Cameroun: La république de la haine et de l'intolérance
Depuis les folles années des débuts de la décennie 1990 (qu’on avait bien désignées par « années de braise »), on n’a plus observé autant d’engouement autour de la chose politique au Cameroun. Il faut dire que le contexte le justifie avec la crise multiforme qui tenaille le pays depuis quelques années déjà. Le constat sincère qu’on peut, en effet, faire révèle un pays qui a mal en sa gouvernance, en son idéal sociétal et en sa citoyenneté. Nul doute donc que les prochaines élections présidentielles prévues pour le 7 octobre prochain ne peuvent être réduites à un simple exercice de choix d’un président de la république. C’est l’histoire et l’avenir du pays qui sont en jeux. Car le choix que feront les camerounais lors de cet exercice engagera le devenir de leur pays, non pas seulement pour les sept prochaines années, mais impactera durablement sur leur destin en tant que nation. Les enjeux sont donc importants.
Cependant, si l’on peut comprendre le déchainement de la passion observée aujourd’hui chez les concitoyens au regard des enjeux sus-évoqué, il reste cependant choquant de constater que cette passion se cristallise autour de comportements et attitudes douteuses en contexte dit démocratique et dont l’économie n’a jamais été d’un grand apport dans la construction d’une nation qui se veut fière de sa richesses et de sa diversité.
Au premier rang de ces comportements et attitudes (disons le qualificatif : abjects) citons L’INTOLÉRANCE. En effet, au Cameroun il est devenu dangereux, en ces temps de campagne, de reconnaître publiquement une préférence politique sans courir le risque d’être jetée à la vindicte populaire par certains de vos compatriotes qui se croient dépositaires de la norme républicaine (ou patriotique) de la pensée ou du choix politique. Ils s’acharnent sur vous à la manière d’une meute de fauves avides de sang et de cris de suppliciés agonisant sur la place publique. Toutes les astuces sont permises : images de vous (parfois retouchées ou détournées de leur contexte originel), vos déclarations (dont l’exploitation est orientée à dessein) ou encore quelques morceaux choisis de votre vie (qu’on n’hésite pas également à déformer), lu but étant de vous faire le plus de mal possible. Le message qu’on semble vouloir vous adresser est simple : SI VOUS NE PENSEZ PAS COMME NOUS, VOUS ÊTES CONTRE NOUS, ET COMME VOUS ÊTES CONTRE NOUS, VOUS N’ÊTES PAS UN HUMAIN NORMAL. On oublie donc que le premier privilège qu’offrent la République et la Démocratie tant clamées par ces « bien penseurs », c’est bien celui d’avoir son mot à dire, donc d’avoir également le choix !fut-il différent de celui de la multitude. De l’intolérance à la xénophobie (et ses conséquences désastreuses), le fil est bien mince. Alors, bonjour la haine!
Ce qui nous amène au deuxième palier, celui de la HAINE GRATUITE. Elle se manifeste ici par des propos violents, ethno centrés (pour ne pas dire tribalistes) et dégradants, frôlant (s’ils ne s’y confondent pas simplement) la diffamation et l’appel au meurtre. Et dans cet exercice, aucune limite. On n’hésite donc pas à nous raconter quelle position vous prenez dans votre lit avec votre conjoint, la puissance ou la taille de votre sexe, votre infécondité (ou l’incapacité de votre conjoint à pouvoir procréer) et que sais-je encore? La liste est longue et difficilement égrainable sans qu’on en ait la nausée. De même, on ne s’arrête pas sur votre personne, on s’en prend également à vos proches (femmes, époux, enfants, collègues, amis, etc.). On a la plume et la parole bavante de haine, de ressentiment et d’envie de meurtre. Le mot est dure, cruel, rancunier et n’hésite pas à emprunter au langage martial. On n’hésite donc pas à dire, du haut de sa «bienpensance » : IL(ou ELLE) SERA NEUTRALISE(E) ! « Neutraliser », le mot est lâché et on s’en donne à cœur joie, avec pour seule intention ABATTRE. Oui, abattre celui d’en face, celui qui ne pense pas comme nous, celui qui n’est pas avec nous, celui qui est différent de nous. Les plateaux de télévision, les réseaux sociaux et les lieux communs (transports en commun, bars, marchés, etc.) se transforment en arènes, pas seulement arènes de la parole ou du choc des idées, mais arènes de la mort ! Oui, le seul verdict c’est celui de la « mort » de "l’adversaire". La politique devient donc jeu de la mort. D’ailleurs, vous avez dit politique ? « Politique de l’inimitié » ou « nécropolitique » (pour emprunter à Achille MBEMBE ? À vous de choisir.
Ainsi va donc cette campagne électorale 2018 (et même depuis ce que certains ont appelé « pré campagne). La civilisation et la sportization politiques ont foutu le camp et même les symboles et les icônes ne sont plus à l’abri (si vous en doutez, allezdemander son avis à Samuel ETO’O FILS). Mais moi, ce qui me gêne le plus, c’est le SILENCE qui prévaut. Personne ne veut en parler. Certains par peur d’être pris pour cibles, d’autres PAR PEUR DE FAIRE FUIR LEUR ÉLECTORAT. Ce cher électorat dont on cède à tous les caprices comme un enfant gâté, dont on applaudit parfois les exploits douteux dans le silence de son égocentrisme (en prophète, messie ou homme providentiel qu’on rêve d’être). Vous l’avez compris, il faut aujourd’hui interpeller les leaders des formations politiques et les candidats en courses pour ces élections présidentielles quant à leur responsabilité dans ces dérives. Leur silence me semble bien coupable et n’ayant pas peur de le dire je confirme la maxime: « qui ne dit mot consent ». Je sais, on viendra nous sortir l’excuse facile, la chanson bien connue : « tel ne parle pas au nom du parti. D’ailleurs, il n’en n’est même pas militant ou membre ». Mais le fait est là : IL DIT AGIR POUR VOTRE COMPTE OU ÊTRE CONTRE TEL CANDIDAT A VOTRE FAVEUR. Prenez vos responsabilité : Quel dirigeant serez-vous si d’aventure vous accédez à la magistrature suprême ? Celui d’un camp ou celui de tous les camerounais ? Mon verdict est donc clair et simple : COUPABLE ! Et le citoyen qui ira aux urnes dimanche prochain doit se pencher sur cette question. Car la république que leurs réservent leurs messies est celle de L’INTOLÉRANCE ET DE LA HAINE.