Calendrier de l'Avent Culture: 13 Décembre - 13 Sentinels: Aegis Rim

Calendrier de l'Avent Culture: 13 Décembre - 13 Sentinels: Aegis Rim

13 Décembre.

13 Sentinels: Aegis Rim est probablement un des jeux vidéos les plus passionnants qui nous a été donné d'avoir en 2020, même s'il a eu peine à trouver son public en France. A cela n'est pas étranger le fait que ce jeu produit par les japonais d'Atlus est en grande partie issue du genre assez niche qu'est le "visuel novel."

Difficile d'expliquer ou de faire comprendre l'engouement ainsi que les dithyrambes de certains à propos de ce type de jeu au demeurant très trivial lorsque l'on en a jamais fait l'expérience. Il faut par ailleurs, dans la plupart des cas, ne pas être allergique à l'esthétique manga nippon - malgré la pluralité de son style - et aux imageries très colorées, excentriques, parfois outrancières. Le visual novel, donc, invoque les codes qu'une narration linéaire et littéraire, en utilisant en renfort le son, la musique et les images (animées ou non) pour raconter son histoire; on y mêle une part plus ou moins grande de gameplay afin de renforcer l'interaction entre le medium et son lecteur, afin de faire de ce dernier un joueur. L'alchimie n'est pas toujours aisée ni évidente, et pour ceux qui s'y plongeront sans y avoir été préparé, il est fort probable qu'à quelques heures de confusion s'en suivront aussitôt un abandon agacé. Effectivement, il peut être désagréable de lire de longs pavés sur un écran et de tenir une manette ou une souris, pour au final ne faire qu'avancer des dialogues et enchaîner des illustrations.

Pour être honnête, je ne suis pas du tout un spécialiste du visuel novel. Je sais qu'il y a des véritables passionnés du genre qui sauront en parler en long et en large d'une manière qu'il me serait impossible d'effleurer. Je ne peux que vous inviter à trouver vous-même la curiosité d'y jeter un œil. C'est après tout dans ce style de jeu, que l'on trouve les œuvres vidéo-ludiques les plus adulées et unanimement portées aux nues sur certains célèbres sites de critiques: je prends pour exemple Umineko no naku koro ni de l'éditeur spécialiste 7th expansion. Une intrigue immensément bavarde et longue, dans laquelle se déploie un mystère policier et fantastique comparable dans son pitch de départ à une des histoires d'Agatha Christie. Si j'en suis moi-même un actuel joueur et un semi-convaincu tant l'expérience est lente et ardue, je ne peux qu'en reconnaître la colossale ambition narrative et suis toujours autant stupéfait par les éloges émues que je peux lire régulièrement à son sujet; voilà qui me pousse toujours plus loin dans l'aventure, avec une impatience frémissante de moi-même peut-être découvrir ce qui en ferait un tel Everest parmi les montagnes.

J'ai découvert le genre, de mon côté, avec le pastiche américain Doki Doki littérature club, de la Team Salvato, une œuvre aux abords parodiques et mièvres qui se change en piège psychologique, malin et terrifiant dans les mains du joueur, où le gameplay réside dans le faire de permuter son fond avec sa forme. Une claque formidable qui, en moins de cinq heures de jeu, m'avait convaincu. Je voulais en découvrir plus. Vint ensuite le célébrissime jeu de procès Phoenix Wright dont la trilogie originale, sidérante d'inventivité et d'humour, m'aura marqué de la plus belle des manières et sur laquelle je ne m'étendrais pas trop au risque de me perdre définitivement en digressions. Enfin, plus récemment; je terminai 13 Sentinels: Aegis Rim.

Le jeu est donc dans sa nature profonde, un visuel novel. Il est très bavard, textuel, quelques fois répétitif dans ses cycles de narration et il place tous ses effets visuels et de gameplay au service de son scénario. Cependant, dire que l'expérience de ce jeu pourrait tout autant se transposer dans un roman ou dans un manga serait on ne peut plus à côté de la vérité. Car cette l'histoire qu'on nous raconte ici n'aurai jamais pas eu être raconté ailleurs ni autrement.

Le synopsis nous offre un récit choral entre non moins que treize protagonistes. Tous bien définis, caractérisés et très vite rendus attachants. Chacun d'entre eux possède sa propre aventure, avec ses enjeux et motifs récurrents, tout en étant inévitablement liée aux autres. Evidemment on comprend vite l'intérêt du récit choral. Toute l'originalité est de développer autant de personnages principaux en même temps sans qu'aucun ne soit délaissé ou rendu mineur, en faisant en sorte que toutes ces intrigues se complètent entre elles dans une satisfaisante mosaïque ludique. Le jeu s'articule alors en trois dimensions dans lequel le joueur va passer des heures à se plonger pour s'en approprier la mécanique. Un écran nous permet de faire avancer l'histoire principale des personnages, dans l'ordre que l'on souhaite et à notre rythme tant que cela nous est permis par le jeu; un autre nous offre une phase (nécessaire pour avancer) de "tower defense" où l'on nous plonge directement à la fin de l'histoire, sans nous en donner les clés, où le gameplay repose sur de la survie et de la tactique au tour par tour; et enfin un écran comprenant les archives et le codex. Ce dernier pan du jeu, loin d'être le moindre, est probablement celui qui m'a consumé le plus grand nombre d'heures et d'attention. Il en est réalité le cœur central, la véritable porte d'entrée du joueur dans le monde du lecteur.

13 Sentinels: Aegis Rim est un mystère. Un beau et dévorant mystère. Je ne veux absolument rien révéler de l'histoire et, bien que cela en soit pourtant l'intérêt premier, c'est pour cette raison que j'évite le plus possible d'en faire un résumé, même superficiel afin de ne pas ôter la moindre parcelle du plaisir infini qu'est celui de tout découvrir depuis le début. Mais en voici le principal ressort: au milieu d'un méli-mélo de références à divers univers de science-fiction, de thématiques croisées et trompeuses, de multiples rebondissements en chaîne qui ne cesseront jamais de nous étourdir; le jeu est un puzzle. Un immense et inlassable puzzle qui transforme un très bon scénario en une excavation ludique et éprouvante du joueur, et où chacun des treize personnages détiens une partie des pièces (celles-ci étant mélangées, tronquées, faussées; ayant besoin du joueur pour toutes les restaurer). Ainsi, on s'amuse puis se retrouve captivé à choisir avec précision laquelle des treize histoires nous allons poursuivre, et dans quel ordre, afin d'obtenir les réponses qui nous pressent le plus et dont nous avons le plus besoin. Et même lorsque nous pensons détenir la bonne méthodologie et les meilleurs pistes, le jeu se retrouve toujours à renverser la situation, à changer les règles et à nous forcer à redoubler encore d'ingéniosité pour le percer à jour. Là intervient les archives et le codex; un stock d'informations rassemblées au fur et à mesure par le joueur, et diverses chronologies qui s'alimentent des évènements du scénario. Cette place devient comme une bibliothèque d'étude, aussi rassurante qu'absorbante dans laquelle on se perd et où notre esprit devient l'arène du jeu, autant que sur l'écran. Une enquête intérieure devient une part entière du gameplay. Et elle se déploie à mesure que le mystère s'épaissit, et qu'une intrigue complexe aux mille et unes idées se déploie à nous, jusqu'à un formidable dénouement final.


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13 Sentinels: Aegis Rim, édité par Atlus et développé par Vanillaware, est une perle narrative et ludique qui séduit par sa très jolie direction artistique, son charadesign et son atmosphère. Une excellente porte d'entrée dans un genre du jeu-vidéo assez imperméable de prime abord, en plus d'un hommage passionnant et enthousiasmant à la science-fiction et à tous ses mediums. Un périple émotionnel et diégétiquement génial, à la portée de quiconque lui donnera une chance.


Léo Martin.

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