Bilan de compétences : Avis de tempête !

Bilan de compétences : Avis de tempête !

Le Gouvernement a dévoilé le 5 mars dernier le « Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui va bientôt être présenté en Conseil des Ministres puis soumis au débat et au vote Parlementaire.

Ce projet comporte des intentions que l’on peut comprendre mais qui sont réduites par la nouvelle approche organisationnelle et financière.

Au cœur des enjeux, l’accompagnement des plus démunis, des plus fragilisés et une monétarisation qui réduit l’efficience des démarches dont le bilan de compétences sera la première victime alors qu’elle montre au quotidien le pouvoir d’agir qu’il donne à ces personnes.

Une réforme aux louables ambitions :

Certains choix stratégiques sont compréhensibles et souhaités :

-         Investir massivement dans la formation et les compétences ;

-         Donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel ;

-         Protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences et vaincre le chômage de masse ;

-         Développer un système qualité renforcé de la formation.

Pour ce faire, le projet de Loi prévoit la monétisation du Compte Personnel de Formation (CPF) en attribuant à chaque actif un budget annuel. L’individu pourra financer tout ou partie d’une formation, sans intermédiaire ni prescription…

…et pour appuyer l’individu, le projet de loi prévoit de renforcer l’accompagnement.

Nous comprenons bien la volonté de simplifier les dispositifs d’accès à la formation et à la sécurisation des parcours professionnels des actifs, en donnant à ceux-ci davantage d’autonomie dans la gestion (y compris financière) de leur trajectoire.

Nous voyons bien aussi en quoi la réduction des coûts, et partant, des durées de prise en charge de ces accompagnements, répond à la volonté affichée qu’ils soient étendus à un plus grand nombre de personnes, lesquelles, si on les écoute bien, n’ont pas toujours besoin de nombreuses « séances d’entretiens » pour savoir ce qui leur est utile pour avancer dans leur projet… c’est vrai.

Mais justement, qui les écoute ?

Pour répondre à cette question, bien au cœur du sujet (prise en charge des plus démunis, juste adéquation de l’offre au besoin, personnalisation de l’offre de formation), et si on laissait parler les professionnels de terrain, dont le métier est justement l’Accompagnement… et le Bilan de compétences, 1er dispositif d’accompagnement professionnel des actifs ?

Le Bilan de compétences, jusqu’ici c’est quoi ?

1.      Un outil facilement mobilisable (parce que rôdé et encadré par un texte de loi) permettant aux actifs, quelle que soit leur situation d’emploi :

       D’être reçu rapidement par des professionnels qualifiés (psychologues du travail pour la plupart) pour poser leurs attentes, leurs difficultés, leurs besoins, leur questionnement, leurs doutes…

       De bénéficier d’un lieu d’expression neutre et confidentiel, permettant dans un temps dédié, la prise de recul par rapport à leur situation et à leur contexte de travail, mais aussi d’un environnement dynamique (nos structures sont de véritables lieux d’échanges professionnels, des espaces collaboratifs et de partage d’expériences). 

       D’être conseillés et guidés dans leurs investigations, leurs choix, grâce à un appui méthodologique et des outils d’évaluation (des capacités, des motivations) qui apportent une véritable expertise sur les compétences.

2.      Un travail accompagné de construction de projet, opérationnel car basé sur une véritable analyse de faisabilité socio-économique, des confrontations au marché, en proximité avec les offres et opportunités réelles de nos territoires.

‐         L’innovation est désormais au cœur de notre travail, notamment grâce au numérique : collaboration à distance, en synchrone (chat, vidéo-conférence, réunion virtuelle…) et asynchrone (forum, e-portfolio…), plateforme sécurisée de partage de documents, centre ressource documentaire numérique, réseaux sociaux…

3.      Et pour aller plus loin, une démarche formative centrée sur le Développement du Pouvoir d’Agir des personnes, visant, pour les plus fragiles : une meilleure maîtrise de leur environnement et des ressources à disposition pour trouver les solutions utiles ou à leur portée, un renforcement du sentiment d’auto efficacité, de leur engagement autonome dans les étapes concrètes de mise en œuvre de leur projet.

Au CIBC du Rhône, ce sont plus de 700 salariés ou demandeurs d’emploi qui sont accompagnés chaque année en Bilan de compétences. Parmi ceux-ci :

-         30% anticipent ou craignent les effets d’une réorganisation, d’un licenciement dans l’année, et doivent se préparer au changement, à la mobilité.

-         30% sont en reconversion professionnelle pour raison de santé (maladie, handicap reconnu, souffrance professionnelle liée aux conditions de travail, stress, burn out).

-         20% constatent un manque d’évolution, de satisfaction dans leur emploi ou leur métier, et craignent les effets d’une démotivation, d’une perte de compétences, qui auront à terme des conséquences sur leur avenir.

-         20 % n’ont pas de problème majeur mais cherchent légitimement à évoluer ou à découvrir de nouveaux horizons professionnels, ou parce que changer pour évoluer est aujourd’hui stratégique dans une carrière.

Ce sont donc 80% qui s’orientent vers un professionnel de l’accompagnement en raison d’une problématique réelle, souvent même avec l’appui du médecin du travail.

Ces problématiques touchent tous les secteurs professionnels. Indifféremment, de l’ouvrier non qualifié au cadre supérieur, elles affectent la confiance de chacun dans l’avenir, son employabilité, sa place sur le marché du travail, sa capacité à tenir face aux pressions et évolutions du monde du travail…

Mais d’ailleurs, et si on donnait aussi la parole à ceux qui en ont fait un ?

A Eric par exemple, serrurier industriel de 46 ans qui ne pourra plus exercer le métier qu’il exerce depuis 20 ans faute de pouvoir continuer à monter et porter seul son matériel de soudage sur son échelle à 20 m du sol…

A Jean, comptable en burn out, à qui la nouvelle direction de l’entreprise dit qu’il ne retrouvera jamais d’emploi avec si peu de compétences…

A Zohra, aide-soignante dans grand hôpital lyonnais, qui souffre de TMS et ne pourra jamais retravailler dans le soin…

A Carine, employée administrative, qui doit trouver un nouveau métier faute d’avoir su se former à temps pour évoluer dans un poste plus qualifié et utile à l’entreprise…

A Bruno, 51 ans, monteur en ascenseurs, qui déprime de voir son métier partir à la sous traitance avec une recrudescence des accidents du travail et sans pouvoir justifier d’un gain d’économie…

A Jean-Louis, RRH de 48 ans qui en est à son troisième plan social, et ne veut plus s’occuper de licencier les salariés…

Tous ont été accompagnés au CIBC et y ont trouvé une équipe engagée et des ressources adaptées pour les aider à réussir leur reconversion.

A ce stade, la Réforme de la formation professionnelle devrait amener à se poser plusieurs questions :

-         la question de savoir quelles compétences il faut posséder pour aider quelqu’un à se reconstruire et à se trouver un projet d’avenir en 24 heures (durée maximum légale d’un Bilan de compétences) sur 3 mois (son amplitude moyenne) ?

‐         la question du droit des personnes à faire appel à des compétences spécialisées, rémunérées à leur juste valeur, sans avoir à choisir entre un bilan (indispensable pour bien choisir) et une formation (indispensable pour mener son projet à bien) ?

La monétisation du CPF nous conduit à vous interroger justement sur l’effectivité et la qualité de cet accompagnement.

En effet, d’une part, le Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) dispose d’un budget propre. Ce qui est une avancée majeure. Mais son budget reste contraint (250M€ pour 1M€ d'actif, soit 250€par personne) et ne lui permettra de répondre qu’à une partie seulement de la demande sociale.

En parallèle, et faute de mode de financement approprié, il est fort à craindre que les individus ne mobiliseront pas leur CPF pour réaliser une prestation individuelle d’accompagnement. En effet :

- Bilan de Compétences : 3 ans de CPF monétisé contre une année de CPF actuel en heure !

- Validation des Acquis de l’Expérience : 3 voire 4 ans de CPF monétisé contre moins d’une année de CPF actuel en heure !

Tel qu’il est présenté, le projet de Loi commet l'erreur de faire rentrer dans le même « tuyau » de financement des actions de nature différente : la formation est collective, l’accompagnement est individuel. Leur finalité et leur business model sont différents.

Aussi, quel accompagnement effectif, demain, pour les actifs ? Et notamment les actifs les moins autonomes ?

Merci de contribuer à une large diffusion de ce message dans vos réseaux !


Gisèle Delalandre

Conseil - Services aux entreprises

6 ans

CPF..... difficile d utilser les heures ! Presque impossible à part pour des cours de langue !

Philippe Abou

Entrepreneur RH /Directeur associé AP Ressources Humaines / CEO & fondateur MyTalents / Sujets de prédilection : #innovationRH #RSE #transitionprofessionnelle #IAgenerative

6 ans

Bravo pour la pertinence et l'objectivité de votre message. Je pense qu'une mobilisation des CIBC et autre ASCBC est nécessaire et urgente pour obtenir des réponses cohérentes par le gouvernement. Et ce à la fois en direction des bénéficiaires et des professionnels du bilan.

Olivier GALLIERE

J'aide les collaborateurs à développer leurs compétences | Responsable Formation | BPCE-IT 💻🟣

6 ans

Attention : aujourd'hui mobiliser 20h ou 24h via le CPF ne couvre que très partiellement le coût du bilan de compétence qui reste en grande partie à la charge de l'entreprise (du moins en ce qui concerne mon OPCA). Je ne vois pas en quoi la monetisation changera cela dans un sens ou l'autre.

Géraldine R.

Assistante RH, jury titre professionnel

6 ans

Ayant bénéficié d'un bilan de compétences et étant depuis devenu formatrice, je ne peux qu'approuver à 100% ce dispositif qui permet réellement de connaitre ses compétences effectives et de découvrir où les mobiliser. La très grande majorité des stagiaires de la formation continue en "erreur de casting", c'est à dire qui découvrent au fil de la formation que ce métier n'est pas fait pour eux, n'ont pas fait de BC. A contrario, pour ceux qui en ont fait un, c'est quasiment 100% d'orientation correcte mais aussi 100% de réussite au titre pro.

Une analyse pertinente et vraie de la situation. une vision claire des enjeux pour le public que nous recevons

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