Bouleversements
La période que nous vivons aujourd’hui est inédite. Elle contient un certain nombre « d’ingrédients qui viennent nous toucher très profondément dans notre fonctionnement psychologique, dans nos habitudes, dans nos valeurs. Ces ingrédients ont besoin d’être pris en compte séparément et ensemble. Ils peuvent réveiller des sensations, des impressions et des souvenirs qui s’invitent sans crier gare mais parfois avec force et qui demandent à être écoutés.
Quelque soient nos conditions de vie, nous avons été touchés et sommes restés un moment subtilement hébétés, ahuris face à une situation inédite, in-croyable et inconnue. Cet inconnu perdurera pendant un temps inconnu encore.
Ce n’est pas simple de décélérer et d’effectuer ce retournement de l’extérieur vers l’intérieur et de rencontrer notre fragilité. Mais cette fragilité nous la connaissons bien, nous ne la montrons pas mais elle est là présente, nous la croisons régulièrement et détournons le regard.
Et si aujourd’hui en ce temps inédit nous prenions le temps de l’accueillir !
Elle nous offrirait le cadeau de la Vie, celui de l’élan créateur, celui de l’apaisement et de la réconciliation profonde avec soi. Dans ce retournement vient aussi à notre rencontre la personne que nous sommes avec toute sa richesse, sa liberté, sa faculté de réflexion et de prise de recul
Et si nous prenons le temps de nous rencontrer, de nous écouter dans la complexité de nos réactions, de nos différentes facettes, nous serions en mesure de découvrir ce qui est juste pour nous, ce qui nous convient, dans ce contexte, pour rester en équilibre. Nous serions en mesure, en tenant compte de toutes les contraintes imposées de découvrir notre marge de liberté dans le respect des autres.
Ci-après un recueil de 3 textes de Akoté confiné….
- Fais pas ci fais pas ça et vice versa
La déferlante de propositions en tous genres pour tromper l’ennui n’en finit pas.Cette profusion n’a d’égale que la saturation médiatique autour du fléau. Les écrans offrent en boucle la peur, les milles et une façon de combler le temps qui passe, et bien-sûr les « webconf » en cascade. Il y a longtemps que je n’ai pas joué au flipper, mais c’est ce qui me vient, on rebondit d’un plot sur l’autre ça fait ding ding dans nos têtes. Et peut être même que ça sonne un peu creux !
Comme si le vide imposé ( entre les gens ) faisait de l’écho dans nos têtes et nos corps qui cherchent frénétiquement à se nourrir dans la mangeoire médiatique. Dépouillé des routines, des habitudes, des certitudes qui prennent tout l’espace de nos vies, on est tout nu, agité dans le silence, inquiet. Pourtant, la cage est ouverte.Comme les animaux de laboratoire qui un jour, par la détermination de quelques humains, rejoignent un sanctuaire, il y a un long moment d’hésitation, d’hébétude avant de quitter la cage et de marcher librement.
Nos conditionnements sont tels qu’il nous faut du temps pour réaliser que ce silence nous est offert, certes comme une gifle, mais qu’il peut être aussi une promesse inouïe.
Encore faut il le supporter, l’écouter, pour arriver à s’entendre soi même.
Nous avons la vacance, le flottement, la brume, nécessaires pour retrouver l’envie de choisir le cap, pour nous mêmes, pour les enfants, pour la nature et pour nos frères animaux.
La terre a pu ôter son masque FFP2, les oiseaux sont audibles, l’air respirable, les tortues viennent pondre en masse sur les rives océanes, les chinois voient les étoiles, une multitudes d’actes solidaires émergent, le local reprend du poids et la mesure de la mondialisation est pesée à sa juste démesure.
Regardons la vie qui reprend quand nous sommes tenus de ralentir et de nous taire, quand la finance n’est plus le capitaine.
Ce temps qui passe est une chance improbable, violente, inespérée, extravagante de nous réinventer ensemble, d’aligner notre humanité avec le vivant.
Qui est le virus de qui ? A nous de choisir
- L’inconnu
Nous parlons de l’inconnu, nous y réfléchissons, nous l’imaginons, nous le redoutons mais quand nous y sommes confrontés individuellement, collectivement à l’échelle de la planète que se passe-t-il en nous ? Comment vivons-nous ce passage ? Comment pouvons-nous nous accompagner dans le respect profond de notre être ?
Autant de personnes, autant de réactions différentes car les évènements extérieurs ne viennent pas nous toucher pareillement. Nous sommes chacun, chargés de nos histoires, de l’histoire de notre famille.
Mais n’oublions pas, nous sommes aussi riches des expériences que nous avons traversé dans notre vie. Ces expériences nous ont révélés à nous même, ont fait apparaître des qualités de force, de patience, d’intuition de confiance dans la vie.
Je cite ici quelques qualités et je vous invite à vous donner l’opportunité de vous arrêter…
Contemplez certains passages difficiles de votre vie, certains évènements que vous avez traversés. Faites appel à votre mémoire et laissez-vous les évoquer comme si cela se passait maintenant. Portez votre attention sur toutes les richesses auxquelles vous avez fait appel pour traverser ces moments : facultés, qualités, instinct de vie, idéal.
Prenez le temps s’il vous plait de les regarder, de les ressentir et d’être touchés au plus profond par votre désir de vie qui était là, qui est là et qui sera là pour le futur.
En évoquant ces moments difficiles parfois, vous avez réveillé en vous vos richesses. Revenons maintenant au présent, à l’instant et regardons comment nous pouvons également nous accompagner dans l’instant.
Nous entendons aujourd’hui beaucoup dire : prends soin de toi, accueille tes émotions, lâche prise. Les injonctions s’accumulent. En général comme il n’y a pas de mode d’emploi, c’est plutôt difficile d’y arriver; cerise sur le gâteau on n’y arrive pas et donc on est nul puisque toutes les personnes qui nous ont passé les injonctions semblent y arriver elles ! Je viens de donner la parole aux petites voix dévalorisantes et légèrement destructrices qui sont en chacun de nous avec nos variantes personnelles.
Quel chemin pouvons-nous prendre ? Ce chemin s’appelle l’accueil de soi, de ce qui se passe en soi, instant après instant. Illustrons notre propos : comment pouvons-nous, nous accueillir dans la peur que nous avons face à l’inconnu ?
D’abord entendre profondément que la peur face à l’inconnu est légitime et naturelle. On pourrait comparer l’accueil de soi vis-à-vis de soi comme l’accueil d’une mère disponible et bienveillante vis-à-vis de son enfant. L’enfant accourt vers sa mère et vient se réfugier dans ses bras pour lui dire sa peur. La mère laisse l’enfant parler, décrire ce qui se passe, ce qu’il ressent puis elle pose des questions, reste attentive et laisse tout l’espace de parole à l’enfant pour qu’il puisse explorer et se familiariser avec cette peur.
Avoir pu en parler, décrire, nommer a fait diminuer la peur. Elle est encore là, mais elle a repris sa place et surtout elle ne s’est pas transformée en panique.
Nous accueillons-nous ainsi en profondeur, accueillons-nous nos états intérieurs et nos émotions ? Non malheureusement.
Très souvent nous nions l’évidence. Nous répondons à l’injonction très répandue : « il ne faut pas avoir peur ou ne cédez pas à la peur » et la peur mécontente de ne pas avoir été prise en considération se transforme en panique ou en agressivité. Nous reproduisons avec nous-même ce que nous avons déjà subi. Pour nous rassurer face à la peur nous avons entendu : « ce n’est rien. Cela va passer, n’y pense pas ».
L’enfant, dans sa fragilité est venu se confier et chercher du réconfort et il n’a pas été reçu. Aujourd’hui l’adulte dans sa fragilité vient nous dire « j’ai peur » et nous ne l’accueillons toujours pas. La peur est un signal, c’est notre instinct qui parle, alors écoutons-le. Ainsi la peur restera-t-elle à sa place et ne se transformera pas en panique ni en désir d’agresser le monde extérieur.
Nous avons aussi en nous le pouvoir de nous centrer sur l’instant présent. Ralentir, retrouver les sensations de son corps, de son cœur le calme de son mental.
Entrer consciemment dans le va et vient régulier de sa respiration, sentir comment ce serait si sur l’expiration je pouvais relâcher les tensions que je ressens dans différentes parties de mon corps, comment ce serait si je pouvais me reposer au plus profond de moi et goûter au bercement de la respiration dans lequel j’entre progressivement. Comment ce serait si je me donnais tout le temps dont j’ai besoin pour reprendre des forces.
Lorsque je pose la question comment ce serait si, je fais appel à l’imagination, à la mémoire et à un désir profond. Ce sont les 3 conjugués qui peuvent être des leviers puissants de changement d’état.
L’inconnu me sera révélé au fur et à mesure où j’avance. Quand je me tiens dans le présent, je développe toutes mes forces, mes facultés, je découvre le trésor caché au plus profond de moi.
- Et après ?
Et après…Nous nous prêtons à rêver de ce que nous allons faire, vivre, entreprendre une fois que nous aurons traversé la crise.
Certaines personnes s’activent pour ranger, trier, nettoyer. D’autres partent au travail « comme d’habitude » mais avec un sentiment réel d’être en danger. D’autres encore, bien aidées par l’entreprise, passent d’une réunion zoom à une confcall pour zapper sur skype. « Rentrés chez eux », il y a les enfants, les devoirs, les courses, les repas et la vaisselle. Et pourtant à écouter la radio et la télé certains s’ennuieraient et il faut de quoi les divertir. Nous ne sommes pas égaux dans ce moment de vie.
Au milieu de ce tumulte, me vient une question qui pourrait monter du fond de chaque être, mais qui a souvent beaucoup de mal à être entendue.
Une petite voix qui dit timidement : « Et moi, si tu m’écoutais s’il te plait » - « Pardon ais-je bien entendu j’entends des voix maintenant ! » - « Non, tu entends une voix, j’essaie de te parler depuis si longtemps ! - Comme tu ne m’écoutais pas, j’ai essayé de m’exprimer par la voie des émotions : la tristesse c’était moi, la peur et l’angoisse c’était moi, la colère et l’énervement c’était moi. Et comme tu ne répondais pas, tu as eu mal au dos, mal à la gorge, tu as éprouvé une fatigue infinie à ne plus pouvoir sortir du lit et c’était encore moi. Tu m’as pris en grippe mais j’essayais et j’essaye encore aujourd’hui de te parler. Je sais que tu n’es pas habitué à écouter ce qui vient de toi, tu préfères écouter les autres, te distraire, communiquer ».
Il y eu un silence, un long long silence…
Dans ce silence, une respiration pris place dans un profond bercement et le calme s’installa tout doucement : « Merci, je me sens moins seule maintenant. J’ai espéré cette rencontre depuis si longtemps. Au plus profond de toi , j’ai élu domicile depuis toujours. Je suis ta fragilité, je suis ta création, je suis ton élan de vie, je suis ton espérance, je suis l’harmonie et la beauté. M’entendras-tu maintenant …et après ? »
Coordinatrice chez ISANGO-FORMATION
4 ansMerci pour ces très beaux textes qui résonnent beaucoup pour moi.
Executive & C-suite Coaching and Assessment - Team Coaching - Emotional Intelligence Practitioner
4 ansBravo pour ce très bel article .... « Nos conditionnements sont tels qu’il nous faut du temps pour réaliser que ce silence nous est offert, certes comme une gifle, mais qu’il peut être aussi une promesse inouïe. Encore faut il le supporter, l’écouter, pour arriver à s’entendre soi même. » bravo 🙏
Accompagner les dirigeants et leurs équipes à passer un cap/Executive Coaching/Accompagnement d'équipes/Changement Emergent
4 ansTrès beaux textes...il manque la ou les signature(s)