Calamar & probabilités
Comme l’indiquait Romain Doutriaux, la création d’un contenu relatif à #SquidGame, semble le passage obligé de toute communication en ce moment. Je m’y essaie, à la mode data science et probabilités !
Dans le quatrième jeu, les joueurs s’affrontent deux à deux (cruelle idée que de laisser les joueurs constituer ces paires alors qu’ils pensent choisir un partenaire et non un adversaire !) dans un jeu de billes.
Chaque joueur est muni de 10 billes et doit gagner les 10 billes de l’autre joueur en moins de 30 minutes, sans recourir à la violence. Plusieurs duo choisissent, non pas un jeu d’habilité, mais un jeu où chaque joueur doit deviner à tour de rôle si son adversaire a caché un nombre pair ou impair de billes dans sa main. Le joueur dont c'est le tour de deviner cache lui aussi des billes qui constituent son enjeu pour ce coup. S’il devine la parité des billes cachées par l’adversaire, il lui prend un nombre de billes égal au nombre de billes qu’il a parié. S’il se trompe, il donne alors à son adversaire un nombre de billes égal à celles cachées par celui-ci. Et ainsi à tour de rôle.
Même si c’est un jeu de devinette simple, il n’est pas sans subtilité quant au choix du nombre de billes à cacher ou à parier. Mettre en jeu beaucoup de billes permet de gagner gros, mais aussi de perdre gros. On peut même se demander si ce n’est pas la tactique du vieil homme contre Gi-hun, qui parle beaucoup et regarde intensément son adversaire avant de faire son choix.
Dans la partie opposant Ali à Sang-woo, ce dernier sort de ses gonds en accusant Ali de tricher parce qu’Ali a deviné trois fois de suite correctement le nombre de billes cachées par Sang-woo. Il a par ailleurs précédemment expliqué à Ali qu’il avait une chance sur deux de deviner correctement (pair ou impair). Sang-woo hurle qu’il est impossible qu’Ali ait pu voir juste trois fois de suite (il veut sûrement dire très peu probable...).
Même s’il a étudié à l’université de Séoul, Sang-woo commet là une erreur classique d’interprétation des probabilités. Comme au jeu de pile ou face, la probabilité de deviner correctement reste à chaque coup de 50 % (mettons de côté pour l’instant la dimension psychologique du jeu, ainsi que les cas particuliers comme celui où il ne reste plus qu’une bille à celui qui cache…). Il n’y a donc pas de raison de s’en prendre à Ali, si ce n’est par peur de l’issue du jeu. Les simulations montrent qu’un jeu de pile ou face peut présenter des séquences que l’on jugerait très peu probables, et qu’une suite de tirages ne converge vers une répartition 50 % - 50 % qu’au bout d’un assez grand nombre de lancer, avec une marge d’erreur proportionnelle à 1 / √(n), où n le nombre de lancés (donc la convergence est plutôt lente).
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La dimension psychologique et l’intuition joue probablement un rôle, qui font du jeu quelque chose de très différent d’un lancer à pile ou face. Les joueurs tombent alors forcément dans des raisonnements récurrents infinis du type s’il pense cela alors je pense ceci, mais il pense que je pense ceci, alors il va faire cela, etc.
C’est une situation que l’on retrouve dans un autre jeu typique de devinette à deux joueurs : pierre, feuille, ciseaux (ou chifoumi). Le jeu est censé être un jeu de hasard pur, quand il est joué face à un ordinateur par exemple. Par contre, entre deux humains, plusieurs biais peuvent conduire à des stratégies sous-optimales, permettant à un des joueurs de prendre l’avantage. Il est par exemple difficile pour un joueur humain de générer une séquence complètement aléatoire, et donc un adversaire observateur et calculateur pourrait détecter un biais dans les choix de son adversaire. Par ailleurs, au moins une étude a montré un biais cognitif vers la pierre, ce que pourrait exploiter un joueur connaissant ce biais sur un grand nombre de parties !
Donc, à l’avenir, assurez-vous si votre adversaire connaît les probabilités et les biais cognitifs du chifoumi, avant de parier votre vie dessus !
Pour aller plus loin sur ce sujet des probabilités et du hasard, je vous recommande l’ouvrage d’Hubert Krivine, Petit traité de hasardologie, 2018, éditions Cassini, très accessible.
Ca me rappelle les gens qui ont eu 2 garçons et se disent qu’ils ont de bonnes chances d’avoir une fille au 3e. Certains de nos collègues, en bon statisticiens, se sont arrêtés à 2 :) Didier Richaudeau
Global Account Manager @ UiPath | SaaS Sales, C-Level
3 ansYou made my day…désormais je vais imiter le caractère aléatoire d’un cpu et rafler la mise à Pierre Ciseau Papier en me rapprochant des 50% théorique de chance de descendre la poubelle dont je suis loin aujourd’hui puisque je m’y colle presque toujours avec cette manie de jouer « pierre » n valant dans mon cas 365 si je me réfère à une seule année ou 365*15 si on considère l’intégralité de ma vie de couple…merci encore Hervé !