BLOCKCHAIN : LA MACHINE A CREER DE LA CONFIANCE...UN POTENTIEL IMMENSE DANS LE SECTEUR MEDICAL
Drosatos et Kaldoudi (2019)Blockchain Applications in the Biomedical Domain: A Scoping Review, Computational and Structural Biotechnology Journal 17 (2019) 229–240

BLOCKCHAIN : LA MACHINE A CREER DE LA CONFIANCE...UN POTENTIEL IMMENSE DANS LE SECTEUR MEDICAL

En 2015, Le Magazine The Economist a mis sur sa couverture la Blockchain en l’intitulant la machine à créer la confiance. Popularisée par le mystérieux Satoshi Nakamoto, dont on ne connaît rien sur son identité, inventeur de la monnaie virtuelle (le Bitcoin), le blockchain est en train de gagner du terrain dans tous les aspects de notre vie. Il s’agit d’une « blockchainmania » ou du « Blockchain of things ».

Pour les non-initiés, la Blockchain est le tiers de confiance. Elle remplace tous les agents garantissant les transactions. Ceci est particulièrement simple à comprendre en matière de transactions immobilières où elle remplacerait le registre des cadastres ou encore les notaires. Une chaine de blocs est un registre partagé entre les utilisateurs où toute opération (transaction) qui s’ajoute s’affiche sur le registre partagé par tous les utilisateurs de sorte que l’on ait une parfaite traçabilité. Les informations sont codées et sécurisées. Avec cette technologie on s’affranchit ainsi de la nécessité de recourir à une personne tierce qui garantit les transactions.

Après une première vague d’applications dans le secteur bancaire et monétaire – près de 1900 monnaies virtuelles existent de nos jours dont le plus connu est le Bitcoin et la plus surprenante serait la Facebook crypto monnaie – la blockchain rentre dans une vague 2.0 et 3.0 et devient une technologie d’ont l’usage se généralise à tous les secteurs. Pour comprendre la nécessité de la blockchain, prenant l’exemple des ressources humaines. Ses applications actuelles concernent presque tous les aspects de ce métier : paie, recrutement, management des équipes, incitations…Face à une recrudescence de la fraude dans le domaine des Curriculum Vitaes (CVs) – Près de 58% des employeurs ont constaté au moins une fausse information sur les CVs des collaborateurs recrutés (Sondage Career Builder, 2015), la blockchain offre la possibilité de vérifier les informations de manière sécurisée et fiable. De nombreuses universités se sont lancées dans la fourniture des diplômes et des curricula des étudiants via blockchain permettant aux recruteurs de vérifier la véracité des diplômes obtenus.

Dans cette brève synthèse, je tenterai d’expliquer son potentiel et ses usages dans le secteur médical et notamment en matière de sécurisation de la chaine pharmaceutique.

1.    De la pertinence de recourir à la Blockchain dans le domaine médical

Le secteur médical a toujours été considéré comme l’un des secteurs vitaux d’une économie donnée. La qualité des prestations, la disponibilité des opérateurs et du personnel soignant, la sécurité des médicaments ont toujours été au centre de tous les soins. Aujourd’hui, plusieurs problèmes sont au cœur de ce secteur, consécutivement à l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

D’une part, avec une production de données en quantité volumineuse par les usagers et les patients, la priorité des priorités concerne la sécurisation de ces données. Sauvegarder les données, les sécuriser et pouvoir les transmettre à tous les opérateurs (interopérabilité) constituent les problèmes principaux de tous les systèmes de santé. Ceci est particulièrement vraie dans les systèmes où le dossier médical partagé n’est pas encore d’actualité et où l’archivage des données n’est pas assuré.

D’autre part, face à la désinformation croissante sur Internet et la multiplication des « fakenews », on constate l’émergence d’une médecine sans garanties avec des pratiques illicites et parfois meurtrières : administration de médicaments par des faux docteurs, vente de médicaments douteux, mise en doute des arguments scientifiques (comme les compagnes contre la vaccination…). L’internet devient un espace dangereux pour les non-initiés en médecine.

Enfin, le trafic mondial des médicaments est en augmentation croissante. On estime de nos jours à 15% la proportion de médicaments dans les pays industrialisés venant de circuits parallèles. Cette proportion atteint 30% dans les pays en développement. Cela voudrait dire que même des entreprises internationales comme SANOFI ou ROCHE et même si vous vivait dans les pays les plus disciplinés du monde on n’est plus à l’abri de la prise d’un médicament inefficace ou un médicament dont les composantes sont trafiquées et non contrôlées. Ce trafic mondial des médicaments avec comme base l’Inde et la Chine et comme circuit de recomposition l’Amérique Latine inquiète au plus haut niveau.

Alors que la Médecine progresse et qu’une quantité importante de nouveaux médicaments plus efficaces et utilisant de meilleures stratégies pour combattre les maladies voient le jour, le risque d’être victime d’une prise d’un médicament « trafiqué » ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, être « hackée » et se faire prendre ses données de santé en contrepartie de rançons est entrain également d’augmenter. Ces problèmes constituent des problèmes planétaires et nécessitent des réponses de grande envergure.

2.    L’usage de la technologie Blockchain est un début de réponse

Face à ces problèmes, qui nécessitent des réponses immédiates, de nombreux pays et entreprises du secteur médical se tournent vers la technologie blockchain.

D’une part, le recours à la technologie blockchain pourrait constituer une bonne réponse au partage des données et à leur sécurisation. Les patients se verront ainsi disposer d’un registre partagé, crypté et sécurisé retraçant la totalité de leur parcours de santé qui pourrait être partagé par l’ensemble des acteurs de la santé sans risque. Ceci permettra de remplacer les premières générations des cartes de santé telles que la carte « Chifa » en Algérie ou la carte « Vitale » en France.

D’autre part, le recours à la blockchain pourrait sécuriser les chaines des médicaments. Cette technologie consiste à retracer les étapes de la production des médicaments jusqu’à leur administration et permettant une parfaite traçabilité. Dans ce cadre, il est facile de vérifier la provenance du médicament et la sécurité de ses composantes !

De nombreuses initiatives sont aujourd’hui en cours de développement comme Medcredits. D’autres initiatives cherchent à développer une crypto monnaie pour le secteur médical comme CoinHealth. Après les scandales de type le scandale du Baxter plusieurs entreprises du secteur ont lancé des blockchains spécialisées dans le secteur de la pharmacie comme BLOCKPHARMA ou encore CRYSTALCHAIN. Dans le même temps, de nombreux pays cherchent à lancer des initiatives en matière de Blockchain dans le secteur médical et cette tendance s’accélérera dans les années à venir.

Mais cette solution nécessite un changement de paradigme et des capacités croissantes des pays à tourner le dos à des pratiques anciennes où le contrôle de la chaine des médicaments est une source de revenus à d’autres types de trafics.

3. Un potentiel infini d’applications dans le domaine du biomédical mais des préalables sont nécessaires

Si la mise en place d’une solution blockchain apparaît à première vue comme une solution fiable sur le secteur médical permettant de résoudre les problèmes émergents, il est important de souligner que la technologie manque encore de maturité et n’est pas complètement sans faille. Une des principales défaillances de la solution blockchain concerne son aspect énergivore. Cette technologie consomme beaucoup d’énergie. Aujourd’hui, le coût énergétique de la fabrication d’un bitcoin est supérieur à sa valeur monétaire. Sans des avancées réelles sur ce plan, on ne pourra généraliser cette technologie dans tous les secteurs où des applications potentielles existent ! D’autre part, la blockchain nécessite également de revoir le cadre réglementaire. Une information contenue dans une chaine de blocs ne peut être effacée. Or, ceci est en contradiction avec le principe du droit à l’oubli contenu dans le directive européenne (RGPD). D’autres obstacles juridiques nécessitent également d’être résolus avant sa généralisation.

De nouvelles générations d’applications permettant de résoudre les problèmes actuels de la blockchain seront d’une utilité grandissante dans les années à venir. Le secteur médical nous semble le secteur où les applications seront les plus attendus compte tenus des problèmes auxquels il fait face. Toutefois, la blockchain n’est qu’une facette du déferlement technologique actuel. Sa combinaison avec l’IA, l’Internet des Objets, la réalité augmentée et la réalité virtuelle permettront de révolutionner la santé de demain. La santé demain sera personnalisée, prédictive, préventive et participative. Les technologies digitales, dont la blockchain seront des éléments fondamentaux à son déploiement !

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