Bruxelles veut accélérer l'adaptation aux effets du réchauffement
Parallèlement à son pacte vert, qui vise à décarboner son économie, l’Europe des 27 veut s’adapter aux effets du réchauffement.
Cela n’a pas fait grand bruit. Le 24 février, la Commission européenne a publié sa nouvelle stratégie communautaire d’adaptation aux conséquences du réchauffement. Les changements climatiques auraient donc des effets tangibles sur notre environnement, nos activités ? Gagné ! En trois décennies, les dates des vendanges ont été avancées de deux à trois semaines sur le continent. Le risque de submersion marine s’accroît d’année en année. Et de nouveaux ravageurs dévastent les forêts d’Europe centrale. Et la situation ne promet pas de s’améliorer de sitôt.
Une Europe toujours plus chaude
Les prospectivistes du programme de recherche Peseta estiment que l’économie européenne pourrait subir des pertes de 175 milliards d’euros par an, avec un réchauffement de +3°C (la tendance que nous poursuivons aujourd’hui). A cela, on peut ajouter les dégâts causés par les inondations, promises à devenir plus fréquentes et plus importantes dans les prochaines décennies. Montant du devis annuel : entre 450 et 650 milliards d’euros, selon l’étude Coacch. Dès 2050, le PIB de l’UE 27 pourrait être rogné de 1 à 2% par an (c’est le niveau de croissance française moyen en période hors Covid-19) par les conséquences du réchauffement.
Bien sûr, tout le monde ne supportera pas les mêmes effets. Un réchauffement global de +2 °C fera monter le thermomètre espagnol de +3°C et de +4 °C le mercure scandinave. Ce qui pourrait perturber les activités agricoles de la péninsule ibérique, mais faire prospérer celle du nord de l’Europe. Les vagues de chaleur frapperont 30 fois plus qu'aujourd'hui les populations des pays riverains de la Baltique mais 40 à 50 fois ceux baignés par la Méditerranée, rappelle la 4e mouture de l’étude Peseta.
Une Europe soumise aux pluies et aux inondations.
L’adaptation, ça n’est pas du luxe. Mais on est loin de mettre en place les moyens pour s’y préparer, comme l’a souligné le récent sommet mondial organisé par le gouvernement néerlandais.
Que propose la Commission ? D’abord, de mettre un peu de cohérence dans les politiques et les plans nationaux. Il s’agit de préparer l’échéance de 2023. L’article 14 de l’accord de Paris impose à ses pays signataires de présenter, dans deux ans, un bilan de ce qu’ils auront fait ces 8 dernières années en matière d’atténuation (baisse des émissions) et d’adaptation. C’est le fameux Bilan global. Les évaluations suivantes devront être publiée à un rythme quinquennal.
En rouge, les pays où la productivité du travail sera fortement affectée par le réchauffement.
Entreprises, collectivités et pouvoirs publics sont ainsi invités à faire connaître leurs initiatives sur le site Climat Adapt. Ce qui permettra aussi de partager les bonnes pratiques. La plateforme sera élargie. Dans les prochains jours, elle abritera un observatoire des effets du changement climatique sur la santé. En 2019, la canicule a tué 2 500 Européens.
Bruxelles incitera aussi, incitations financières à l’appui[1], les 27 à renforcer leur politique nationale. Les états membres sont priés de privilégier les « solutions basées sur la nature », de préférence adaptées à chaque contexte local. Les bases de données des systèmes d’observation Copernicus et Emodnet seront, dans ce but, largement ouvertes. Les Etats devront aussi systématiquement évaluer le coût de l’adaptation des grandes infrastructures aux effets du réchauffement. La Commission accélèrera la définition de nouvelles normes de construction et de rénovation de logements.
Prendre en compte le réchauffement et ses conséquences
La Commission entend faire passer le mot : « de la PME s’installant dans des zones vulnérables, aux ménages rénovant leur logement, des grandes entreprises gérant des chaînes d’approvisionnement complexes, aux banques accordant des prêts, tous les investissements et décisions politiques devront être pris en tenant compte des changements climatiques et de leurs conséquences. » Bruxelles devrait prochainement lister des solutions naturelles durables, dont certaines pourraient être soutenues financièrement. En lien avec la refonte de la stratégie financière durable, l’exécutif communautaire prépare un train de mesures visant à améliorer la couverture assurantielle des Européens.
La Convention des maires se chargera de collecter et de diffuser les bonnes pratiques urbaines. Elle pourra également proposer une assistante technique aux collectivités.
Les effets du réchauffement amplifient les risques de déstabilisation de certains Etats très vulnérables. On le voit dans certaines régions de l’Afrique sahélienne. Ce type de risque affecte aussi le continent. Raison pour laquelle, la Commission entend accroître son soutien à l’adaptation des pays des Balkans. Ce n’est pas déraisonnable.
[1] Via les fonds structurels, la politique agricole commune, le programme Life, les programmes de soutien post-Covid et les prêts de la Banque européenne d’investissement.