transparence envers le client et la FSMA rappelle que « les courtiers d’assurances doivent agir d’une manière honnête, équitable et professionnelle qui serve au mieux les intérêts de leurs clients. »
Sur ce sujet, l’Autorité de contrôle note que plusieurs pratiques (« inducements ») visent à favoriser certaines entreprises de courtage à choisir certaines entreprises d’assurance et met en garde contre ces pratiques qui doivent, pour être licites, « améliorer la qualité des services fournis aux clients ».
Elle rappelle également l’importance de vérifier que ces pratiques ne créent aucun conflit d’intérêts dans le chef des courtiers. La FSMA note qu’il est également de la responsabilité des entreprises d’assurance de s’assurer que ces programmes d’« incentive » ne créent pas de conflits d’intérêts en démontrant que ces pratiques améliorent la qualité du service fourni au client.
La FSMA clôture son rapport par un résumé des points abordés et insiste sur le fait que certains manquements, déjà observés lors de précédentes investigations, ne sont toujours pas comblés et que la prochaine série d’investigations aura pour objectif le contrôle de l’application effective des règles de la législation AssurMifid.
La sélection, l’approbation et la commercialisation des produits
S’inspirant déjà des mesures prévues en la matière dans la Directive IDD (Insurance distribution – Directive 2016/97/EU), la FSMA attend des entreprises d’assurances qu’elles déterminent quelles assurances d’épargne ou d’investissement sont adéquates pour tels ou tels clients compte tenu du test d’adéquation.
A ce titre, elle estime que les entreprises devraient identifier un « gatekeeper » – personne responsable de vérifier que les intérêts des clients sont respectés tant lors de la décision de lancement du produit d’assurance que lors de l’établissement des conditions de lancement – et que les critères que ce dernier vérifie avant de sélectionner un produit devraient être plus précis.
Quid de l’impact de ce rapport sur le secteur concerné ?
L’importance que l’on doit attacher au rapport rendu par la FSMA provient essentiellement du fait que celle-ci énumère concrètement ses attentes en matière du respect des règles de conduite MiFID.
L’arrivée prochaine des législations MiFID II/ IDD (Insurance distribution – Directive 2016/97/EU) – dont la transposition est imminente – devrait être réalisée suivant les mêmes prescrits que ceux repris dans le présent rapport.
Le rapport contient également un rappel concernant l’importance des règles en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou le gel des avoirs. Ajoutons à cela, les risques fiscaux (mécanismes fiscaux particuliers) qui peuvent provenir de l’utilisation de certains produits d’assurance. L’arrivée prochaine de la nouvelle loi anti-blanchiment belge – loi déjà adoptée au Parlement – sera l’occasion de se repencher sur les politiques et les procédures internes relatives à ces sujets clés.
L’équipe C4B