Cameroun: au-delà de quelques espoirs

Cameroun: au-delà de quelques espoirs


La lutte politique n'est pas un dîner de gala. C'est encore plus vrai dans un pays comme le Cameroun. Dimanche 7 octobre 2018 se déroulera au Cameroun les élections présidentielles. 8 candidats + 1 gagnant sont en lice.

Quelle est l'histoire politique du Cameroun? Si on veut couper court, elle se résume à l'histoire d'un régime au commande de l'Etat depuis ses origines. Paul Biya a accédé au pouvoir parce qu'il fut l'héritier constitutionnel et idéologique d'Ahmadou Ahidjo. Et Ahmadou Ahidjo fut élu premier président de la République grâce à la France. Dans toute cette histoire, le démos fut absent. Et, durant les 35 ans de règne de Paul Biya, il est resté absent.

Sur quoi se fonde alors les espoirs de l'opposition? Croit-elle que l'humeur populaire, ses accès de joie et de colère, lui assurera non seulement la victoire, mais la prise du pouvoir? Y-a t-il déjà eu dans ce pays un précédent de passation du pouvoir qui soit de l'ordre de ce qu'il convient d'appeler l'alternance démocratique? Non.

Alors, qu'est-ce qui pourrait emmener certains à croire qu'un pouvoir, certes villisant et chancelant, qui organise des élections comme il l'entend, ayant avec lui la force militaire, la force administrative, et certains réseaux internationaux, peut perdre des élections ?

Que l'opposition soit logique! Si elle pense qu'elle peut accéder au pouvoir le 7 octobre, par les urnes, qu'elle reconnaisse d'ores et déjà à Paul Biya, et son régime, des qualités d'une démocratie exemplaire et pacifique. Le cas échéant, quel est le sens de sa participation, et surtout d'où tire t-elle sa foi?

Que l'opposition, après 37 ans de règne, persiste dans ce genre d'expédition électorale, est le signe de sa filiation au pouvoir. Il n'y a rien à attendre d'elle. Ou sinon, le même type de changement qu'a donné le passage à témoin d'Ahidjo à Biya.

Une victoire certaine

Le régime de Biya va remporter les élections du 7 octobre. C'est un secret de polichinelle. Qu'il les remporte ne signifie en rien qu'il soit populaire ou qu'il bénéficie d'une large adhésion.

Il va remporter cette élection parce que c'est son élection. Il l'organise, convoque l'opposition, ce n'est pas pour perdre. Comment peut-il perdre? L'opposition participe à titre purement formel.

Le régime va remporter cette élection parce que l'opposition, aujourd'hui éclatée, ne peut les contraindre à rendre le pouvoir. Elle ne dispose d'aucun moyen, d'aucune force, d'aucune stratégie. Sur qui peut-elle s'appuyer en cas de victoire? Les populations? Celles-ci ne sont pas plus dans l'opposition que dans les meetings du parti au pouvoir.

Si l'opposition croit donc qu'elle peut compter sur le "peuple" pour contester les résultats du futur scrutin, elle ne fera qu'apporter sa touche dans une guerre civile déjà en cours.

On passera au niveau 3 de la guerre civile.La confusion sera encore bien plus grande. Et l'horizon, encore plus sombre. L'opposition a accepté d'aller aux élections avec deux régions complètement hors courses, deux régions où les enfants ne vont presque pas à l'école, deux régions hors contrôle. Ce fut une erreur monumentale. Et lorsqu'on entend certains de ses représentants nous dire qu'ils régleront ce qu'ils appellent la "crise anglophone" en deux mois, on se rend compte de leur démagogie inouïe.

Il est vrai que ce qui s'est passé, et ce qui se passe au Nord-Ouest et Sud-Ouest est d'un cafouillage terrible. Cependant, mon sentiment est que les camerounais dans leur vaste ensemble n'ont pas été très solidaires et très impliqués dans le drame en cours dans ces deux régions.

Si un opposant conteste donc la future victoire du pays, sur quoi pourra t-il s'appuyer si ce n'est sur une faction, en vérité, très faible et désorganisée du peuple?

Il faut quand même se souvenir, qu'à côté du Camroun, je veux dire au Gabon, Jean Ping a contesté pendant plus d'un an la victoire d'Ali Bongo....et il a fini par s’essouffler. L'armée gabonaise est restée fidèle à Bongo, et la communauté internationale n'a eu de cesse de tenir un double discours à Jean Ping. Même scenario au Congo Brazaville. On critique trop souvent les pouvoirs en place en Afrique, et pas assez les oppositions.

Ces expériences voisines au Cameroun démontre que, dans un certain contexte, participer aux élections est un jeu à somme nulle, si derrière on n'a pas développé toute une stratégie de pris du pouvoir, si l'on n'a pas suffisamment travaillé, éclairé les populations locales.

Le plus grave dans l'attitude de l'opposition au Cameroun est qu'elle semble se satisfaire de ses propres coups d'éclats dans les rues et plateaux de télévision. Elle se permet d'alimenter sans fin son fantasme.

Pourquoi aucun de ces opposants n'a démarré sa campagne officielle dans les régions du Sud-Ouest/Nord-Ouest? Pourquoi aucun de ces opposants n'a démarré sa campagne à l'Extrême-Nord? Ou encore à l'Est du Cameroun? On ne le dit peut-être pas assez, mais là-bas aussi, il y a une détresse humaine.

L'opposition camerounaise, à l'image du pouvoir, est restée confortablement debout dans les capitales. Pour ces partisans féroces de la décentralisation ou du fédéralisme, il y a de quoi sourire.

A quoi servira toute cette agitation de l'opposition? A rien, si ce n'est à divertir un peu plus les camerounais qui peuvent encore se divertir. Dans cette élection, on voit surtout des têtes, des grosses têtes même...et pas de réels mouvements populaires, structurées porteurs d'idées et de débats. Le but de Kamto, Muna, Cabral, Osih, Matomba... n'est pas de créer des mouvements solides qui perdurent. Le but de ces messieurs, leur but à eux, c'est de solutionner, magiciens qu'ils sont, les problèmes du Cameroun. Ils ont bâti leur programme, comme certains auparavant, avaient eu à rédigé la Bible ou le Coran. Et maintenant, on devrait les croire sur parole.

L'individualisme prime. Le culte du chef. La tête de gondole. Le RDPC a fortement inspiré ses adversaires. Négativement.

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