Cartes. Des frontières chinoises intégrées ou exploitées ? D. JUILIEN sur DIPLOWEB.COM
Aux frontières de la RPC, souvent peuplées de minorités ethniques, la question de la stabilité sociale locale peut se doubler d’enjeux sécuritaires. C’est le cas à la frontière sino-birmane. Comment le Parti-État y adapte-t-il ses plans de développement ? L’auteur répond à partir de trois cartes commentées.
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Extrait
À travers le monde occidental, les inégalités territoriales s’expriment aujourd’hui dans la sphère politique avec vigueur. Cette dynamique existe aussi en Asie, à Hong Kong par exemple. Est-ce différent en République Populaire de Chine (RPC) ? Préoccupé par sa légitimité et sa position de parti unique, le Parti communiste chinois (PCC) réfléchit depuis deux décennies à la question de la stabilité sociale. À ses frontières, souvent peuplées de minorités ethniques, la question de la stabilité sociale locale peut se doubler d’enjeux sécuritaires. C’est le cas à la frontière sino-birmane. Comment le Parti-État y adapte-t-il ses plans de développement ? Y observe-t-on un assouplissement du principe du centralisme démocratique ? Les intérêts nationaux et d’État sont-ils mis en retrait relatif par rapport aux besoins locaux ? La présente cartographie multiscalaire propose d’apporter quelques éléments de réponse à partir de l’exemple de la vallée du fleuve Salouen, à la frontière avec la Birmanie.
I. Une frontière isolée, peuplée de minorités ethniques
À la différence de la majorité du territoire chinois, l’ethnie Han est très minoritaire dans la vallée du fleuve Salouen située dans la province du Yunnan (carte 1). Dans cette région, l’emprise chinoise Han n’est réelle et effective que depuis le XXe siècle. Si l’on en croit les récits oraux, les ethnies telles que les Lisu et les Nu [1] étaient autrefois davantage préoccupées par leurs relations respectives – parfois tendues – que par les empires chinois. Le PCC mit fin d’une certaine manière aux tensions dans la région et lui donna le nom de Nujiang Xiagu : les « gorges du fleuve Nu », du nom du peuple Nu.
Aujourd’hui, la vallée est l’objet de politiques de lutte contre la pauvreté. Le district de Fugong, sur lequel notre carte se concentre, est l’un des plus pauvres de Chine. Par manque de terres cultivables disponibles, les jeunes sont souvent poussés à devenir des travailleurs migrants ailleurs au Yunnan, voire en dehors, dans les grands centres industriels chinois. La géographie très accidentée de cette région ne facilite pas son rattachement aux réseaux économiques de la province. De fait, il n’existe qu’un point d’entrée du Yunnan vers la vallée. En revanche, il existe de multiples routes menant vers la Birmanie, où réside également une population Lisu nombreuse.
Les points de différence avec l’ethnie Han s’accentuent avec la question religieuse. L’essentiel de la population Lisu est chrétienne, tout comme une part significative du peuple Nu. Quatre fois par semaine, l’office est célébré dans les nombreuses églises que compte cette vallée. Inquiet du pouvoir potentiellement rival des organisations chrétiennes, le PCC rappelle sa présence avec constance à l’entrée des lieux de culte à travers les mots suivants : « Marcher avec le Parti ; écouter le Parti ; remercier le Parti » (carte 3). Parfois, le drapeau de la RPC est également dressé face aux églises.
II. Intégrer la frontière au territoire national : l’exploitation hydroélectrique
La Salouen est un fleuve rapide, tumultueux. (Fin de l'extrait, il reste 70 %) VOIR GRATUITEMENT LES CARTES ET LEUR COMMENTAIRE COMPLET
Expert géopolitique
4 ansDoctorant à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8), David Juilien est spécialisé sur l’étude géopolitique des mondes chinois et sur l’aménagement du territoire. Il a été chargé de cours de niveau master 1 à l’Institut Français de Géopolitique. Merci à Charlotte Bezamat-Mantes pour son travail éditorial.