Attention à l’anxiété de performance
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Attention à l’anxiété de performance

Être un peu nerveux avant un examen ou une compétition, c’est normal. Cependant, à trop vouloir réussir, certains enfants perdent tous leurs moyens.
Nathalie Côté

Assise devant son devoir de mathématiques, Élisabeth ignore quoi faire. Elle semble avoir oublié les explications qu’elle a reçues. Sa respiration s’accélère. Elle est de plus en plus stressée en pensant à la réaction de son enseignante si elle n’y arrive pas. Elle finit par éclater en sanglots.

Cette scène tirée du livre Élisabeth a peur de l’échec (éd. Dominique et compagnie, 2011) traduit parfaitement le sentiment de nombreux jeunes souffrant d’anxiété de performance. Dans cet album, l’orthophoniste Danielle Noreau et la psychologue Andrée Massé campent une petite héroïne constamment inquiète de ne pas être à la hauteur. Faire ses devoirs, réaliser un bricolage en classe, jouer à un jeu où elle risque de perdre, sauter du tremplin à son cours de natation : toutes ces situations sont source de stress.

« L’enfant qui souffre d’anxiété de performance redoute toutes les formes d’évaluation et les situations dans lesquelles il pourrait échouer, ou se sentir jugé ou critiqué, explique Danielle Noreau. Le problème, c’est que l’enfant est persuadé que le fait de réussir ou de rater une tâche donnée pourrait affecter sa valeur en tant qu’individu, ce qui entraîne un niveau de stress démesuré dans toutes les tâches qui sont notées ou qui exigent une performance. »

Peur de l’échec
Le plus souvent, cette anxiété apparaît vers 7 ou 8 ans. Confrontés à la peur de l’échec, certains enfants font preuve d’un perfectionnisme exagéré tandis que d’autres, au contraire, ont tendance à tout remettre à plus tard… « Dans le premier cas, les enfants vont étudier de façon démesurée parce qu’ils veulent être les meilleurs, indique Geneviève Marcotte, psychologue et auteure d’Extraordinaire Moi calme son anxiété de performance (Éd. Midi trente, 2014). Dans le second, le jeune opte pour une stratégie d’évitement et s’oppose aux consignes données, plutôt que de risquer de faire une erreur. »

Peu à peu, ils deviennent incapables de contrôler leur anxiété à long terme et se sentent de plus en plus mal dans leur peau. Des symptômes tels que de l’irritabilité ou de l’agressivité excessive, une inertie ou une agitation anormale, des nausées, des maux de ventre, de l’insomnie, des cauchemars, des vertiges apparaissent fréquemment. « Lorsque l’enfant a de la difficulté à fonctionner au quotidien et qu’il manifeste de tels troubles physiologiques, il faut consulter », conseille la psychologue et neuropsychologue Élodie Authier. Car si elle perdure, l’anxiété peut mener à la dépression.

Si cette anxiété est souvent liée à la réussite scolaire, elle peut aussi se manifester dans un sport ou une activité artistique. C’est d’ailleurs lors de ses compétitions de patinage de vitesse qu’Élise, 9 ans, a commencé à en ressentir. Elle peinait à s’alimenter et se plaignait de maux de ventre et de cœur avant chacune d’elles. « Elle n’a même pas pu participer à la dernière parce qu’elle a vomi la barre tendre qu’elle avait réussi à avaler », raconte sa mère, Cynthia Paradis. Statistiques à l’appui, celle-ci a d’abord essayé de démontrer à sa fille qu’elle avait toutes les raisons d’être fière d’elle. Élise améliorait systématiquement ses temps, même si les médailles lui échappaient parfois. Mais puisque la situation continuait de se détériorer malgré les encouragements, la jeune fille a décidé d’abandonner le patinage de vitesse. Cet hiver, elle a plutôt commencé à jouer au hockey. « Comme la pression est répartie sur toute l’équipe, ça lui convient mieux », constate sa mère.

Pourquoi sont-ils si anxieux ?
Outre le tempérament de l’enfant, différents facteurs peuvent favoriser l’apparition de ce trouble. Même si c’est souvent involontaire, les parents peuvent mettre de la pression sur leurs jeunes, par exemple en étant eux-mêmes anxieux, perfectionnistes ou dotés d’un fort esprit de compétition. Parfois, leurs attentes sont simplement trop élevées.

Mais l’influence de la famille n’explique pas tout. La pression peut aussi venir des amis, des enseignants ou carrément du milieu, ultra compétitif. Il est cependant difficile de déterminer pourquoi, dans la même situation, un enfant devient anxieux et un autre non. Le frère d’Élise, François, évolue au sein du même club auquel appartenait sa sœur et il n’a jamais éprouvé d’anxiété lors de ses compétitions.

« Certains enfants vont continuer dans un sport, mais se retirer des compétitions parce que c’est trop pour eux. C’est correct, on ne peut pas tout faire à un niveau compétitif, analyse Geneviève Marcotte. Souvent, l’école demande déjà beaucoup aux enfants. Quand les parents endossent cette décision, ils contribuent à transmettre des valeurs d’effort et de plaisir et peuvent diminuer l’anxiété de performance. »

Anxiété de performance et troubles d’apprentissage
Les enfants qui connaissent des difficultés scolaires sont plus à risque de souffrir d’anxiété de performance. Ils aimeraient réussir, mais n’y parviennent pas malgré leurs efforts. « Environ la moitié des jeunes ayant un trouble d’apprentissage sont concernés », note Élodie Authier. « Lorsqu’ils ne reçoivent pas d’aide adaptée, leur retard s’accroît, donc ils deviennent de plus en plus anxieux. Plus ils le sont, moins ils arrivent à apprendre », constate Danielle Noreau.

Catherine Loiselle, mère d’un garçon de 11 ans, en sait quelque chose. Cris, pleurs, coups dans les murs, hyperventilation : il arrivait souvent à Charles-Antoine de perdre le contrôle pendant de longues minutes. « À deux reprises, il a eu des attaques de panique. Il nous a suppliés de l’amener à l’urgence, car il n’en pouvait plus. Il disait qu’il voulait mourir », raconte-t-elle. Son fils souffre d’anxiété de performance depuis son entrée en maternelle, mais les médecins ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’un trouble de l’attention. « Nous l’ignorions à l’époque, mais il est dyslexique et dysorthographique. Il s’est mis à faire des crises chaque matin parce qu’il refusait d’aller à l’école. Il ne comprenait pas pourquoi il ne réussissait pas comme les autres. » La moindre évaluation le stressait au point où les professionnels ont eu du mal à poser un diagnostic. Mais depuis quelques mois, Charles-Antoine est suivi par un psychologue, et les choses s’améliorent. La famille retient son souffle en espérant que l’accalmie dure !

Le stress : ami ou ennemi ?
Vivre du stress à l’occasion est tout à fait normal et même… vital ! Dans une situation dangereuse, le corps sécrète des hormones comme l’adrénaline et le cortisol, qui poussent la personne à fuir ou à combattre. Sans elles, l’espèce humaine n’aurait jamais survécu. À petites doses, le stress peut également être une source de motivation à bien se préparer pour un examen, par exemple.

Mais cette nervosité peut devenir démesurée et envahissante. Lorsqu’elle est assez grande pour causer des symptômes et nuire aux activités quotidiennes du jeune, on parle alors de trouble anxieux. Il s’agit du problème de santé mentale le plus fréquent chez les enfants. Environ 10 % d’entre eux en souffrent, et dans 6 % des cas, il est suffisamment grave pour nécessiter un traitement. Ce trouble peut prendre plusieurs formes : anxiété de performance, anxiété de séparation, anxiété généralisée, trouble obsessionnel-compulsif, trouble panique, syndrome de stress post-traumatique, phobie, etc. Une thérapie, parfois jumelée à la prise de médicaments, est souvent très efficace pour y remédier.

Sources : Centre d’études sur le stress humain, CHU Sainte-Justine, Santé mentale pour enfants de l’Ontario 

Comment aider ?

  • « Souvent, les enfants ignorent que l’anxiété de performance est un problème et qu’ils pourraient se sentir mieux », indique Geneviève Marcotte. Si votre jeune en souffre, voici quelques conseils pour l’aider :
  • Expliquez-lui ce qui lui arrive en nommant ce qu’il vit.
  • Remettez sa perception en perspective. L’enfant peut croire à tort que les gens intelligents ne font pas d’erreurs, par exemple. Or, elles permettent d’apprendre !
  • Fixez des objectifs réalistes pour son âge et ses capacités. « Par exemple, vous pouvez lui dire que vous serez content s’il fait moins de 10 fautes dans sa dictée », suggère Mme Noreau.
  • Aidez votre petit perfectionniste à identifier ses « extra-efforts » et à les éviter. « S’il s’éreinte deux heures de plus à mémoriser ses mots de vocabulaire et qu’il fait seulement une faute de moins, ne serait-il pas mieux de se concentrer sur autre chose ? » illustre Mme Marcotte.
  • S’il a tendance à procrastiner, apprenez-lui à organiser son travail et ne l’autorisez pas à jouer ou à regarder la télévision durant la période consacrée aux devoirs.
  • Invitez-le à prendre de grandes respirations, à établir une routine ou à utiliser une balle antistress pour se calmer.

 

Source: Enfants Québec, mai-juin 2015

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