Avons-nous tous un destin ? (Dialogue socratique)

Avons-nous tous un destin ? (Dialogue socratique)

  • Avons-nous tous un destin ?
  • J’ai du mal à penser la notion de destin parce qu’il me semble qu’il faille adopter le point de vie de Dieu pour parler de destin
  • Pourquoi ?
  • Parce qu’un destin, c’est une route toute tracée et seul Dieu pourrait en connaitre l’existence
  • Mais connais-tu l’expression : c’était son destin ?
  • Oui je la connais : c’est comme si la parcours de vie d’une personne était tracé depuis le début et qu’il ne pouvait y échapper
  • Donc pour toi ce n’est pas possible ?
  • Non parce qu’on peut se choisir sa vie à chaque instant
  • Pourtant tu sais que Spinoza considère que chaque action que nous faisons était absolument nécessaire à chaque instant ?
  • Oui d’accord supposons que nous ayons tous un destin
  • Quels problèmes cela poserait-il ?
  • Peut-être un certain fatalisme, une torpeur face aux alea de la vie
  • Pourquoi ?
  • A chaque fois que quelque chose de mauvais nous arriverait il suffit de dire que c’est le destin sans chercher à comprendre ni à se mettre en question
  • Quel est le concept ?
  • La résignation
  • Et en quoi est-ce un problème d’être résigné ?
  • On ne cherche pas à se sortir de sa condition, à se révolter ou à résister
  • Contre quoi veux-tu résister ou te révolter ?
  • Et bien contre les attentats de ce week-end par exemple 
  • Mais les attentats ont eu lieu, les gens sont morts. Contre quoi veux-tu résister ou te révolter ?
  • Contre la barbarie, la sauvagerie des gens qui font cela et n’accordent aucune valeur à la vie
  • Donc tu veux te battre contre des concepts ?
  • Euh non tu as raison c’est inutile. Je pense que je voulais juste exprimer ma peine, mon horreur et…mon impuissance
  • Penses-tu qu’on puisse dire des gens qui ont été frappés par ces attentats que « c’était leur destin ? »
  • On peut le dire oui et c’est peut-être un réconfort d’ailleurs
  • Pour qui ?
  • Pour leurs proches
  • Pourquoi ?
  • Parce que c’est une manière d’accepter comme une nécessité ce qui est inacceptable pour eux : que des êtres chers aient été exécutés arbitrairement pour ce qu’ils représentaient
  • Maintenant quel est le problème de dire « c’était leur destin » ?
  • C’est notre impuissance face à quelque chose qui a été provoqué par d’autres êtres humains
  • Penses-tu qu’on aurait pu faire quelque chose dans ce cas précis ?
  • Non je pense que malheureusement c’était impossible
  • Donc en fait ces attentats c’est comme une catastrophe naturelle, comme un tsunami irrésistible ?
  • A ce stade oui. Il aurait fallu agir il y a beaucoup plus longtemps pour éviter cela
  • Donc en fait si nous étions vraiment impuissants il n’y a pas de problème à dire que c’était leur destin ?
  • Si parce qu’il faut se révolter même si c’est un combat perdu d’avance, comme disait Camus, il faut se révolter contre l’absurde
  • Donc je te repose la question : que peux-tu faire ou qu’aurais-tu pu faire ?
  • Je ne sais pas
  • Et bien si tu ne sais pas c’est peut-être que tu refuses d’accepter que c’était effectivement leur destin
  • Oui c’est possible
  • Penses-tu que les assassins pensaient avoir un destin aussi ?
  • Oui, celui de tuer un maximum d’infidèles pour aller au paradis
  • Et les victimes pensent-tu qu’ils croyaient avoir un destin ?
  • Non je crois qu’ils voulaient juste vivre leur vie tranquillement
  • Donc en fait le problème vient surtout de ceux qui pensent avoir un destin ?
  • Oui parce que cette croyance les aveugle.
  • Partageons-nous tous un destin commun ?
  • Oui c’est celui de mourir
  • Est-ce que c’est notre destin ou notre fin ?
  • C’est une fin et un destin
  • Y a-t-il une différence entre les deux ?
  • Dans la fin on ne parle pas de la vie alors que dans la notion de destin il y a celle de parcours, de ligne directrice, de direction, de vecteur, de tension même. On parle d’ailleurs de destin brisé quand la mort emporte prématurément des gens qui étaient promis à un bel avenir
  • Donc la mort serait plutôt notre fin que notre destin ?
  • Oui
  • Quelle est cette ligne directrice, cette direction dont tu parlais dans le destin ?
  • Peut-être est-ce le sentiment, pour celui qui se sent destiné, qu’une force qui le dépasse le guide
  • Et d’où viendrait cette force ?
  • Si elle nous dépasse c’est une forme de transcendance
  • Tu veux dire comme Dieu par exemple ?
  • Oui mais un Dieu qui n’aurait pas de commandement plus explicite que « accomplis ce pour quoi tu es fait »
  • Donc il faudrait savoir ce pourquoi on est fait pour avoir un destin ?
  • Oui
  • Donc pour toi c’est l’essence qui précède l’existence au contraire de ce qui disait Sartre ?
  • Pas pour moi, pour ceux qui croient en leur destin
  • Mais toi n’essaies-tu pas d’accomplir ce pour quoi tu penses que tu es fait ?
  • Si c’est vrai
  • Mais alors tu croies à ton destin ?
  • Eh bien oui on dirait.
  • Mais comment est-ce compatible avec le fait de se choisir sa vie à chaque instant ?
  • On se choisit mais en fonction de ce que l’on pense être notre destin
  • Cela a du sens ?
  • Non
  • Donc si ce n’est pas compatible que choisis-tu ?
  • Je choisis qu’on accomplit son destin
  • Et donc on ne choisit pas sa vie à chaque instant ?
  • Non
  • Alors qu’est-ce qui nous détermine, qu’est-ce qui choisit pour nous ?
  • C’est la nature en nous, le conatus ou la Volonté au sens de Schopenhauer : l’effort vital vers la perpétuation de son être ou encore appelé le désir
  • Et quel est le rapport avec le destin ?
  • Et bien notre destin c’est justement cette nature en nous qui doit s’accomplir
  • En quoi est-elle transcendante ?
  • Elle n’est pas transcendante, elle est immanente et passe par le corps
  • Et nous en sommes conscients ?
  • Ceux qui se connaissent reconnaissent cette force et en favorisent l’accomplissement dans la joie. Ceux qui l’ignorent invoquent des motifs à leurs actions qui ne sont que des illusions
  • Mais où est la liberté là-dedans ?
  • La liberté n’existe pas : il n’y qu’un progrès possible vers la conscience de ce qui nous conditionne, de cette nécessité qui s’impose à nous
  • Mais pour en revenir aux terroristes, tu veux dire que c’est cette nature en eux qui leur a fait accomplir ces terribles actes ?
  • Parfois cette force, comme nous l’apprend Nietzsche, se retourne contre nous, se fait négative et contre-nature : elle est nihiliste et veut supprimer toute forme de plaisir
  • Et tu penses que cela peut expliquer ces crimes impensables ?
  • C’est une hypothèse en tous cas
  • Penses-tu que les terroristes ont conscience de ce qui les conditionne ?
  • Non justement : ils sont au niveau minimum de la conscience, ils sont complètement conditionnés


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