Car le Monde n’attend pas !
Mon message est long mais j'espère que le plus grand nombre le lira et le méditera car je partage ici les réflexions d'une période de doutes et ce que j'ai de plus en plus sur le cœur.
Hier, s'estimant seul et se refusant à la politique des petits pas, Nicolas Hulot, ministre de l'écologie, quittait le gouvernement. Dans la foulée, Nicolas Sarkozy disait qu'il y avait "tellement plus important que de commenter cet évènement".
Seul, Hulot ne l'est pas.
Plus important, il n'y a pas.
La conscience écologique est de plus en plus importante, notamment auprès de personnes de ma génération. L'urgence environnementale n'est pas pour nous qu'une vue de l'esprit, un futur abstrait, une catastrophe annoncée pour nos enfants que nous n'avons pas encore. Ce sera notre lot. C'est déjà notre lot.
Les incendies qui ravagent nos forêts. Les canicules qui tuent nos aînés. Les inondations et tempêtes qui emportent maisons et vies de nos amis sur place. Les froids glaciales qui achèvent ces mendiants sous nos toits. La montée des eaux qui recouvre les lieux de notre enfance où nous avons tant de souvenirs et d'attachement. Les maladies tropicales qui apparaissent dans le sud de l'Europe. Les migrations notamment écologiques qui menacent la paix en Europe. Les territoires défigurés aux portes de nos villes. Les océans poubelles d'où viennent les poissons que nous mangeons. Les cancers, dus aux pesticides notamment, qui tuent nos parents...
Ce n'est pas le futur, c'est le présent. Ce n'est pas la vie des autres, c'est la nôtre. Et le pire est que ceci n'est que la face émergée de l'iceberg alors qu'il y a tout le reste.
Des générations trop inconscientes au pouvoir
Les générations actuellement au pouvoir n'ont pas toutes la pleine conscience des enjeux qui se jouent. Le pire dans tout ça, c'est que c'est normal. En effet, il n'est pas possible de se projeter au-delà de sa propre existence. Ces personnes ont vécu et grandi, se sont construites, avec les codes d'un monde obsolète. Ces codes sont malheureusement trop profondément ancrés dans leurs grilles d'analyses du monde pour les remettre en question quand leur vie est derrière eux. Donald Trump ne sera plus de ce monde quand sa maison de Miami sera définitivement sous les eaux. Ce n'est pas le cas pour ses enfants. C'est pour ça que pour nous tout est différent.
L'enjeu environnemental ne peut pas être un sujet d'opposition entre gauche et droite. Entre tenants d'une vision mettant la société en avant contre ceux mettant en avant l'individu car ce qui est en jeu est notre existence sociétale et personnelle. La nuance est là. Nous sommes tous responsables, mais aussi tous concernés. Nous ne pouvons plus nous permettre de fermer les yeux sur le devenir de nos propres vies.
Je dois reconnaître que j'ai toujours eu une conscience écologique et que j'étais déjà engagé dans l'association de Nicolas Hulot dès mes quatorze ans. Mais je mettais cette conviction au même niveau que d'autres. Le mérite, le travail, l'éducation, la justice sociale, l'amour et la grandeur de la France, la culture, le rêve européen, me caractérisaient également. La question du sens m'obsédait.
Quand vient le doute...
Et puis j'ai été pris par le doute. Celui qui vous prend à la gorge, vous lacère les tripes et vous plonge dans le noir pour ne pas vous lâcher. Qu'il est dur de douter. La pénombre qui vous envahit, vos certitudes qui partent en éclat. Pourtant, j'invite chacun à faire son état de conscience et à se laisser envahir par le doute le temps d'un instant. J'ai été mis devant l'incompatibilité de toutes mes convictions. Alors j'ai établi mon sens des priorités et j'en ai tiré les conclusions logiques.
A quoi bon notre nation si le Monde brûle ? À quoi bon soutenir une politique nataliste pour assurer la puissance de notre pays si la Terre est déjà surpeuplée et ne peut pas nourrir tout le monde dignement ? A quoi bon défendre la culture française et européenne et vouloir contrôler l'immigration quand notre propre politique africaine et moyen-orientale pour nos besoins en matières premières provoque instabilité et pauvreté sur ces territoires poussant leurs populations à l'exil que nous regrettons ? À quoi bon une économie prospère si elle implique la déforestation pour continuer à produire plus ? À quoi bon remplir un compte en banque s'il ne nous sert à rien pour respirer et manger correctement ? Etc etc...
Tout l'or du monde ne nous sauvera pas. La catastrophe écologique ne connaîtra pas les distinctions de races, de religions, de conditions sociales. Nous sommes tous et sans exception sur le chemin de l'extinction.
La nécessité du changement de paradigme
Nous devons changer de paradigme et n'avons pas le choix. Ou plutôt si, nous avons le choix. L'autre choix est de cesser d'exister. Nous avons atteint le seuil de basculement le 1er août dernier. Cela signifie que nous avons utilisé tout ce que la Terre est capable de produire en 12 mois au bout de 7 mois seulement. Nous ne pouvons pas continuer de miser sur une croissance infinie, une production infinie, une consommation infinie alors que nos ressources sont finies et à bout de souffle. Nos paradigmes sociétaux ne peuvent plus être uniquement la croissance et le profit économique. Les stimulis de récompenses et gratifications sociétales et individuelles doivent être repensés dans un sens durable et responsable.
C'est un véritable changement structurel, systémique, philosophique que nous devons mener pour nos sociétés. N'ayons pas peur des mots. Notre système néo-libéral ne marche plus. Ne cherchons pas des responsables individuels pour faire diversion. Il faut être anti système. Tout repenser, tout reconstruire, tout faire évoluer.
"Oui mais ceci est impossible. C'est utopique. Ceci ne fonctionnera pas. C'est hors sol. Ceci coûte trop cher. Nos concurrents dans un contexte mondialisé se réjouiront de telle ou telle décision. Quel sujet de bobos!".
Voilà quelles avaient pu être mes réactions il y a encore quelques mois devant de telles affirmations, non sans cynisme. Je réfléchissais en prenant en compte comme cadre de la "réalité" : les PIB, la concurrence économique à l'époque de la mondialisation, les "indépassables" différences culturelles entre les hommes, les rapports de puissances, les contextes religieux, notre nature humaine ni bonne ni mauvaise... Je n'avais pas tort dans le sens où c'est actuellement le cas. Je pensais être froid et réfléchi. Je préférais être pragmatique plutôt qu'utopique. Je pensais qu'il fallait accepter de jouer au jeu mondial en acceptant ses règles pour en devenir un joueur puissant donc influent et ensuite remodeler le monde à la façon que j'estimais la meilleure. Être un outsider signifiait être au ban de la société et donc n'avoir que peu d'impact. Mon horizon indépassable était celui d'un Monde tel que personne ne l'a jamais connu, à savoir qu'il puisse se faire sans nous, les Hommes.
Seulement, cet horizon est potentiellement dépassable. La question environnementale n'est pas une question comme une autre. Elle est existentielle, primitive. Elle nous ramène à notre essence. C'est de loin l'enjeu le plus grand que l'humanité n'ait jamais connu. Par conséquent il ne peut pas se satisfaire des petits calculs et compromis.
Le plus grand et beau des défis
La responsabilité est immense. L'Histoire avec un grand H nous regarde. Mais y a t-il combat plus noble et excitant que de vouloir sauver le Monde ?
Pour la première fois dans l'Histoire les intérêts individuels et collectifs de tous les hommes et de toutes les sociétés convergent. Pour la première fois dans l'Histoire l'ennemi ce n'est pas un groupe d'hommes et de femmes et la solution un autre de ces groupes. L'ennemi c'est chacun de nous tous et la solution est en chacun de nous tous. Alors face à ces circonstances inédites qui nous relient tous les uns aux autres dans une interdépendance mondiale totale sur des questions de vie ou de mort nous sommes capables du pire comme du meilleur. C'est source d'un immense espoir face à un colossal défi. L'Homme n'est jamais aussi fort, inventif, altruiste que lorsqu'il est au pied du mur car il a besoin de rêves, de grandes épopées, et de sentir souffler dans son cou la brise du danger, pour se surpasser.
L’environnement comme quête de sens
Dans une société morne, en perte de repères et de sens, la raison de nos existences, le sens que nous cherchons tous pour nos vies est là sous nos yeux comme une évidence prête à ce qu'on mène ce combat pour elle. Vous savez ces questions qu'on se pose tous mais qu'on préfère oublier ou dont on ne veut pas parler car le monde sans tête dans le lequel nous vivons n'aime pas les états d'âmes. On s'en fout aujourd'hui du "qu'en dira-t-on ?" le chemin est devant nous, prêt à être engagé.
Des pistes d'actions, il en existe une multitude, en matière d'éducation, d'énergie, d'alimentation, d'économie, ou de démocratie. Pour ceux en mal d'inspiration, le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent en propose de nombreuses et peut être une bonne base de départ de réflexion. Ce sont des gestes du quotidien et des engagements de vie qui sont à la portée de chacun. Le plus difficile étant probablement de se lancer.
A ceux qui me lirez je sais par vos études, vos chemins respectifs que vous faites partie de l'élite, prise dans son sens large. J'ai eu la chance de naître au bon endroit, au bon moment et d'avoir reçu l'éducation que j'ai reçue pour vous fréquenter. Vous êtes, comme moi, appelés à avoir des responsabilités, quel que soit le domaine dans lesquels vous êtes engagés. Pour vous, pour moi, pour nous, la responsabilité est double. Si nous ne nous saisissons pas des leviers d'action pour entraîner derrière nous toutes nos sociétés vers notre survie, personne ne le fera. Nous n'avons pas le droit de dire que nous ne pouvons rien y faire. N'attendons pas de ceux qui n'ont pas les moyens de s'engager qu'ils le fassent à notre place. C'est notre devoir. Montrons le chemin, l'exemple. Faisons notre part avec les moyens qui sont les nôtres. Dans le cas contraire le poids de l'Histoire sera d'une infinie sévérité à notre endroit, pour peu qu'il y ait encore des hommes et des femmes après nous pour nous juger. Le plus grave est qu'il n'y a rien d'autre de grandiloquent dans cette affirmation que la violence aveuglante de cette réalité.
Alors mettons nous en chemin !
Marin Maufrais
Développeuse Front-End React SIG
6 ansDes mots justes qui traduisent également mes pensées. Le temps passe et je me sens de plus en plus gagnée par le cynisme et le pessimisme, difficile de garder le cap. Les actions locales au quotidien sont actuellement les seules qui me rassurent que nous pouvons vraiment changer les choses dans le fond, les réseaux Colibri et Alternatiba sont important pour cela
Security Solution Architect
6 ansPardonnez d'avance mon pessimiste mais il faut se rendre à l'évidence, rien ne changera car nous n'acceptons et n'accepterons pas volontairement d'entrer en décroissance...chaque jour en apporte la preuve...à commencer par nos politiques hypocrites dont l'écologie n'est rien d'autre qu'un outil de communication.
Adjoint à la directrice des affaires financières/ Chef du service achats
6 ansBravo Marin. Ta génération (et la mienne) sont les dernières qui peuvent encore agir (il est déjà tard). Alors soyons sans concession avec les discours, théories, doctrines et surtout les actes qui vont à l'encontre de l'intérêt général. J'espère que tu feras des émules et que tous les jeunes (conscients de la situation) se feront entendre...et taire les lobbies qui dirigent ce monde (qui n'attend pas). Et merci à N. Hulot, j'espère qu'il aura la force de mener le combat librement à présent.
Directeur général - Directeur BU / Filiale - Directeur régional - PME/ETI - Produits et services BtoB, BtoC - Reprise, développement, redressement.
6 ansAgir localement et inventer un nouveau modèle, voilà le défi qui s'offre à chacun de nous ! Un quinqua solidaire
Chargée d'études juridiques
6 ansTouchant,, triste mais cohérent et humain notre Nicolas HULOT..., merci pour cette très belle interview.