Au fait, ubériser, ça veut dire quoi ?
Uber n’a pas inventé l’eau chaude ! Ni même un service de voiture avec chauffeur doté d’une plateforme de réservation centralisée. Mais alors qu’y a-t-il de si révolutionnaire dans leur business model et que se cache-t-il exactement derrière le terme ubérisation ?
D’après le Petit Robert, ubériser signifie désormais :
« déstabiliser et transformer avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies »
Ce que l’on appelle l’ubérisation de l’économie repose en fait sur 4 pilliers principaux.
1. Dépoussiérage
Le service qu’Uber propose aujourd’hui dans les villes du monde entier n’est finalement rien d’autre qu’un service de taxi qui n’en porte pas le nom. Comment expliquer alors son succès planétaire ?
C’est en fait la même raison qui explique le succès de la déferlante Starbucks il y a quelques années en France, alors même que le pays comptait déjà 40 000 cafés : la valeur de l’offre (1). Soit un grand dépoussiérage d’un métier traditionnel pour le remettre au goût du jour, en mettant les attentes des clients au centre de l’offre : simplicité, disponibilité et qualité du service.
Qu’est-ce qui empêchait les grandes compagnies de taxi traditionnelles de proposer le même service qu’Uber avant même que ce dernier ne fasse son apparition ? Qu’est-ce qui les empêchait de développer une application mobile intuitive, d’augmenter le nombre de taxis en circulation pour faire face à la demande ou de proposer une bouteille d’eau aux clients ? Absolument rien ! Sauf qu’assises sur leurs lauriers, elles ont préféré concentrer leurs efforts à verrouiller un système protégé plutôt que de le faire évoluer en mettant le client au cœur de leur stratégie.
2. Economie collaborative
Dans l’économie traditionnelle, une entreprise développe des produits ou des services qu’elle vend à ses clients. Dans un modèle d’économie collaborative, l’entreprise met à disposition de ses clients des ressources proposées par une multitude de collaborateurs externes. L’entreprise se positionne alors comme une plateforme de mise en relation entre des fournisseurs / prestataires et des clients. En France, le développement de ce modèle est facilité par le statut d’auto-entrepreneur qui simplifie la création et la gestion d’entreprises individuelles.
Les syndicats et les média jettent régulièrement l’opprobre sur cette économie collaborative, accusée de détruire le modèle social traditionnel du salariat. Mais au fond, quelle est la différence entre :
- une plateforme de VTC qui met en relation des clients avec des auto-entrepreneurs
- et une compagnie de taxi qui met en relation des clients avec des artisans indépendants ?
Sur les 60 000 taxis en circulation en France, seuls 3% sont en effet conduits par des salariés ! C’est à dire que 97% sont des indépendants (artisans, locataires ou coopérateurs) et que la plupart d’entre eux reversent une commission aux centrales de réservation comme G7. La profession avait donc adopté le modèle de l’économie collaborative bien avant l’arrivée d’Uber…
3. Digitalisation
Tout cela est bien sûr rendu possible par le développement des nouvelles technologies, qui permet aujourd’hui à une entreprise :
- d’être disponible pour ses clients 24h/24 et 7j/7 à travers une application intuitive et un service de réservation entièrement automatisé
- de se développer à l’échelle mondiale sans investissement industriel lourd
- de géolocaliser ses clients et ses prestataires en temps réel
- de simplifier le processus de paiement en enregistrant les numéros de carte bancaire de ses clients
- de tirer la qualité vers le haut en demandant à ses clients et à ses prestataires de se noter mutuellement
Et tout ceci à moindre coût.
4. Surinvestissement
Enfin, ne l’oublions pas, cette révolution ne serait pas possible sans le soutien massif d’investisseurs qui permettent d’accélérer le développement d’une entreprise à peine naissante à un rythme extraordinaire.
C’est ce qui différencie le modèle des entreprises traditionnelles de celui des startup. Alors qu’une PME classique s’efforce d’atteindre la rentabilité rapidement pour grandir progressivement en réinvestissant ses profits, une startup peut se permettre d’ignorer toute notion de rentabilité dans un premier temps et de générer une croissance hors norme grâce à des ressources disproportionnées. C’est ce qui permet à Uber de s’imposer comme numéro un mondial des VTC tout en perdant près de 3 milliards de dollars en 2016 !
Ce qu’Uber n’a pas révolutionné, c’est cette maxime universelle : cash is king !
(1) La Stratégie de l'offre: Gagner la crise et l'après-crise, Henri de Bodinat