Aujourd’hui en France : cash mon amour

Aujourd’hui en France : cash mon amour

Le bruit actuel est trop grand pour rester sourd, et j’ai le sentiment qu’un facteur particulier, celui du paiement, est aussi responsable de ces mouvements d’une force rare. Les récents événements mettent en exergue un point sur lequel nombre de nos concitoyens semblent s’accorder : il y a trop de taxes. Dans cette économie ou toute transaction peut être tracée, la crainte du « tout taxé » est réelle. La solution ? Le liquide, évidement.

Payer. Comme manger, boire et respirer, ce verbe est l’un de ceux que l’on emploi tous les jours. Et pourtant un ras-le-bol semble s’être emparé d’une partie de la population, catalysant ce sentiment dans un gilet flashy. Je suis intimement persuadé que ce mouvement social a, implicitement et parmi ses nombreux facteurs déclenchants, la digitalisation, notamment celle des paiements.

Acheter ses légumes au petit agriculteur du village, rembourser un proche, achater d’un sac à main d’occasion, louer un appartement à un autre particulier… Toutes ces transactions sont maintenant traçables et donc potentiellement taxables. Les solutions pour sortir de ce système qui permet simplement de remonter d’une transaction aux personnes qui l’ont initié ne sont pas bien nombreuses. L’une d’elles est tout simplement le paiement en liquide. Je parle bien de toute cette économie de main à main, qui pèse des milliards. Cette économie au final bien réelle et puissante, puise ses racines dans des sols aussi divers que la confiance entre proches ou entre voisins, les petits arrangements que s’autorise un commerçant en n’entrant pas une vente dans sa caisse ou le remboursement d’une dette à un ami de longue date, en liquide, bien évidement.

Mais le besoin indéfectible des populations de ce précieux argent liquide n’est pas uniquement lié à une envie de sortir des institutions ou de payer moins de taxes. Ce besoin est aussi la résultante d’une pudeur, d’une envie de l’entre-soi financier, sans jugement et à l’abris des regards jugeurs. 

Et alors que l’économie collaborative semblait être une belle opportunité de consommer mieux à l’abri de Bercy, il a récemment été annoncé que les différentes plateformes de cette économie du partage allaient aussi être contrôlées et que leurs utilisateurs seraient susceptibles de reverser une partie de leurs gains à l’État. Autant vous le dire tout de suite, ça ne va pas du tout plaire. Et je partage leur opinion. Je ne vais pas m’emballer et me positionner sur ce qu’il se passe aujourd’hui dans notre pays. Ce n’est pas mon rôle. Mais très franchement, entre nous, n’est-ce pas tout bonnement stupide de taxer les transactions de particuliers à particuliers, que ce soit sur la vente de biens ou de services ? Alors oui, des paliers seront instaurés, mais le simple fait de l’apparition du fisc dans l’équation viendra dissuader nombre de personnes de passer par les innovations financières pour le règlement. Et c’est bien dommage.

Cette dynamique étatique est tout bonnement contre-productive et parfaitement en opposition avec cette volonté, bien volontiers communiquée, de dynamiser l’innovation, les nouveaux usages et la simplification de ces derniers. Alors oui, cela me touche personnellement, tout comme nombre d’entrepreneurs de l’économie collaborative qui, d’une part, ne se voient pas envoyer des formulaires fiscaux aux noms barbares pré-remplis à leurs utilisateurs, d’autre part qui voient cette décision tomber comme un coup de massue d’un point de vue purement économique. Et l’on ne s’arrête pas là. J’y reviens mais c’est important, cette décision économique est dissuasive et va ralentir l’économie du partage, son développement et l’accélération de l’adoption des usages par crainte de se retrouver tout nu. 

Cette politique, constamment à pousser l’utilisation massive d’internet pour toutes les formalités est sûrement une bonne chose, sur le moyen terme, mais venir en limiter son potentiel en bridant artificiellement une économie qui peut s’avérer être plus respectueuse de l’environnement, plus axée sur l’échange, une économie qui permet de consommer moins et mieux, qui permet pour certains de faire des économies et pour d’autres de dégager un petit complément est tout bonnement impensable.

Ce qui est revendiqué aujourd’hui, c’est une envie de vivre. Vivre comme on le souhaite, comme on le sent. Vivre sans avoir peur du contrôle, sans être en proie permanente à un formulaire à remplir, à un petit truc en plus à payer. Le liquide reste la seule alternative opérationnelle et de confiance pour ne pas avoir à se soucier de ces petites surprises dans un certain nombre de cas courants.

Le cash a cette force de l’anonymat, cette dimension résolument passe partout, et j’entends dans toutes les poches et dans toutes les mains. Il rassure, protège. Un billet ou une pièce, une fois échangé, vivra sa vie sans jamais révéler quoique ce soit sur ses anciens propriétaires. Ce sont les reflets d’une économie de tous les jours, simple, rapide, facile, à l’abri des regards indiscrets et envieux des institutions. Pour nombre d’entre nous, c’est ça, le liquide.

Les paradoxes sont trop forts pour qu’ils ne soient pas montrés du doigt. Certains pans de notre environnement économique sont les derniers bastions à protéger des pratiques vieilles comme le monde, ancrées dans les habitudes et le quotidien. Ces habitudes, il faut les chérir, les laisser à tous ceux qui en ont envie, ou profondément besoin. Accélérer l’innovation ne doit pas être une opportunité de plus d’exercer une pression, mais doit relever d’une dynamique qui protège, aide à l’émancipation, aux retrouvailles avec des pratiques plus humaines et sûrement moins carrées, mais qui ont le mérite de faire plaisir, d’apporter des sourires et parfois le sentiment d’avoir fait le coup du siècle.

Alors voilà, le liquide aura encore une longue et belle vie dans notre pays. Mais là où l’on caractérise d’irréductibles gaulois certaines personnes, il est aussi parfois bon de se demander s’il ne s’agit pas également d’un système de défense contre des attaques au portefeuilles, elles, bien modernes. Je ne suis pas pour le tout à gauche, ni pour le tout à droite. Je suis simplement pour le raisonnement et une certaine forme de bienveillances.

Et qu’on se le dise : les premiers à en pâtir, ce ne sont pas nous, les startups ou entreprises. Je dirais même, qu’à la limite, on s’en fout de nous. Les véritables impactés, ce sont les hommes et les femmes de France. Nul besoin de dire de faire un pas en avant pour mettre en place des dispositifs qui nous feront en faire dix en arrière.

Je ne souhaite en rien donner des leçons à qui que ce soit. Je ne suis pas légitime pour le faire, et n’en n’ai en plus pas du tout envie. Je n’ai bien entendu pas exploré toutes les pistes qui viennent déchaîner notre peuple et la place des paiements dans tout ça, mais j’espère simplement qu’un peu plus de bon sens est possible. Je ne suis ni politicien, ni économiste, mais j’ai des ressentis et des convictions, peut-être perçues comme utopiques ou en décalage avec la réalité pour certains d’entre vous, mais je reste intimement persuadé que certaines formes de l’économies doivent rester vierges. Imaginez le jour où les cautions seront uniquement en ligne alors qu’aujourd’hui un grand nombre de bailleurs les encaissements alors que cela n’est pas vraiment légal. Si c’est votre cas, réfléchissez-y, et vous tomberez peut-être d’accord avec moi.

Interférer à outrance n’est en rien une solution, c’est tout juste une occasion de faire hurler les foules, alors que nos billets, eux, poussent des cris de joie à l’idée de continuer à circuler encore très longtemps.

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