CELA VA DANS LE BON SENS MEME SI CELA NE MENE NULLE PART
Je lis avec le plus grand intérêt la circulaire de rentrée 2022 adressée à l’ensemble du corps enseignant et des personnels de l’Education Nationale, à l’aune de cette nouvelle année scolaire 2022/23. Nous voilà rassurés ! En effet, la nouvelle circulaire s’inscrit dans la continuité de la précédente pour nous inviter à poursuivre la quête de l’excellence si chère à notre école républicaine.
Il s’agit de promouvoir une école engagée pour l’excellence et la maîtrise des savoirs fondamentaux. « …La maîtrise de la lecture, de l’écriture et des mathématiques constitue l’objectif prioritaire de nos politiques de réduction des inégalités… ».
Certes, il est incontestable que les fondamentaux d’un socle commun de connaissances doivent conduire à la réduction des inégalités. C’est au niveau de la proposition d’action déclinée par la circulaire qu’une incompréhension se dresse à mes yeux.
En effet, la priorité d’action est définie par « la continuité donnée au Français, notamment la maîtrise de la lecture et de l’écriture et aux Mathématiques : dans les enseignements dispensés à nos élèves, dans la formation continue de nos professeurs des écoles, dans l’évaluation des acquis des élèves… ».
Doit-on comprendre que la baisse du niveau des élèves dans ces disciplines fondamentales viendrait compensée par « le renforcement des enseignements dispensés » ? Faut-il ajouter plus d’heures d’enseignements aux élèves et aux enseignants pour combler la faible performance en français ou en mathématiques à l’heure actuelle, sachant que ces disciplines n’ont cessé de faire l’objet de ces « renforcements » depuis de nombreuses années ? Le problème viendrait il d’un manque de formation des enseignants ? Les plans de formations en français et en mathématiques organisés par « constellations » seraient la clé pour relever le niveau des apprentissages en français et en mathématiques ?
Je suis tentée de croire que le problème vient de loin dans le temps et surtout d’ailleurs. A mon très modeste niveau, j’interviens comme formatrice auprès d’un certain nombre d’inspections de la Région Parisienne et le retour des enseignants n’est pas celui-là.
La désertion que connaissent nos établissements avec des démissions sans précédent par leur nombre, les difficultés de recrutement pour préparer cette rentrée mais aussi les précédentes, l’impréparation des nouvelles recrues face au défi immense qui leur est demandé de relever…l’agressivité des élèves, le désarroi des parents, l’abandon des enseignants, serait la conséquence d’une faible performance dans l’enseignement des disciplines fondamentales ?
La perte de sens apparaît à mes yeux comme un élément majeur de la désaffection ressentie au sein de l’Institution. Si la transmission des savoirs est la première motivation d’un enseignant, il lui est particulièrement difficile de poursuivre cette belle mission lorsque les élèves n’affichent plus la volonté de recevoir les connaissances proposées. Trop éloignés des richesses enseignées par les temples du savoir, les élèves montrent bien souvent des souffrances autres que l’absence de connaissances. Et c’est exactement sur ce point précis que les enseignants ne sont pas formés, outillés pour accompagner les élèves vers un parcours d’acquisition de connaissances serein et positif.
« …La mise en place des écoles académiques se confirme dans l’objet de contribuer à l’approfondissement d’une formation initiale et continue de qualité des enseignants ». Ceci va dans le bon sens mais cela ne va nulle part si de nouvelles compétences relationnelles ne sont pas apportées à nos enseignants ainsi qu’à l’ensemble des membres de la communauté éducative.
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Souvent englobées sous l’étiquette des « soft skills », les compétences relationnelles, le travail de l’écoute, la communication sans violence, la compréhension et la connaissance de l’autre pour pouvoir finalement se reconnaître au sein d’un même établissement, d’une même classe, autant de compétences qui, une fois acquises, permettront véritablement de viser l’excellence.
Car l’excellence commence dans la construction d’un cadre de références commun à mettre en place dans chaque classe, dans chaque communauté éducative. Un cadre sécurisant pour l’enfant comme pour l’enseignant. Un cadre fait de respect des besoins de l’autre une fois ces besoins seront nommés, identifiés et reconnus. Un cadre qui permettra d’associer la famille autour d’un objectif commun : accompagner l’enfant sur le chemin des apprentissages multiples qui feront de lui un citoyen libre et éclairé. Un cadre respectueux des valeurs de chacun et sans concessions dans l’acceptation de nos valeurs républicaines communes.
Mettre des mots sur les maux pour que l’école inclusive prenne tout son sens. Offrir l’écoute à celui qui ne parvient pas à trouver sa place pour lui permettre d’accéder à l’espace d’apprentissage qui lui est garantie par notre système républicain.
Parce que nos valeurs républicaines se transmettent dans une langue sans violence, dans un référentiel linguistique riche de respect, de partage, d’expression du meilleur de nous-même, de compréhension face à nos erreurs, de solidarité face aux inégalités et d’exigence dans le respect de nos libertés.
Parce que l’autorité ne se décrète pas, le respect ne s’improvise pas, la reconnaissance ne se dicte pas, parce que notre système éducatif souffre de surdité, de mutisme, de cécité, nous ne pouvons poursuivre sur le même modèle de grandiloquence et de grands principes sans déclinaison précise, sans feuille de route pour tous et pour chacun d’entre nous.
La formation des enseignants doit prendre en considération les lacunes que le système a produit en matière de gestion des émotions, gestion de conflits, négociation, communication sans violence, médiation et résolution de différends, autant de compétences devenues indispensables à la mise en place de l’école de l’excellence, de l’inclusion, de l’égalité des chances et du bien-être des élèves et des adultes dans cet espace sanctuarisé que nous appelons l’ECOLE.
Non, les enseignants ne manquent pas de compétences linguistiques ou mathématiques ! Non, les professionnels de l’éducation ne parviendront pas à confirmer leurs vocations d’éducateurs par « décret » ou « arrêté » ministériel. Non, la reconnaissance de l’enseignant ne sera pas dictée par une injonction politique, aussi franche et sentie soit elle ! L’accompagnement des professionnels exerçant des professions dont l’une des caractéristiques est d’être fondée sur un référentiel d’autorité n’est pas aisé. C’est un véritable travail collectif au sein de la communauté éducative qui ne peut en aucun cas démarrer en préconisant « des plans de formation en français et en mathématiques dont l’organisation en constellation est largement saluée ».
Il est urgent de donner à chaque enseignant, à chaque membre de la communauté éducative les compétences relationnelles qui lui permettront d’entrer de plein pied dans sa fonction suprême qui est la transmission du savoir dans un climat serein et apaisé.
A chacun sa place, une place pour chacun, une Institution qui retrouve sa légitimité dans la formation et l’éducation des adultes responsables qui formeront la société de demain. Une société qui prend son destin en main, un destin que nous souhaitons durable, responsable, libre et solidaire. Un destin qui mobilise les enseignants, les parents, les élèves, les forces vives de nos sociétés, les associations, tous ceux et celles pour qui EDUQUER est encore synonyme d’AVENIR, tous ceux et celles qui, encore aujourd’hui, sont partants pour relever le défi d’un futur meilleur, d’une société plus juste, d’un destin commun à la hauteur de nos légitimes aspirations.
Fondatrice Equilibres & Médiations | DEA Sciences Po Paris, Médiateur Cour d'Appel Paris
2 ansEt pourtant, elle manque tant la douceur! La douceur qui se dégage du regard de l'enfant en sécurité, la douceur que l'on retrouve dans le regard de l'enseignant en phase avec l'accomplissement de sa mission
Enseignante en dispo de l'EN Perspectives DÉTACHEMENT Cat.A COM et convictions : Réinventer l'école du 21e Médiateure passionnée - Médiat'aide Association Jeune & Engagé ( Paul Aïss)
2 ansLa douceur de cette sculpture n'a rien à voir avec la raideur de l'institution Marie Péresse 😔 Et pourtant ton article décrit avec finesse les constats vécus et les solutions envisagées qui sont de mettre des mots sur les maux et considérer les enseignants et les élèves autrement La formation, la pédagogie, les besoins , la reconnaissance , que de pistes de travail pour améliorer la vie à l'école
Fondatrice Equilibres & Médiations | DEA Sciences Po Paris, Médiateur Cour d'Appel Paris
2 ansTiphaine Chabert 🤝🍀 Catherine EMMANUEL, INTER-médiés - La revue de la médiation et des modes alternatifs de résolutions des conflits, Catherine Becchetti Bizot, Catherine de Gavre