Capitaliser l’expérience au sein des SDIS

Capitaliser l’expérience au sein des SDIS

Définitions

L’expérience est définie comme une pratique dont découle un savoir, une connaissance ou une habitude. Contextualisée dans un cadre professionnel, elle renvoie à un ensemble de connaissances acquis par une personne, au travers de l’exercice de son métier. 

La capitalisation des expériences est un travail interne à une organisation, qui repose sur la volonté de mettre en commun et de partager les connaissances et les compétences acquises individuellement, dans le but d’en tirer des enseignements collectifs. 

La nécessité de capitaliser l’expérience 

Les départs en retraite et la mobilité géographique ou fonctionnelle des agents des SDIS sont à l’origine de la fuite de leurs savoir-faire. Dans un contexte temporel et financier toujours plus contraint, le caractère stratégique d’un apprentissage collectif au sein de nos organisations est exacerbé. Il en est de même pour les services moins assujettis aux départs de collaborateurs, qui trouveront avant tout dans cette démarche un outil de partage des connaissances et de travail collaboratif.

Au travers des expériences de leurs agents, les organisations et en l’occurrence les SDIS, acquièrent eux aussi de la connaissance : c’est l’apprentissage organisationnel.

Pour que les expériences individuelles ouvrent la voie à l’apprentissage organisationnel, elles doivent être collectées, organisées et partagées. L’ensemble du processus repose alors sur une démarche collective de développement des compétences.  

Mise en place des outils de capitalisation

Deming démontre au travers du principe de l’amélioration continue (P-D-C-A) que le contrôle (« check ») et les actes correctifs (« act ») sont directement liés à l’expérience de la réalisation (« Do »). « Faire » semble alors être le socle de l’amélioration, mais ce n’est pas suffisant.

Pour devenir apprenante, une organisation doit se structurer et s’organiser autour d’une démarche commune d’amélioration continue qui n’est rendue possible qu’après un engagement fort de la direction. A l’instar de l’engagement dans une démarche Qualité, c’est un engagement formel qui doit prendre forme au travers d’un projet d’établissement.

D’autres outils empruntés à la Qualité peuvent être utilisés pour capitaliser l’expérience. C’est notamment le cas du système documentaire. L’intérêt d’un service à formaliser ses procédures est fort : Pour fiabiliser ses processus d’une part, mais aussi à des fins pédagogiques, facilitant le « tuilage » entre l’agent quittant son poste et son remplaçant. Les procédures éviteront la répétition des erreurs passées. Elles permettront ainsi de capitaliser l’expérience de l’officier sortant à travers le système documentaire qu’il aura bâti.

Celui-ci ne doit alors pas être figé car, si l’on en croit le philosophe français Gaston Bachelard : «La connaissance s'élabore contre une connaissance antérieure». Cette mémoire organisationnelle doit s’enrichir et évoluer avec les expériences de celui qui les applique. En faisant évoluer le système documentaire, l’officier de proximité (chef de bureau, chef de service voire chef de centre) permet à l’organisation de devenir plus efficiente (chacun des processus interne ayant un « client » à satisfaire).  

Il faut alors ouvrir la possibilité de diffuser ces nouvelles informations aux agents exerçant des fonctions proches ou similaires. Ceux-là pourront certainement les enrichir à nouveau, sur le principe de l’intelligence collective où la réflexion de l’un questionne celle de l’autre, faisant émerger des solutions nouvelles. 

Aidés par les outils informatiques qui permettent de s’affranchir des contraintes d’espace et de temps, les SDIS ont la capacité de partager massivement. Mais pour atteindre sa cible, l’information doit être judicieusement organisée. Plusieurs formalismes existent au sein des services de secours : Plus ou moins développés localement, les fiches de bonnes pratiques, les partages et retours d’expériences, les revues de service et les rencontres professionnelles peuvent être cités de manière non exhaustive. Les réseaux sociaux, certes non institutionnels mais très développés, sont aussi utilisés de manière plus individuelle. 

Les SDIS ont donc tout intérêt à développer ces outils simples et peu onéreux de partage des connaissances. Certains l’ont d’ores et déjà compris, comme le prouve le lancement en octobre 2016 de la plateforme ENASIS destinée au partage de documents pédagogiques, pour bénéficier d’expériences de terrain et partager un savoir faire.

Un pas vers le « Knowledge Management »

Des méthodes spécifiques de management des connaissances ont été développées pour aider les organisations à conserver ce capital immatériel. Leur usage permettrait aux SDIS souhaitant s’inscrire dans une démarche d’apprentissage organisationnel de sécuriser leur patrimoine intellectuel. 

Elles consistent dans un premier temps à recenser les différents processus d’un service puis à les classer et les lier entre eux. Au sein de chaque processus, les agents contribuent à réaliser une tâche avec leurs connaissances et leurs compétences dans un domaine particulier. Certains agents, acquièrent ainsi, avec le temps, une véritable expertise qu’il est essentiel d’identifier. 

D’après la cartographie des processus d’un CTA-CODIS réalisée par le lieutenant Kévin MUGUET, la compétence (ou processus) « Gestion mobilisation engagement » nécessite l’utilisation d’un algorithme de mobilisation du personnel (compétences et fonctions).  

Dans ce processus, il est nécessaire qu’un administrateur SGO/SGA soit compétent pour paramétrer cet algorithme et en assurer le suivi permanent. En cas de perte de cette compétence (mobilité, maladie,…) l’impact à moyen terme peut être important : défaillances opérationnelles et engagement non conforme au règlement opérationnel. Le « technicien » du moteur opérationnel d’un SDIS que constitue le CTA-CODIS à donc un rôle capital. 

Il s’agit alors dans un second temps d’identifier ces personnes « expertes » comme véritables ressources pour le service, quel que soit leur positionnement hiérarchique.

Enfin, ces compétences peuvent être classées selon leur sensibilité : importante, majeure ou critique. La notion de criticité apparaissant dès lors qu’une connaissance majeure n’est détenue que par un nombre insuffisant d’agents. Dans l’exemple du CTA-CODIS, la compétence « paramétrer l’algorithme » serait considérée comme « critique » si elle n’était détenue que par un seul agent.

Ce classement doit être pris en compte dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et doit nécessairement donner lieu à un plan de sécurisation des connaissances et des compétences les plus critiques. Les groupements Formation, chargés de la réalisation des plans de formation pluriannuels des SDIS semblent avoir ici un rôle essentiel à jouer.

Bien qu’il soit difficile de maitriser complètement ces risques, ces outils de gestion et de pilotage doivent constituer des éléments indispensables pour construire un plan d’actions correctives et intégrer définitivement l’Établissement dans une démarche résiliente et performante.

Olivier Lockert : « La connaissance, c'est partager le savoir qui nous fait grandir » 


L. BILLA


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