CAS D'ACQUISITION D’ENTREPRISE - Fusionner deux cultures

CAS D'ACQUISITION D’ENTREPRISE - Fusionner deux cultures

Dans une publication précédente je mentionnais que 24 000 entreprises allaient changer de mains au cours de la prochaine année.  Mon propos faisait ressortir le fait que, bien que la culture fasse partie des discussions qui précède l’achat d’une entreprise elle fait rarement l’objet d’une évaluation objective et systématique lors de la vérification diligente.  La culture devient alors un défi de gestion du changement.

Cas vécu

Depuis la fondation de mon entreprise en 1991 j’ai eu la chance d’être guidé par mon comptable qui pour moi est beaucoup plus qu’un comptable.  Appelons-le Gérard, nom fictif, puisqu’il m’a tellement aidé à « Gérer » mon entreprise.

Gérard avait lui-même fondé son propre bureau avec six ou sept autres personnes quelques années avant.  Au fil des années, à titre de client, j’ai bénéficié de la culture de cette entreprise. Voici quelques mots clés pour la qualifier :

-               Culture de bienveillance : j’ai toujours senti que Gérard et son équipe avaient le succès de mon entreprise et surtout mon succès personnel à cœur;

-               Culture d’empressement : Gérard a toujours été proactif en me proposant des façons de bien gérer les finances de ma pratique en concordance avec mes finances personnelles et chaque fois que je m’adressais à lui ou à n’importe lequel de ses associés et collaborateurs je me sentais comme si j’étais leur seul client ;

-               Culture de professionnalisme : Gérard connaît absolument tout de moi, de mon entreprise et même de ma vie personnelle. Jamais il n’a jugé mes décisions ou tenté d’influencer mes choix personnels ou professionnels.  Il apportait toujours son point de vue à titre de comptable et me présentait les différentes conséquences de mes choix.  Ensuite c’était à moi de choisir.

 

Un beau jour Gérard m’annonce qu’il a vendu son cabinet à un groupe de jeunes comptables.   

Panique!  Le très fantasmagorique service que j’y ai toujours reçu sera-t-il le même ? Qui sont ces jeunes loups ?  Vais-je devenir un numéro ?  Vont-ils même m’inviter à aller ailleurs parce que je ne suis pas assez gros pour eux ?

Lorsque Gérard m’appelle pour m’annoncer la nouvelle et pour me rassurer je lui pose toutes ces questions.  Il me rassure en me disant que l’une des conditions à la vente était que les clients soient traités avec le même professionnalisme et le même égard que toujours.  Ouf.

Cependant

Quelques années plus tard, lors de notre lunch annuel je demandais à Gérard comment il avait vécu ce changement en rétrospective.  Toujours professionnel et discret il se contente de me dire que les débuts ont été difficiles et qu’il a dû protéger ses clients farouchement.  Il ne m’en dit pas plus.

Avec mon œil d’expert en culture et du point de vue du client voici comment j’ai perçu la culture de l’acquéreur au début, puis par la suite:

Culture technologique : on m’a ouvert un portail dans le nuage, on s’est mis à m’envoyer des documents informatisés et des liens vers le portail.  Avant, Gérard m’arrivait toujours avec mon dossier papier dans une chemise verte…oui toujours verte, débordante mais rassurante parce que je voyais par son épaisseur où allaient mes honoraires.

Culture de productivité : je me suis mis à recevoir des courriels de personnes que je ne connaissais pas mais qui semblaient occuper des fonctions précises dans ce nouveau cabinet : tenue de livres, facturation, gestion de l’information.

Je dois dire que j’ai eu une bonne frousse au début et j’ai dû demander à Gérard quelle mouche avait piqué les nouveaux propriétaires.

Gérard m’a fait comprendre, sans jamais dénigrer ses nouveaux « associés » que les acquéreurs étaient des « opérateurs ».  En d’autres mots ils avaient acheté sa pratique pour la faire croître à l’aide de procédés, de méthodes et d’outils efficaces.

Au fil des années je me suis rendu compte qu’ils avaient réussi à ménager la chèvre et le chou.  J’ai continué à bénéficier de la bienveillance et du professionnalisme de Gérard ainsi que de l’empressement de tous les membres de l’équipe.  En plus je dois dire que les outils technologiques qu’ils ont implantés me sont très utiles ne serait-ce que pour l’archivage et la consultation des documents informatisés.

Cependant, nonobstant la grande discrétion de Gérard plusieurs indices m’ont permis de décoder que la fusion des deux cultures a été ardue et a très certainement généré des conflits et qu’elle n’est pas étrangère au roulement personnel que j’ai pu observer au fil des années.

Comme quoi lors d’une fusion/acquisition il serait productif de faire l’évaluation objective des deux cultures lors de la vérification diligente ou tout au moins à l’étape où l’on formule le plan d’intégration des deux entreprises.

 

 

 

 

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